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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Lorsque je rentre dans l'univers des peintres, je m'aperçois que j'ai toujours du mal à le quitter. Il se dégage toujours une atmosphère riche, foisonnante d'idées, de culture mais aussi un grand goût de liberté. Loin d'être un monde cependant serein, car il faut se battre pour faire sa place, pour être reconnu, ici c'est encore plus le cas car Berthe Morisot est une femme et au 19e siècle les peintres femmes sont très rares, c'est un monde masculin.
Avec Berthe Morisot, Manet, Monet, Degas, Renoir, .. on entre dans l'impressionnisme et c'est un véritable régal que de découvrir leurs tableaux respectifs et les influences des uns sur les autres. Leurs relations mais aussi le caractère de chaque peintre nous est dévoilé, ce qui satisfait ma curiosité mais aussi qui me permet de mieux les identifier et, je l'espère, de mieux retenir la genèse de leursoeuvres.
Plaisir est vraiment le mot qui caractérise ma lecture de "Berthe Morisot". Au-delà des mots lus, j'ai eu également plaisir à regarder sans cesse sur internet les nombreux tableaux décrits ou évoqués dans cette biographie.
Une fois de plus un grand merci à toi visages pour ce beau cadeau.
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Mon ami, Henri Fantin-Latour, un des copistes du Louvre, me présenta Edouard Manet un jour de l'hiver 1868 alors que j'étais occupée à peindre dans la Galerie Médicis au Louvre les formes sensuelles des robustes flamandes figurant au premier plan du « Débarquement de Marie Médicis à Marseille » de Rubens. J'avais déjà 27 ans et la peinture était ma vie depuis une petite dizaine d'années. Je peignais des paysages sous les conseils du maître Camille Corot. Mon admission pour la première fois au Salon officiel de1864 avec deux paysages des bords de l'Oise fut un grand jour pour moi.

Troublée par le charme qui se dégageait du dandy Edouard Manet j'avais écouté révérencieusement ses quelques conseils distraits de maître à élève. Je n'arrivais pas à croire que j'avais devant moi le peintre qui révolutionnait régulièrement le Salon depuis ses scandaleux « Déjeuner sur l'herbe » et « Olympia ». « Il faudra que l'on se revoie mademoiselle » m'avait-il dit avant de repartir d'un pas rapide. Edouard Manet n'avait pas été sans remarquer le charme de la jeune femme, son regard sombre et son teint pâle qui s'accorderait si bien avec sa couleur préférée : le noir.

Rapidement, Edouard me demanda de poser pour lui. L'année suivante, en 1869, il m'installa au premier plan du « Balcon » engoncée dans une robe en mousseline blanche, le regard perdu dans une rêverie intérieure. J'allais devenir son modèle préféré. Il m'appelait « la beauté du diable » et me peignait constamment, trouvant toujours de nouveaux angles pour me croquer : allongée sur un canapé, en tenue de soirée noire, le visage caché par un éventail ou une voilette… Mon tableau préféré, et le plus beau qu'il ait fait de moi « Portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes », était un chef-d'oeuvre à mes yeux : dans un contre-jour, quelques mèches de cheveux fous sous un chapeau noir, une expression lointaine se découpant entre ombre et lumière. Un bouquet de violette accroché à mon corsage se perdait dans le noir de la robe. Les noirs de Manet… Des noirs puissants comme ceux de Vélasquez et Goya…
Je prenais du plaisir dans notre intimité amicale avec Edouard qui m'inspirait une grande affection. Je l'admirais. J'aimais mes longues séances de pose en tête à tête avec lui et les odeurs de peinture de son atelier se mêlant aux parfums d'autres femmes venant poser pour ce grand séducteur.

Le vrai début de ma carrière commença l'année 1874 où Edouard me peignit pour la dernière fois avec un éventail et une alliance au doigt. J'étais devenue sa belle-soeur par mon mariage avec son frère Eugène Manet. Au printemps j'avais participé à la première exposition du groupe des futurs impressionnistes chez Nadar à Paris. J'étais la seule femme et tous ces hommes m'intimidaient. Ils me respectaient comme peintre car nous parlions le même langage. Ils étaient l'avenir de la peinture : Monet, Pissarro, Sisley, Degas, Renoir, Cézanne, Guillaumin.
Une charmante toile de Claude Monet avec un gros soleil rouge s'infiltrant au milieu des brumes et se reflétant dans l'eau fut appelée par Monet « Impression, soleil levant ». Un critique se moqua et titra « L'exposition des impressionnistes ». Nous étions catalogués : « impressionnistes ». Mon « Berceau » fut remarqué.
Malgré mon indépendance, je serai de toutes les expositions du groupe des impressionnistes jusqu'à la dernière en 1886. Ma palette s'éclaircissait, mes toiles présentaient une impression d'inachevé. Je réalisais l'oeuvre nouvelle et singulière que j'avais toujours souhaité obtenir.

Berthe Morisot était une passionnée et son art lui interdisait toute facilité. Dès le début des années 1880, elle recevra les éloges des critiques et amateurs influents qui reconnaitront son originalité : « son pinceau effleure la toile de traits vifs, spontanés ». « Elle est l'impressionnisme par excellence … disaient certains. Son ami Stéphane Mallarmé lui fit ce beau compliment : « C'est peut-être la plus délicate des peintres impressionnistes ».
Installés au milieu de ses amis peintres, elle apportait une touche de charme, de distinction qui faisait son originalité. Dans son « Salon » de 1877, la vision d'Emile Zola était la bonne : « Ils peignent le plein air, révolution dont les conséquences seront immenses. Ils ont des colorations blondes, une harmonie de tons extraordinaires, une originalité d'aspect très grand. D'ailleurs, ils ont chacun un tempérament très différent et très accentué. »
Jusqu'à son décès en 1895, à seulement 54 ans, la vie de Berthe s'écoulera lentement, heureuse, entre ses trois amours : la peinture, son mari Eugène Manet et la petite Julie, sa fille, qu'elle ne cessait de peindre.

J'ai lu l'excellent livre de l'académicienne Dominique Bona comme un roman. Celui-ci m'a inspiré cette présentation sur le ton de la fiction.
Le secret de la femme en noir Berthe Morisot, celui de cette femme peintre d'un immense talent, ne serait-il pas la modeste ambition de sa vie d'artiste : « Fixer quelque chose de ce qui passe ».
Il s'agit de la meilleure des biographies sur Berthe Morisot qui recevra en 2000 le Goncourt de la biographie.

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Lien : http://www.httpsilartetaitco..
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Berthe Morisot est née le 14 janvier 1841 dans une famille bourgeoise établie dans le Cher. Son père est préfet de ce même département et occupe tour à tour des postes importants dans l'administration française. Il est, entre autres, un descendant du célèbre peintre Fragonard. Elle est la cadette de trois filles, Yves l'ainée née en 1838, Edma nait quant à elle en 1839. Les filles Morisot sont très tôt initiées à la musique et prennent des cours de piano chez un grand professeur : Stamaty fils. C'est là que Berthe éprouve sa première émotion d'artiste peintre en tombant sur un dessin de Ingres qui la fascine bien plus que les notes de musique.
Sa mère va lui permettre ainsi qu'à sa soeur Edma de prendre des cours de dessin en privé d'abord avec Chocarne puis avec Guichard qui reconnait de vrais talents d'artistes dans le travail des deux soeurs. L'entrée aux Beaux-Arts est alors encore interdite aux femmes et ce jusqu'en 1897. L'étape suivante permettant aux filles de sortir de leur huit clos est le musée du Louvre où il est permis aux jeunes artistes de s'adonner à la reproduction d'oeuvres exposées, au copiage. C'est là que Berthe et sa soeur vont rencontrer des peintres qui s'exercent tout comme elles à la copie de grandes oeuvres. Néanmoins, une parole de Gustave Courbet reste ancrée en Berthe, cette jeune fille assoiffée de liberté et de créativité : « Fais ce que tu vois, ce que tu sens, ce que tu voudras ». Les deux soeurs continuent de peindre ensemble, comment ne pas alors devenir rivales ou chercher à se comparer?
Au salon exposition de 1865, les toiles exposées sont rejetées pour la plupart. Manet est moqué, on rit de ses toiles telles que « Olympia » ou « le déjeuner sur l'herbe ».
En 1868, Berthe expose et les impressionnistes sont davantage pris au sérieux. En hiver de cette année, Berthe fait la connaissance d'Édouard Manet. Celui-ci vit alors chez sa mère avec son épouse hollandaise : Suzanne et son beau-fils Léon 16 ans. Ce dernier fera plus tard fortune dans le domaine bancaire.
Edma, la soeur de Berthe se marie en 1870 et laisse sa soeur seule à peindre dans leur atelier. Elle devient de plus en plus proche de Manet. La peinture « le balcon » place Berthe au centre de l'oeuvre. Elle sera néanmoins rivalisée par d'autres femmes, notamment Eva Gonzales en 1869, peintre elle aussi et bien d'autres encore.Elle continue de peindre et d'exposer, ses toiles se vendent.
En 1874, elle épouse Eugène Manet, le frère d'Édouard et ils auront ensemble une fille Julie en 1878. Sa peinture évolue, elle excelle et se plait à peindre l'aquarelle. Elle participe à plusieurs expositions. le couple Manet côtoie les artistes de leur temps tels que Renoir, Monet, Degas, Mallarmé. Berthe peint son entourage, sa soeur, son époux et sa fille. Les coups de pinceau sont maitrisés, le rendu donne l'impression d'inachevé, d'esquisse ce qui rend les tableaux de Berthe Morisot uniques.
Une exposition temporaire qui vallait le détour a été organisée au musée d'Orsay l'an dernier. Il n'a pas été aisé de rassembler les oeuvres de Berthe Morisot car elles sont, pour une grande partie, possédées par des particuliers.
Berthe décède en 1895 et laisse derrière elle toute une vie de peinture, d'art du ressenti, de l'expression de la mélancolie sur le visage des femmes de son époque.
Une grande artiste qui a marqué son temps, une femme parmi les hommes qui a su tracer son chemin par sa féminité et sa sensibilité.
Dominique Bona décrit parfaitement ce parcours, un livre riche en anecdotes, en détails précis, un travail érudit.
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J'ai découvert ce roman par hasard parce que j'aime la peinture impressioniste simplement. Mais quelle surprise non seulement j'ai adoré ce roman et j'ai pu découvrir Dominique Bonna
mais surtout j'ai pu découvrir l'oeuvre de Berthe Morisot. J'ai eu l'immense chance de voir une exposition de Berthe Morisot au Musée d'Orsay à Paris. Je n'oublierais jamais la foule tout au bonheur de contempler ces magnifiques tableaux. La douceur des sujets, les couleurs restées intactes. Personne ne voulait partir. Les gardiens du musée ont été obligés de nous pousser dehors pour faire circuler la foule tellement émerveillés de ce que l'on voyait.
Le seul bémol : le décès de Berthe Morisot. J'ai versé des larmes de savoir que sa fille allait se retrouver seule à 14 ans orpheline sans parents proches. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai vraiment eu de la compassion et du chagrin. Orpheline au début du siècle sans les recours que nous avons de nos jours. Mais Julie Manet a réussi à s'en sortir et a vécu jusqu'à un âge avancé. Tant mieux pour cette famille que j'adore et pour cette grande peintre. Fan de Berthe Morisot. 💕
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Cette biographie de Berthe Morisot, acquise après visite de l'exposition consacrée à cette si délicate artiste par le musée Marmottan-Monnet, est à la fois passionnante et très bien écrite. On y découvre tout le milieu des grands impressionnistes ou assimilés de la fin du 19ème, leur mode de vie (assez confortable) et leurs relations où l'estime réciproque l'emporte sur la jalousie. Parfaitement documenté, le bouquin nous fait surtout découvrir l'opiniâtreté, l'insatisfaction et la passion pour son art de BM, dans un style élégant qui colle parfaitement au sujet.
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Ce livre est dédié à la vie de Berthe Morisot mais aussi et surtout à sa passion. Nous sommes témoin de la naissance d'une grande peintre, femme parmi les hommes, qui poursuit avec détermination, travail constant et rigueur son chemin d'artiste. Elle s'exprime par la peinture. Certains la pense froide voir hautaine c'est qu'il n'écoute que sa voix et non ce que dessine ses mains. Elle est intransigeante dans ses recherches et est sa plus grande critique.
Elle a deux passions la peinture et sa fille Julie, se tient légèrement en retrait son époux Eugène Manet. Il est son soutien indéfectible et féroce. Il l'aide à se réaliser en tant qu'artiste à une époque ou d'autres maris n'ont pas fait de même.
Cette biographie est aussi l'occasion de voir naître l'impressionnisme, de rencontrer d'autres artistes de l'époque. Tout d'abord et évidemment Edouard Manet dont nous ne sommes pas certains de la nature des sentiments – qui deviendra son beau-frère, mais aussi Degas, Renoir, Monet ou encore Mallarmé. Ce seront des amis fidèles. Les mousquetaires de ses diners du jeudi. Dominique Bona nous donne l'impression de participer à ces rencontres, de connaître ces grands artistes, leurs caractères et habitudes.
Nous sommes plongés dans ce siècle si passionnant et bouillonnant et apprenons à connaître une femme extraordinaire tout en parlant peinture avec grâce et élégance.
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Ce livre m'a passionné. Il est très bien écrit avec une écriture dynamique non alambiquée et l'histoire de Berthe Morisot est passionnante. J'ai aimé plonger dans la vie de cette femme et de ses contemporains impressionnistes. L'histoire de cette femme forte, passionnée m'a complètement embarquée. Ce livre est un coup de coeur pour moi.
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Pour découvrir un peintre immense qui avait le tort d'être une femme et reste largement méconnue des historiens de l'art.... Amie de Renoir, Degas, Monet et Mallarmé qui la tenaient en très haute estime, elle faisait pleinement partie de leur groupe des Impressionnistes, mais c'est à sa mort que l'exposition organisée par ces grands peintres a révélé l'ampleur de son travail. Ce n'est qu'en 2002 qu'un exposition de ses oeuvres (combien je regrette de l'avoir manquée...) a été organisée à Martigny. Sur son acte de décès, à la ligne "profession" à été portée la mention "sans". Grâce à ce livre Dominique Bona nous retrace la vie de cette femme exceptionnelle, de son époque, des épreuves vécues par tous ces peintres qui ont eu tant de mal à imposer leur vision, et nous fait approcher le processus de la création. Un livre magnifique de sensibilité.
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Ce livre m'a vraiment plu.j'ai aimé l'atmosphère et la façon dont l'auteure a traité le sujet.
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N°677– Août 2013.
BERTHE MORISOT- le secret de la femme en noir – Dominique BONA- GRASSET.

Tout a commencé par un tableau d'Édouard Manet, celui d'une femme, en noir avec un bouquet de violettes sur la poitrine pour seul bijou. Cette femme c'est Berthe Morisot et c'est un mystère. Elle est peintre elle-même, appartenant au groupe des Impressionnistes, et apparaît déjà sur de nombreux tableaux de Manet, c'est une grande bourgeoise, de bonne éducation, pas un modèle professionnel. Son père, ancien préfet est membre de la Cour des Comptes et sa mère, par une filiation compliquée, est la petite-nièce du peintre Fragonard. Elle n'a donc pas, selon la légende des peintres, une vie maudite. L'école des Beaux-Arts est fermée aux femmes, Guichard, un peintre ami lui ouvre ainsi qu'à sa soeur Edma les portes du Louvre où elles peuvent ainsi copier les maîtres. Là, elles rencontrent d'autres peintres mais ce qui intéresse le plus Berthe, ce sont les paysages.

Elles sont admises dans la bonne société, dans le grand monde des arts et de la politique et Berthe rencontre Manet dont les toiles font scandale. Les deux soeurs travaillent avec talent mais Berthe s'impose et le peintre qui la prend souvent pour modèle a tendance à intervenir sur ses toiles, ce qui lui déplaît fort. Avec le temps Berthe qui a subi l'influence de son maître réussit à substituer les couleurs claires à la palette noire de Manet.

A trente ans elle est encore célibataire et doit résister aux sollicitations de sa famille qui souhaite la voir mariée, mère de famille et se détourner de la peinture. La guerre de 70 ne la tire pas de son ennui, elle s'impose un mutisme face à la Commune et alors que la guerre civile fait rage dans Paris elle est dégoûtée de ses semblables. Elle ne vit que pour la peinture et bientôt pour l'aquarelle ! A la fin des hostilités, elle retrouve Manet et souhaite poser pour lui. Les différents prétendants qui se pressent autour d'elle sont éconduits, soit par elle, soit, comme Puvis de Chavannes, par la famille. A trente trois ans, elle finit par jeter son dévolu sur Eugène Manet, le frère sans grand talent et de petite fortune d'Édouard dont elle devient la belle-soeur. Dès lors Berthe s'épanouit, n'est plus anorexique comme avant mais cesse d'être le modèle d'Édouard qui peindra dorénavant des femmes inconnues, sensuelles et nues. Non seulement la vie conjugale ne la comble pas, elle n'est pas heureuse malgré ses voyages et sa vie paisible mais encore sa peinture ne reflète pas exactement ce qu'elle est : c'est une passionnée et une combative et elle se présente comme une femme détachée de tout. Dans l'intimité de son couple, Eugène, conventionnel, jaloux, valétudinaire ne semble pas être l'homme qu'il lui faut pour mener correctement sa carrière. Pourtant, il la respecte en tant qu'artiste et lui qui peint également s'efface volontiers devant elle. C'est un brave homme, dévoué et sincère sur qui elle peut compter. Sa décision est prise et même si elle se heurte à l'ironie maternelle, Berthe a trouvé sa voie, elle sera peintre professionnelle mais, tournant le dos à l'Académie, choisit la liberté de peindre en rejoignant le groupe des Impressionnistes où elle est la seule femme.

Elle expose au salon de 1874 où la critique se moque de ce courant nouveau. Elle devient donc avec ces indépendants une marginale de la peinture. Elle va cependant suivre cette voie malgré tout le monde ; c'est que cette femme est un mystère. Elle est parfaitement intégrée à ce groupe qui gagne en nombre et en originalité mais vend peu.

C'est au moment du pire déchaînement médiatique contre les Impressionnistes qu'elle met au monde sa fille Julie. Cette naissance la comble de bonheur et l'apaise. Sa fille reçoit une éducation bourgeoise et sa mère a soin de s'entourer de peintres et d'écrivains. Un attachement profond l'unit à Julie mais celle-ci aura toujours un peu de la mélancolie de sa mère. Même éreintées par la critique et par la presse, des expositions se succèdent et tant pis si ce mouvement souhaite bousculer le bourgeois friand de réalisme, tant pis si on confond un peu contestation et révolution (la Commune n'est pas si loin), Berthe s'impose ! Elle fait d'ailleurs des émules féminines, et, artistiquement s'éloigne un peu de Manet mais se rapproche de Monet. Autour des Impressionnistes, le groupe s'étoffe, Renoir, Degas, Monet, Sisley, Pissaro...

La santé de son mari se détériore et et autour d'elle c'est bientôt une véritable hécatombe. Elle devient veuve à 51 ans et reprend ses habits de deuil si chers à Manet. Dès lors elle ne trouve sa consolation que dans la peinture, regarde l'avenir autant pour elle que pour Julie, se fait même le défenseur des femmes. Elle qui n'a que très peu peint les hommes se met maintenant à représenter des jeunes filles étrangères, la jeunesse comme un paradis perdu !
Julie peint désormais et son style rappelle celui de Manet. Berthe meurt à 54 ans en 1895 .

L'auteur revient sur le titre de ce livre. Berthe Morisot était faite d'ombres et de silences qu'elle aimait. Elle posa pour Édouard Manet mais épousa son frère qui était un homme discret et sans relief. A sa mort on retrouva une importante correspondance avec les impressionnistes et les amis mais seulement quatre courtes lettres d'Édouard Manet lui étaient adressées. D'autre part rien ne permet d'affirmer qu'elle correspondit avec lui. Dominique Bona y voit une énigme, suppose une liaison entre eux, une correspondance secrète détruite peut-être avant de mourir par elle-même, pour effacer, pour purifier ce qui ne pouvait être avoué  ? Entre la tristesse et le vertige qu'elle croit percevoir dans les yeux de Berthe, elle laisse le lecteur dans l'expectative. Il y a sans doute pour elle une sorte de frustration à ne pas lever un coin de ce voile qui restera à jamais une interrogation.

C'est un roman bien construit, agréable à lire, une biographie fouillée et précise que, comme à son habitude, nous livre Dominique Bona. Elle choisit de nous présenter une femme d'exception, rebelle à sa manière dans le domaine de la peinture, éprise de liberté, toujours insatisfaite et perfectionniste, ténébreuse et silencieuse qui a, par son talent, marqué son temps et l'histoire de la peinture. Elle la réhabilite donc et en profite pour donner sur la peinture de Berthe mais aussi sur celle des impressionnistes un avis éclairé qui s'étend d'ailleurs à l'oeuvre des écrivains qui ont entouré le groupe.

© Hervé GAUTIER - Août 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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