J'avais tellement aimé le premier roman de
Guy Boley,
Fils du feu, que je me suis naturellement précipitée sur son nouveau roman.
Guy Boley raconte ici son père René à qui il rend un magnifique hommage. " Mon père ce héros. Mon roi d'éternité". Après son décès,
Guy Boley comprend quel artiste était vraiment son père et quels étaient ses rêves. " Toujours on sous-estime les gens qu'on aime trop, ou ceux qu'on aurait dû aimer encore bien davantage."
René habitait près d'un dépôt de locomotives dans un quartier populaire d'ouvriers et de cheminots à Besançon. Orphelin de père, René est brimé par sa mère, une femme acariâtre qui lui impose la pratique de la boxe car elle déteste le voir plongé dans les livres et craint qu'il ne devienne trop efféminé. Ensuite René devient forgeron, devient parallèlement Champion de France de boxe, met en scène avec sa femme dans leur cuisine de naïves petites opérettes et joue des petits rôles au théâtre municipal. C'était un homme d'une extrême sensibilité qui a eu une vie multiple. " Il a fait des tas de choses."
René a un ami, Pierrot, qu'il considère comme un frère, ils sont "deux lierres à jamais enlacés". Pierrot devient abbé et propose à son ami d'interpréter le rôle de Jésus dans son adaptation de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la scène du théâtre paroissial. La vie de René s'enrichit encore d'une autre facette "Roi sur un ring, Jésus sur une scène, Zeus dans la forge."
Quand
Guy Boley écrit à propos de son père "Il ne sait pas que ce sera son fils qui, plus tard, arrachera au Petit Larousse des mots d'or, et de jade, de porphyre et de marbre, pour le glorifier. le déifier. Et sanctifier son nom sur cet autel païen qu'on nomme littérature", il n'y a aucune vantardise dans ses propos, ce sont vraiment des mots d'or qu'il manie dans un style éblouissant. L'amour de son père pour les mots et les dictionnaires éclaire l'utilisation par l'auteur d'expressions qui peuvent être jugées assez emphatiques, c'est rare et on lui pardonnera aisément puisque qu'il a reçu cette passion des mots savants en héritage...
Dans un premier temps j'ai éprouvé une certaine déception en retrouvant les mêmes lieux, la même atmosphère que dans
Fils du feu (la suie des locomotives, les rails du dépôt, les draps qui sèchent, le muret, la forge...) et la reprise de certaines des thématiques de son premier roman, la ruralité, le monde qui va trop vite... Mais après tout, son premier roman était inspiré de son vécu auprès de cette forge qui a tant compté dans son enfance...
J'ai encore été époustouflée par le style éblouissant de
Guy Boley, j'ai savouré cette lecture lentement. J'ai été touchée par son regard sur son enfance décrite comme un palais des merveilles et sur sa complicité avec son père, son dieu vivant. Je l'ai trouvé particulièrement émouvant dans ses regrets et remords dans la dernière partie du récit que j'ai trouvée magnifique. le mot "papa" sort enfin dans les dernières pages... J'ai aimé sa sincérité dans le regard qu'il porte sur son attitude envers ses parents lorsqu'il les a quittés, il n'est pas tendre envers lui-même... Ce roman parle aussi d'une magnifique amitié entre René et Pierre, deux êtres unis par l'amour des livres, les échanges entre les deux hommes sont souvent extrêmement savoureux.
Un magnifique hommage empreint de nostalgie mais non dénué d'humour porté par une écriture sublime.
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