En ces temps néolibéral, je voudrais m'asseoir
S'asseoir un instant au bord de la création, juste s'asseoir, le dos au néant et contempler la création dans ce qu'elle a de plus vertigineux, de plus merveilleux, de plus… de plus quoi ? Où est le mot qui pourrait exprimer cet émerveillement absolu, en même temps que ce sentiment de vertige, de dépassement.
S'asseoir un instant au bord de la création qui ne cesse jamais de se poursuivre, tissant son drap de velours et d'or et de matériaux encore plus précieux, plus merveilleux.
Par deux fois, j'ai eu l'occasion de contempler le grand canyon aux états unis. La première fois par la rive sud, en venant de Los Angeles et la deuxième fois par la rive nord en venant se Sans Francisco.
La première fois je vis un endroit splendide, super bien aménagé où prendre plein de belle photo et se constituer des souvenirs à offrir en famille, et de se donner à voir comme un touriste éclairé qui ne va pas en club méditerranée.
La seconde fois, après une route sauvage, tournante, mal entretenue, nous sommes arrivés sur un lieu encore très sauvage. Je me suis approché du bord pour voir, et là, j'ai ressenti un vertige que je n'avais jamais ressenti. Un vertige mêlant le corps, la psyché et l'esprit. Un vertige qui m'a cloué sur place. La hauteur abyssale, les couches et les couches de sédiment nous donnant à voir 4 000 000 d'année, d'une beauté a nous figer. J'étais dépassé, submergé par quelque chose de plus grand que moi et en même temps d'un merveilleux sans pareil. Il a fallu que je me mette à genoux pour pouvoir continuer à contempler. Alors j'ai compris à cette échelle microscopique ce qu'était la « crainte » de Dieu.
S'asseoir un instant au bord de la création, juste s'asseoir, le dos au néant et contempler la création dans ce qu'elle a de plus vertigineux, de plus merveilleux.
Pourquoi cette introduction ?
Parce que j'ai lu
le Très-Bas de
Christian Bobin en ces temps ou tout semble arrêté, pour repartir dans un autre mouvement inattendu. Quand je lis, le met dans la marge, les phrases que j'aimerais citer, que j'aimerais avoir été capable d'écrire, et là, c'est tout le livre qui serait une gigantesque citation.
Mon épouse l'a lu d'une seule traite de 3h00 du matin à 6h30 par une nuit d'insomnie. Et elle ma offert l'urgence de le lire. J'ai choisi de le cheminer comme on voyage sur un sentier où il nous faudra garder suffisamment de souffle pour parvenir au sommet.
Ce livre possède, non pas le mot de l'émerveillement, mais les mots créant la parabole de ce qu'est la crainte de Dieu, crainte qui n'est ni peur, ni frayeur, ni angoisse, mais qui est émerveillement devant la création, la vie de Saint François d'Assise.
Je me suis finalement, un instant assis au bord de la création avec le néant dans le dos, et avec lui toute mes peurs, pour ne contempler que la création. La litanie de la peur des Bene Gesserit de Dune, faisant passer la peur derrière soi.
"C'est à cette instant-là que vous aviez compris devant quoi vous étiez. C'est en voyant cette joie d'un chien galeux que vous aviez su être devant ce qu'on appelle une image sainte."
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