Raymonde Bonnefille est une spécialiste internationale de palynologie ; c'est-à-dire qu'elle étudie les pollens. A ce titre, jeune étudiante en thèse, elle est recrutée en 68 par
Yves Coppens pour rejoindre l'équipe d'exploration de la vallée de l'Omo en Ethiopie. Son rôle était d'apporter des éléments complémentaires à ceux de la géologie pour la datation des couches de terrain fouillées et des fossiles retrouvés. A l'époque la palynologie en était à ses balbutiements et les preuves de sa pertinence scientifique restaient à faire.
La scientifique nous fait découvrir, 50 ans après, la vie des équipes scientifiques de paléontologues, anthropologues, géologues (…) américaines et françaises qui ont exploré cette zone du Rift Ethiopien, à l'époque très peu connue et difficile d'accès.
Le récit présente plusieurs intérêts : il nous explique comment se fait « techniquement » la recherche scientifique, sur le terrain, par la patiente accumulation de données, par un travail acharnée jour après jour année après année ; alternant terrain et exploration en laboratoire. de la méthode, de la patience, du labeur, un peu d'intuition, beaucoup de déconvenues et parfois un peu de chance. Sans oublier toute la logistique nécessaire pour faire vivre des dizaines de personnes à plusieurs jours de 4X4 de toutes commodités.
Elle nous montre aussi comme se fait sociologiquement la recherche scientifique : montage des expéditions, financement, rivalités entre français et américains, accords plus ou moins respectés sur les découvertes, prestige des grands patrons et ambitions des plus jeunes qui espèrent les dépasser en découvrant LE fossile … amour de la science et envie de célébrité. Rien de caustique dans son propos. Elle-même se met très peu en valeur au profit de la vie des campements et de l'intérêt des découvertes. On soupçonne une scientifique brillante mais discrète. Elle ne porte aucun regard de critique sur ses confrères même lorsqu'elle met en évidence leur ambition, plutôt comme quelque chose de naturel, malgré les travers qui vont avec.
Le récit nous fait partager aussi sa découverte éblouie de la nature sauvage de ce coin d'Afrique (aujourd'hui pour certains endroits terrain de safari) où abondent hyènes, phacochères, hippopotame, girafes, toutes sortes d'antilopes et d'autres animaux encore traversant la savane ou venant s'abreuver au bord des lacs et des rivières.
Enfin, le coeur du récit est centré sur l'exploration de la basse vallée de l'Omo, donc pas sur la découverte de Lucy qui a eu lieu un peu plus loin chez les Afars et qui occupe le dernier chapitre de ce récit avec une certaine ironie car l'auteur faisait bien partie de l'expédition qui a découvert le célèbre fossile , mais n'était pas là ce jour-là ….