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Lors du procès des attentats du 13 novembre, un photographe est convoqué à rendre visite à une jeune femme, brisée, dans le parloir d'une prison. Ils s'étaient rencontrés il y a 5 ans, à Raqqa, en Syrie. Lui est photographe de guerre, elle, a choisi l'état islamique.

La partie fictive de ce roman est très bien entremêlée à la réalité. Beaucoup de témoignages des victimes des attentats sont inclus dans ce roman.

Ce roman a été assez difficile à lire. On y retrouve une cruauté qui est difficile à imaginer et à la savoir vraie est encore plus compliquée. Ce livre nous permet d'essayer de comprendre comment certaines personnes peuvent se faire enrôler dans tout ce processus et comprendre certaines des dérives terroristes.
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2017. Pierre est photographe de guerre, expérimenté. Il suit une unité de combattants internationaux des YPG kurdes face à Daech, à Raqqa en Syrie. Marie vit à Raqqa avec son mari officier de Daech et leur jeune fils. Ils sont au même endroit au même moment, tout près de la place du Paradis, lieu d'exécution des infidèles selon Daech, nom on ne peut plus cyniquement ironique. Lors d'une bataille décisive de reconquête de la ville par les YPG, Pierre est témoin de l'arrestation de Marie par son unité. Un début de dialogue pudique s'ébauche entre eux.
2021. En prison dans une unité d'isolement pour terroristes, Marie demande à parler à Pierre, à personne d'autre, elle a une requête particulière. La parole est toujours aussi difficile pour Marie comme pour Pierre. Chacun est encombré d'une histoire familiale trop lourde pour lui, de non-dits, de fantômes. Chacun a pris la fuite à sa façon et s'est cherché une voie. En parallèle a lieu le procès des attentats du 13 novembre, acte de guerre mené par Daech, qui a eu pour conséquence les bombardements par l'armée de coalition sur les territoires occupés par Daech, dont Raqqa. Plusieurs facettes d'une même histoire, dont il ne semble y avoir que des perdants.
Nous découvrons en Marie une jeune femme assez lucide, fataliste, paradoxale, islamiste convaincue mais pas radicale, honteuse mais pas repentie non plus, ni totalement coupable ni totalement victime. C'est ce qui nous dérange en elle. On aimerait savoir quoi penser, qu'elle nous facilite la tâche, la condamner ou la prendre en pitié.
Le roman questionne beaucoup la question de nos origines, de notre inscription dans une histoire (familiale, culturelle). Il place le postulat que l'on a besoin de savoir d'où l'on vient pour savoir où aller. C'est notamment ce qui a manqué à Pierre et à Marie. Ils ne se sont pas approprié leur héritage, il leur a manqué le guide, le testament, selon la formule du poète René Char.
Le récit est très immersif, nous sommes au coeur du combat dans les décombres de Raqqa, à travers les yeux de Pierre, comme si on y était, comme si l'auteur avait vu cela de ses propres yeux ou se l'était fait raconter par un témoin direct.
L'écriture de Xavier-Marie Bonnot est riche, finement ciselée, poétique, elle magnifie l'horreur dont il est question. Cela aussi est troublant dans ce texte, on se délecte alors que cette lecture ne devrait nous inspirer que du dégout. A l'image de la couverture, belle, lisse, colorée, mais qui montre pourtant un intérieur miteux et austère.
C'est la force de ce roman, qui sait introduire de la nuance, du doute, de la complexité, en nous faisant prendre un peu de recul sur la pensée binaire du bien et du mal. Une belle découverte.
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Voici un très bon roman historique qui nous parle d'un problème qui a secoué la société et les familles depuis quelques années. L'auteur, et ses deux personnages principaux Pierre Dejean, photographe de guerre ainsi que Marie Rouart, jeune française radicalisée, nous font voyager de France à Raqqa en Syrie dans le'"sham" (territoire que l'Etat Islamique s'était octroyé de 2006 à 2019 pour instaurer sa charia islamique en Irak et Syrie) avant d'être exterminé par les forces de la coalition menées par les Etats Unis. Les Francais avaient pris part aux bombardements de représailles suite aux attentats de janvier et novembre 2015.  

X-M Bonnot écrit trois temporalités  principales avant 2017, 2021 et 2022 qui tracent les vies de Pierre et Marie qui se croiseront à Raqqa près de la Place du Paradis. 

On connaît le destin de Marie dès le début du roman. C'est donc sous la forme d'un flash back,d'une mise au point qu'on observe la vie de cette belle jeune fille amoureuse, un peu paumée et influencée, qui rejoindra Fabien Marceau parti faire le Djihad en Syrie :

Radicalisation en France, départ pour le Djihad, vie sous le régime dictatorial de l'EI, l'horreur de la guerre pour Marie.

Reportage de guerre avec les YPG kurdes, rencontres atypiques de combattants français contre l'EI, questionnement sur son métier, la recherche de la photo parfaite,  errements civilisationnels pour Pierre.

Ce roman nous parle donc de la perte et la recherche d'identité,  de la montée, l'horreur des extrêmes religieux islamistes, du terrorisme, mais aussi de la nécessité de donner un sens à sa vie... Quitte à se tromper ? 

Les recherches, introspections dans les archives familiales de Pierre  nous amènent plus profondément à réfléchir sur l'origine de ces maux, depuis la guerre 14-18 à la résistance de la seconde guerre mondiale, à  comprendre le désespoir de générations sacrifiées. On y croise René Char, poète et homme d'honneur, camarade de combat de son père en 1939-45... Un autre temps, et d'autres consciences politiques...

A noter aussi les extraits de témoignages du procès du terroriste islamiste Salah abdeslam et des proches des victimes des attentats de Paris en 2015. Ils apportent une touche de réalité dramatique à la fiction..

J'ai donc aimé cette lecture, exutoire, analytique, et remarquablement romancée qui m'a replongé dans cette période sombre des attentats de Paris de 2015 que j'ai vécu de très près, depuis Charlie jusqu'aux terrasses du Xeme arrondissement et du Bataclan. 

Un livre, intelligent, pertinent, accessible à tous, pour tenter comprendre cette tragédie récente.

Merci à Babelio et aux éditions Récamier pour cette nouvelle découverte !
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Enfer et paradis
2014. Marie vient de fêter ses 18 ans. Avec l'argent que lui donne son père pour son anniversaire, elle prend un billet d'avion pour Ankara. Destination finale, la Syrie, Raqqa où l'attend son mari, Fabien. Marie est une jeune fille ordinaire, bonne élève, élevée par des parents aimants bien que séparés. Marie et Fabien se sont rencontrés l'année précédente, il jouait de la guitare…une amourette de vacances. Puis Fabien a commencé à s'interesser à l'islam, lui qui avait perdu la foi après la mort de son grand-père. Converti, Fabien est devenu Abou Mehdi al-Faransi et est parti pour le califat de Daesh.
2017. Raqqa. Alors qu'il est en reportage avec les combattants kurdes, Pierre Dejean fait une photo qui fera le tour du monde : un très jeune enfant se tient sur les décombres d'un immeuble, une grosse sucette arc-en-ciel dans la main droite. le cliché est pris une seconde avant qu'un missile ne s'abatte sur la Place du Paradis, et que l'enfer se déchaîne. Pierre n'a jamais su ce que cet enfant était devenu… Sans doute est-il mort, enseveli comme tant d'autres victimes innocentes de cette guerre cruelle. le même jour, Pierre est témoin de l'arrestation par les kurdes, d'une jeune femme, une française : Marie. Là aussi, un bon reportage en perspective.
2022. Marie est emprisonnée à Nîmes. Accusée de complicité dans les actes terroristes commis par les djihadistes, elle est interrogée par une juge d'instruction mais elle demande à voir Pierre Dejean : c'est à lui qu'elle veut parler.
A travers ces trois temporalités, nous suivons plus particulièrement Marie, devenue « Um Adam », dépouillée de sa personnalité, réduite à sa condition d'épouse et de mère ; ses désillusions aussi, son quotidien de femme de djihadiste à Raqqa, Place du Paradis.
Ce roman est éprouvant mais essentiel pour tenter de comprendre. Comprendre le terrorisme ? Non, mais comment une jeune fille a pu se radicaliser au point qu'elle soit partie dans un Etat en guerre… L'auteur ne juge pas Marie, mais il met à nu les ressorts qui ont amené cette dérive, laissant le lecteur faire son opinion. Pour autant, Marie n'est pas qu'une « simple » victime. Les victimes, ce sont celles des attentats du 13 novembre 2015 dont le procès s'ouvre tandis que Marie cherche à parler à Pierre. Très habilement, Xavier-Marie Bonnot a glissé des extraits des minutes de ce procès dans les pages du roman, des témoignages (dont l'un, poignant, de l'épouse d'une des victimes du Bataclan) qui permettent de prendre toute la mesure du vaste sujet abordé par le biais de la fiction.
Le personnage de Marie est très complexe, en remontant son parcours, en interrogeant ses racines, l'auteur nous en donne une perspective qui à la fois peut nous émouvoir et nous horrifier. le personnage de Pierre Dejean n'est pas en reste et est particulièrement intéressant. Grand reporter de guerre, il a, après Raqqa, pris ses distances et est quasi retraité. Lui se questionne sur la responsabilité d'un journaliste dont les images ont plus de force que les mots, en convoquant le souvenir d'un père et d'un grand-père. A noter également une très belle figure féminine, celui de Kaziwar, la combattante kurde.
Enfin, le roman pose la question du devenir de ces djihadistes français (dont la plupart est détenue par les Kurdes) et surtout des femmes et des enfants qui vivent dans des conditions épouvantables dans des camps. La question de leur rapatriement (qui semble aller de soi pour des raisons humanitaires) est éminemment politique et relativement peu présente dans les débats. Difficile de trancher.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de Xavier-Marie Bonnot, la construction très habile du roman dont l'intensité m'a bouleversée.
Je me réjouis de rencontrer l'auteur prochainement grâce à Babelio (que je remercie vivement, ainsi que les éditions Récamier).
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"La haïr est facile ; la comprendre, c'est se mettre devant un miroir, y voir les échecs d'une époque, la dérive d'un siècle."

Une citation lourde de sens qui définit bien le ton de ce livre et les questions qui sont venues chambouler mon esprit tout au long de ma lecture.

L'auteur nous propose ici un roman poignant mêlant fiction et faits réels avec des extraits du procès des attentats du tristement célèbre 13 novembre 2015, des extraits issus des témoignages des familles des victimes mais également de journaux ou de livres.

Ce livre va être axé essentiellement autour de deux personnes, Pierre photographe de guerre et Marie cette jeune française qui décide d'aller en Syrie et de rejoindre Daesh.

Deux profils différents mais une rencontre qui va les lier et les faire se rencontrer à nouveau.
On remontera les fils de leurs passes, leur quotidien qui les mènera chacun vers leur destin.

Et tout au long de cette sombre histoire avec des passages difficiles, émouvants, comme Pierre on assiste à la dureté de la guerre.
On essaye de comprendre Marie, ses choix, et peut-être se dire que les réponses sont dans son passé, mais peut-être pas.

Cette lecture bouleverse et fait se poser des questions sur nos propres choix.
Sur et si nous étions à la place de certains protagonistes pourrions-nous comprendre Marie ?

Ce livre bien que fiction ponctué par une très belle plume et sa documentation a remué en moi des pensées profondes, parfois contradictoires.
Et comme dans la citation du début de mon retour je comprends que pardonner n'est pas simple mais que tout n'est pas noir ou blanc.
Que peut-être n'aurons-nous jamais les réponses à comment en est-on arrivé là ?
A tant de haine ? Tant de violence.

C'est avec le coeur en vrac que j'ai refermé ce livre que j'ai pourtant énormément apprécié pour sa justesse, pour les thèmes abordés, pour sa richesse.

Je relirai l'auteur avec grand intérêt.
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Le prologue s'ouvre le 21 juillet 2022 lors des funérailles de Marie Rouart, jeune femme française radicalisée partie en Syrie aux côtés de son mari djihadiste combattant de l'Etat islamique. Emprisonnée en France quelques mois avant sa mort, sa seule condition pour collaborer avec la justice est de parler à un photographe de guerre, Pierre Déjean, rencontré en 2017 à Raqqa lors de sa première arrestation par des soldats kurdes.

« Le passé, l'histoire, le tintamarre des siècles et la fanfare des erreurs, ça pèse sur la vie de tout son poids. On met longtemps à le comprendre, mais on n'y échappe pas. Ça commence par un grand basculement. le moment où tout devient concret, la ligne de partage du temps qui sépare l'avant et l'après, et rien n'est plus pareil, dans la marche du siècle comme dans le coeur. Les destins, il leur faut toujours un prologue, quelque chose qui enclenche. Un déclic minuscule, un truc de trois fois rien, parfois un Big Bang, et ensuite le monde se dilate, loin, très loin. On plante le décor et on craque une allumette. Et toute l'existence prend feu. »

Grâce à une construction narrative très habile, posant au bon moment les analepses éclairant le passé, on va découvrir les parcours croisés de Marie et Pierre ainsi que leurs relations dans le chaos de Raqqa.

Xavier-Marie Bonnot convoque le sujet sensible de la radicalisation et du terrorisme. Il le fait avec beaucoup de doigté, trouvant la bonne distance pour ne pas asséner des explications tranchées mais laisser le lecteur se questionner intelligemment. Il ne juge pas Marie, ne l'absout pas non plus, mais permet factuellement de comprendre le processus qui l'a conduit à choisir Daesh, avec toutes les zones de gris qui entourent les responsabilités individuelle et collective à l'oeuvre dans tout acte.

Plus que Marie, c'est le personnage du photographe que j'ai trouvé passionnant. Pierre qui malgré tout ce qu'il a vu de l'horreur du monde lors de ses voyages en Syrie, chérit la complexité et les nuances. Dans cette bataille contre Daesh et le fondamentalisme religieux, il connaît son camp, mais pour autant, il veut continuer à montrer par ses photographies ce que le « camp du Bien » refuse de montrer, la part d'humanité du « camp du Mal », invisible au niveau collectif mais visible au niveau individuel. Il continue à avoir de l'empathie pour tout être en souffrance, quel que soit son camp.

Et c'est d'autant plus fort que derrière les portraits sensibles de Pierre et Marie, l'arrière-plan historico-géopolitique résonne puissamment en nous, tant on a encore en tête des images marquantes qui accompagnent, sans excès de pathos, les remarquables scènes décrivant le quotidien de Raqqa sous emprise de Daesh, la bataille de Raqqa ou encore le procès des attentats de 2015 avec Salah Abdeslam dont les retranscriptions accompagnent la deuxième moitié du récit.

Un roman grave et intense, équilibré, qui jamais ne caricature et toujours cherche à aller au-delà des clichés.
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Marie Rouart était une adolescente plutôt fragile, qui avait du mal à trouver sa place dans ce « monde de brutes » … du mal à accepter la « frivolité » de sa mère. La distance de son père. Alors quand Fabien Marceau (qui a fait voeu d'allégeance à Daesh) entre dans sa vie, elle ne réalise pas – hélas – qu'elle n'a pas franchement rencontré « la bonne personne » ! … Tout va aller très vite à partir de ce moment-là. le bourrage de crâne, la Syrie, la naissance de son fils Adam … La détention dans un camp de l'YPG … Et finalement, la prison en France. Car entretemps, à Paris, ont eu lieu les épouvantables évènements du 13 novembre 2015.

Pierre Déjean, photographe populaire (qui a fugitivement croisé Marie au cours d'une mission, alors qu'elle était aux mains des YPG à Raqqa, en 2017) va – à la demande de cette dernière – accepter d'aller la « visiter » dans sa prison française. Avec l'accord de la juge d'instruction en charge du dossier, Hélène Conrad. Nous sommes en 2020, le procès de Salah Abdeslam est en cours.

Xavier-Marie Bonnot nous livre un roman douloureux, où rien n'est tout blanc ou tout noir. Une partie de la jeunesse européenne, qui se cherche constamment des raisons de vivre et d'espérer (en vénérant parfois l'obscurantisme, la violence et la mort) fait froid dans le dos. Mais qui est « responsable » de ce phénomène grandissant ? Les manipulateurs, pervers et malfaisants, de l'État Islamiste ? Nos sociétés (consuméristes) occidentales, qui aggravent les injustices sociales et fracturent les populations ? Nos sociétés « aveugles » qui ne sont plus vraiment capables de donner – à certains de leurs enfants – des repères humanistes ? Une éducation laxiste, qui part à vau-l'eau, en occultant l'importance des valeurs morales ?

Un monde qui fait peur, décrit avec une grande pertinence par l'auteur. Et tant pis si son intrigue est un peu dérangeante aux yeux de certains … Un roman qui se lit d'une traite.
Un grand merci à la Masse Critique Littérature de Babelio ainsi qu'aux Éditions Récamier.
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Place du Paradis est un roman dans lequel on perçoit l'immense travail de l'auteur. En plus de la partie fiction ce dernier insère les témoignages réels des accusés et des victimes des attentats du 13 novembre cela donne une dimension différente à l'histoire. En se penchant sur le passé de Marie il nous parle de racines, de religion, d'éducation pour nous éclairer sur la décision de cette jeune femme de tout quitter pour rejoindre un pays en guerre. Notre rôle de lecteur n'est pas de lui donner raison ou tort mais celui de mieux comprendre sans juger. La rencontre de la prisonnière et du photographe est intense, les regards se croisent, les souvenirs affluent et ils sont nombreux. Ces deux personnes diamétralement opposées ont été réunis par la guerre, rencontre improbable sur la place du Paradis où tant d'événements tragiques ont eu lieu.

J'ai lu ce livre assez lentement car il ne se dévore pas. Il m'a fallut du temps pour m'imprégner de l'atmosphère et du sujet tragiques de ce roman. L'écriture de l'auteur est travaillée, détaillée et nous livre les moments forts d'une dérive et d'une rencontre au milieu des décombres. Ce fut pour moi une lecture qui m'a éclairée un peu sur les raisons de ceux qui décident de rejoindre l'Etat Islamique. Une lecture utile écrite par un auteur de talent.
Lien : https://pausepolars.wordpres..
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Comme il est difficile de parler de ce livre… Je voudrais tout dire, et en même temps, ce ne serait pas lui rendre hommage que de redire, moins bien, ce que Xavier-Marie Bonnot a déjà écrit. Je vais donc seulement tenter de vous dire ce qui m'est passé par la tête pendant ma lecture, cela me semble le plus juste.

Ce qui me marque le plus, après avoir refermé ce livre, c'est l'empreinte qu'il laisse. Toute une trame de questionnements, dont, probablement, personne n'a les réponses. En effet, ce roman n'est pas uniquement une façon de retravailler ce qui s'est passé depuis le Printemps arabe, l'Hiver islamiste – et la montée de l'État islamique. Certes, on suit Marie et les étapes qui l'ont amenées à partir rejoindre Fabien en Syrie – elle l'a ensuite épousé et ils ont eu un fils -, mais ce n'est pas un essai sur la radicalisation. Si l'on voit comment le fait que sa mère ne s'est, elle, jamais vraiment intéressée à ses origines influe négativement sur la capacité de Marie à se construire, peut-on considérer que l'explication serait aussi simpliste et universelle ? Évidemment non !

Pierre, lui, présente un profil très différent, certes, mais lui aussi, à son échelle, se débat avec ces mêmes questions de l'identité, de l'histoire familiale, de la transmission – ou non – entre les générations. Que lui a finalement laissé son père, qui a combattu auprès de René Char, le poète, dans les maquis de la Seconde guerre mondiale ?

D'une certaine façon, on a l'impression que ce roman est comme une psychanalyse de Pierre, qui, par association d'idées, construit un parcours dans son passé, dans ses souvenirs, dans ses croyances, dans ses a priori. Et l'on suit la façon dont, par la photo, par le témoignage, par l'image, il tente de donner accès non seulement à ce qu'il voit mais également à ce qu'il est.

La relation qui s'instaure entre ces deux êtres déchirés, rassemblés un temps par les clichés de Pierre, à la fois de Marie lors de son arrestation mais également d'Adam, le fils de Fabien et Marie, est faite de fêlures. de celles qui lézardent les murs de Raqqa et font s'écrouler les bâtiments, mais également celles qui peuvent détruire une âme.

C'est, vous l'aurez compris, une vision très désenchantée de notre monde que nous livre ici Xavier-Marie Bonnot. Celle d'une société qui n'en est plus réellement une, éclatée, jusque dans ces cellules familiales qui sont censées être notre ciment le plus puissant.

Les deux personnages centraux, Marie et Pierre, laissent également de l'espace à plusieurs personnages secondaires, tout aussi complexes. Georges, un combattant français qui a rejoint le bataillon international des YPG – unités de protection du peuple kurde -, dont j'ai repris des propos en citation ; Mazlum, un étudiant français qui a rejoint le même bataillon, mais dont on découvre que les combats l'ont fait vriller et qui est probablement perdu pour la vie « normale » ; Laurence, la mère de Marie, entre déni et culpabilité…

Un livre fort, percutant, qui ne laisse pas indifférent, et d'autant plus puissant qu'il est émaillé de témoignages empruntés aux accusés et aux victimes des attentats du 13 novembre.
Lien : https://ogrimoire.com/2024/0..
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Quel roman vertigineux, complexe et singulier à la fois, que propose Xavier-Marie Bonnot avec Place du paradis ! Une immersion dans notre actualité à partir de l'histoire d'une fugace rencontre qui va s'approfondir.

C'est plutôt un échange de regards où tout se dit dans le silence. Ainsi Pierre pourra comprendre, peut-être, le néant de Marie, sa solitude et son bannissement de la société française suite à ses actions. Seulement pourra-t-il découvrir pourquoi, elle s'est effacée de sa vie française !

Ce roman dérange par les points qu'il développe, hors des sentiers imposés par la préséance politique. Il nous oblige à regarder là où on avait rangé le mal, loin, devenu en chaussant nos lunettes, si proche de nous. Car, l'Etat islamique, ce nouveau concentré de haine, se nourrit de nos fils et filles, ceux qui ont vécu dans notre culture, nimbés de notre histoire, et pourtant, ont été abandonnés, à un moment ou un autre… C'est cet abandon que raconte Xavier-Marie Bonnot en entrecoupant des extraits d'audition, de procès et de documents du califat de l'horreur.

Brins d'histoire
Marie Rouard est une adolescente esseulée dans son univers occidental avec une mère dont la futilité dérange la femme qui naît en elle, reléguant son histoire familiale dans le tiroir d'une commode. Sa blessure est bien plus profonde qu'une inégalité sociale.

Alors, lorsque l'amour passe près d'elle, elle s'y engouffre, sans réfléchir, comme un nouveau continent découvert. Elle deviendra “Umm Adam” pour lui rester fidèle. Lui, Fabien Marceau, devient rapidement Abou Mohammed al-adnani.

En changeant de noms, le lavage de cerveau peut s'opérer et l'immonde de l'inhumanité s'insérer plus profond en eux. Seulement est-il si différent du jeune étudiant qui s'est surnommé Mazlum, volontaire des YPG kurde qui tue en récitant les passages de l'Apocalypse.

Pierre Déjean n'est plus tout jeune c'est “un vagabond du réel” avec son appareil photo qu'il a promené sur tous les fronts pour rendre compte des guerres de notre siècle. Une façon pour lui d'essayer de comprendre son père, et ses silences sur ses années de guerre, aux côtés du plus grand des poètes français qui se faisait alors appeler Hypnos.

Il y a un certain temps, Esther l'a introduit au passé de Raqqa. Mais son appareil, il l'a raccroché souhaitant arrêter de documenter ce réel auquel il a consacré sa vie. le regard échangé un jour de combats sur la Place du Paradis va le ramener dans sa complexité.

Incarcérée en France, Marie accepte de parler à la juge d'instruction à condition qu'elle puisse aussi parler au photographe. Car, pour elle, une photographie célèbre a le goût de l'amour et de la perte, à la fois qui est légendée ainsi : ” Un enfant, seul, une grosse sucette à la main, marche dans les décombres. Les bombardements reprennent, l'enfant disparaît dans la poussière.”

Pour aller plus loin
Difficile de résumer un tel roman si dense, étayé par des extraits du procès du 13 septembre qui s'est déroulé pendant neuf mois, en 2021/2022. Il faut prendre le temps de cheminer aux côtés de Pierre et de Marie, et des autres, pour appréhender leurs doutes, leurs certitudes et leurs égarements. Évidemment, comme dans la vraie vie, le mal n'est jamais d'un seul côté. Il est partout et chez chacun. Même les accusés du procès ont leur humanité : “Au fond, Abdelslam n'est qu'un petit bonhomme, très à l'aise. Rien du commando viril, plutôt un cocu de la vie qui se venge, barbu en compagnie d'autres barbus. C'est dans l'arrière-boutique de ses prunelles qu'on découvre la merde qui lui sert de conscience.“.

Construit en 4 parties, le roman de Xavier-Marie Bonnot offre un condensé de joie, de larmes, de réalité sur la guerre, le fanatisme, les certitudes et les raisons qui poussent les uns et les autres à se tuer. Seulement, Place au Paradis est aussi un roman d'espoir, mais pas de celui des romans Feel good. Ici, pas de rédemption juste une lucidité à acquérir pour affronter les conséquences de ses actes. Et, c'est peut-être tout simplement, cela, la liberté ! Avec, une fin qui sauve le tout !

Précision d'orfèvre
D'une précision ajustée, composée pour suggérer plutôt qu'accabler, l'écriture de Xavier-Marie Bonnot saisit à la fois par sa justesse et sa retenue. le sens y est intense avec une histoire qui décrit les mêmes images que celles qui peuplent nos écrans. Aucune facilité dans le propos !

Pierre ressemble à un Patrick Chauvel, grand reporter, qui vient de raccrocher son boîtier en donnant son fonds photographique au Mémorial de Caen. En documentariste expérimenté, l'écrivain propose aussi une réflexion sur le pouvoir des images, leur surenchère et leur capacité à faire ce buzz tant attendu par les chaînes d'informations et les réseaux sociaux. Et, Marie, elle, nous fait penser à n'importe quelle jeune fille, au regard fier, se trimballant en niqab sur le parking d'un Leclerc.

Un titre au symbole multiple
À force de prétendre que nos enfants ne sont pas capables de tels actes, et qu'il suffit de les garder dans des camps au fond du désert ou dans nos prisons froides, on croit le problème résolu.

Pourtant, les premiers vont sortir de ces mêmes prisons où ils ont été à l'isolement, toutes ses années. Ils y auront développé une féroce envie de vengeance, tout au plus ! Que leur proposerons-nous pour retrouver une place parmi nous. Une fiche S…! Xavier-Marie Bonnot nous suggère de retrouver notre humanité et d'essayer de comprendre.

Place du Paradis, ce titre est au carrefour de l'histoire de la Syrie, des fous de l'Etat islamique qui croient y aller en tuant, à la prospérité du califat abbasside et l'émergence de la littérature arabe, véritable délice des mots, en passant par l'exposition des exécutions visant à convertir tout un peuple en esclaves. Ce roman de Xavier-Marie Bonnot est un condensé d'humanité qui espère appeler à la compréhension.

Évidemment, à recommander !
Lien : https://vagabondageautourdes..
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