Les planches courbes, cela va d'abord être pour moi les quelques morceaux de bois assemblés de guingois au pied d'un immeuble servant de boîte à livres, sur lequel j'ai trouvé ce recueil. le charme d'une rencontre aléatoire...
Depuis quelques mois, je fais un voyage à travers la poésie française, rencontrant des lieux et des styles différents, des vers musicaux de
Verlaine présentant une Venise galante fantasmée autant que la modernité de Paris ou la froide et plate Belgique, la Rome éternelle en ruines dans les alexandrins classiques de Bellay, ou le corps-paysage d'
Elsa aimée comme la France chantée par le lyrisme d'
Aragon. Et ici, c'est une maison natale de campagne, un ruisseau, des champs. A travers ce voyage dans ces différentes oeuvres, même si je maîtrise moins la poésie contemporaine, je vois bien que la définition de la poésie, c'est la musicalité et les images évoquées.
Je découvre
Yves Bonnefoy, je ne vais pas pouvoir l'analyser de façon érudite. Mais j'ai été séduite par de belles images mélancoliques, vues comme à travers une buée, un peu effacées, ou le souvenir se mêle à la mythologie. La buée du souvenir dans les récits du retour du père, la buée derrière la vitre sous la pluie d'été, un champ de blé dont l'image se brouille en plein soleil. J'ai apprécié la sensualité qui se dégage de la lune, des étoiles, d'une robe rouge, de la forme d'un sein. Cette femme est peut-être partie, est peut-être un souvenir, est peut-être nymphe ou déesse - et on retrouve l'idée de fécondité avec Cérès... Une image très forte est liée à la barque, faite de planches courbes, la barque qui est celle de migrants traversant une mer - la première marque originelle étant, toujours dans la mythologie, celle de Charon transportant les morts...
Ce sont donc des souvenirs, en partie idéalisés, ou recréés. Quel est cet enfant, mi-réel mi-mythologique qui hante le début du texte ? Est-ce un enfant mort, pleuré par le poète comme Léopoldine ? Ou est-ce l'enfant perdu qu'était le poète lui-même dans sa jeunesse ? Car il est évoqué à travers l'image embrumée elle-aussi du père. Cet enfant, ce pourrait aussi être un dieu, voire le Dieu lui-même, l'enfant-Christ, comme dans la légende de saint-Christophe ?
Mais néanmoins, les dernières parties m'ont moins séduites, celles à tonalité théologique, car je n'ai pas les clefs pour les comprendre, découvrant l'auteur.