AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,43

sur 55 notes
5
27 avis
4
6 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Selon le Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l'homme, 306 887 civils ont été tués en Syrie, entre le 1er mars 2011 et le 31 mars 2022, pour une population d'environ dix-neuf millions en 2018 »

Ces chiffres peuvent effrayer, et nous renvoie à ce lieu commun de l'absurdité de toute guerre, quels que soient les opposants. Mais lorsque le roman met en scène des personnages, fictifs ou non, des individualités confrontés aux souffrances, au deuil, à la folie, ces données prennent une autre dimension.

Le personnage principal hante le terrain de tous les dangers, mal abrité derrière le prisme de ses objectifs, mal protégé de l'horreur par le cadrage, et l'obsession de la photo dont le hors champ parle plus que ce qui apparait.

C'est à Raqqa qu'il croise le chemin de Marie, que rien ne destinait à revêtiri le voile et à prier cinq fois par jour un dieu dont elle vient de découvrir la toute-puissance.

Pas de pensée unique dans ce roman bouleversant, la parole est donnée à tous, combattants pour une cause dont ils ont hérités, ou choix difficiles à légitimer. Pas question non plus d'ignorer les conséquences à distance, les attentats qui nous ont endeuillés. On peut envisager une analyse simple, le mal face au bien, le noir et le blanc, mais l'une des forces de ce roman est justement de montrer que rien n'est limpide.


Le sujet a été souvent traité, mais rarement avec une telle lucidité et un tel impact émotionnel. Sans oublier la qualité remarquable de l'écriture.


320 pages Récamier 4 janvier 2024

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          430
"Nous n'avons pas d'avions pour vous bombarder comme vous nous bombardez. Nous avons des hommes qui aiment la mort comme vous aimez la vie."
[Extrait de l'éditorial de la revue Dar-al-Islam, "Qu'Allah maudisse la France", de janvier 2015]
"Des hommes qui aiment la mort comme vous aimez la vie" : quelle terrible expression ! Quelle violence, quelle haine dans ces quelques mots !
Une promesse de mort claire et glaçante.
Des hommes et des femmes qui aiment la mort : voilà le sujet de ce roman.
Un immense merci à Babelio et aux éditions Récamier grâce à qui j'ai eu la chance de lire cet ouvrage dans le cadre d'une rencontre marquante avec Xavier-Marie Bonnot.

Place du Paradis est une fiction. Mais combien de Fabien et Marie, partis en Syrie sous la plume de l'auteur, existent dans la vraie vie ?
Combien de gamins perdus adhèrent chaque année au discours djihadiste ?
Combien de paumés n'ont plus que cet idéal mortifère dans leur vie ?
Combien sont prêts à mourir ?

Ce livre fait froid dans le dos parce que c'est une fiction pas fictive du tout.
Le sujet du terrorisme fait peur : chacun sent qu'il peut en être victime à tout moment.
Le sujet de l'embrigadement fait peur : chacun a lu ou entendu des témoignages de parents dont un enfant est parti pour un voyage sans retour.

Tant de vies gâchées !
Comment en arrive-t-on là ?
Comment un jeune, qui a tout l'avenir devant lui, en vient à ne plus embrasser qu'un idéal de mort et de destruction ?
Le personnage de Marie est touchant et ne peut qu'émouvoir le lecteur. La jeune femme a ému Xavier-Marie Bonnot tandis qu'il écrivait, mais cela ne l'empêche pas de garder sa lucidité et d'affirmer clairement durant la rencontre : "Je sais que celui qui rejoint l'état islamique, c'est mon ennemi : je n'ai pas d'états d'âme par rapport à ça."
J'ai vraiment apprécié cette déclaration faite sans aucune hésitation, et je la partage entièrement.
Pour enfoncer le clou, il ajouta d'une voix toujours aussi assurée : "Difficile de ne pas avoir d'empathie, mais ces gens-là ne sont pas excusables. Ils ont vu Mohamed Merrah dans les médias, ils savent ce qui se passe en Syrie. Ils savent à quoi mène l'idéologie de l'état islamique."
C'est on ne peut plus clair, et ces propos font un bien fou, à l'heure où certains politiciens tergiversent, cherchent des excuses et refusent de nommer le réel.
Allez, une dernière petite citation : "Le Hamas ? ce sont des terroristes."
Merci monsieur Bonnot de rappeler ces évidences... qui ne sont pas évidentes pour tout le monde, hélas.

Cette fermeté dans les propos et les convictions n'empêche pas la réflexion, bien au contraire. Mais c'est une réflexion lucide.
En tant que parent, on ne peut pas rester insensible à toutes ces histoires que l'on peut lire ici ou là, on ne peut que compatir au désarroi de ceux dont les enfants sont partis, et on ne peut que s'interroger sur les raisons qui conduisent des jeunes sur ce chemin de mort.
Et se pose forcément la question essentielle de la prévention...

Xavier-Marie Bonnot maîtrise parfaitement son sujet, et la rencontre a été passionnante de bout en bout car il a parlé de son livre, bien sûr, mais aussi de tout le contexte géopolitique qu'il connaît sur le bout des doigts.
Je serais restée des heures à l'écouter !
Place du Paradis est très habilement construit et le lecteur avance petit à petit vers la compréhension d'une réalité complexe.
Très bien écrit, c'est un roman bouleversant, d'autant plus qu'il est ponctué d'extraits de témoignages faits lors du procès des attentats du 13 novembre 2015. Témoignages qui rappellent au lecteur que ce ne sont pas de doux rêveurs qui sont partis en Syrie mais bel et bien des assassins en puissance.
Place du Paradis est une lecture qui bouscule et prend aux tripes.
Une lecture que je ne suis pas près d'oublier !

La place du Paradis existe réellement, et Daesh l'a transformée en enfer.
Commenter  J’apprécie          315
Pierre est photographe. A travers son objectif, ils emprisonnent les combats, les guerres, les ruines, les corps blessés. Un jour en Syrie, il croise le regard de Marie, une jeune française partie faire le Djihâd. On vient de la faire prisonnière et on va la livrer pour qu'elle soit rapatrier en France et juger. Cette rencontre le bouleverse, le questionne, le dérange… Il veut comprendre. Qui est-elle ? Pourquoi a-t-elle suivi ce chemin ? Quel message a-t-elle à délivrer ? Si ses photos parlent d'elles-mêmes, lui a bien du mal à trouver les mots sur ce qui l'empêche de fermer l'oeil, la nuit…

Je découvre Xavier-Marie Bonnot avec ce roman, Place du paradis. Et c'est une sacrée gifle !!! Personne ne peut sortir indemne de cette lecture, tant l'histoire est puissante, intense, terrible et redoutable. C'est une fable d'aujourd'hui, avec toute la profondeur, la complexité et la violence que porte notre monde actuel.

Commençons par le début : l'écriture. Elle est juste sublime. Chaque mot est à sa place, chaque silence sonne comme la salve d'une arme, chaque image percute et bouscule. Elle met des frissons, coupe le souffle et étend notre champ des possibles.

Puis l'histoire nous heurte de plein fouet. On croit la connaître, on la rejette et on est certain du camp qui porte la vérité. On croise Marie, et même si on la prend un peu en pitié, on ne lui trouve pas d'excuse, on ne lui accorde aucun pardon.
Et doucement, sans bruit, sans violence, on entend d'autres mots, d'autres idées, d'autres raisons. On voit que la réponse donnée n'est rien d'autre que la mort, la destruction, l'injustice. On comprend que la haine, le rejet, l'humiliation n'ont engendré que ce qu'ils méritent mais que cet engrenage est sans fin…

Place du paradis est un roman qui dérange, qui déstabilise, qui trouble. Car si tout était simple, s'il n'y avait que des bons et des méchants, si défendre son camp sans faire de victimes étaient envisageable, la vie gagnerait… et l'espoir aussi…
Commenter  J’apprécie          200
Automne 2021. Marie est emprisonnée en France, dans le quartier d'isolement. Son premier parloir est avec Hélène Conrad, juge d'instruction au parquet national antiterroriste. Celle qui était mariée à un des bourreaux de l'Etat islamique ne parlera que si elle peut rencontrer Pierre Déjean.

Leurs destins se sont croisés en 2018. Quand la jeune fille a été appréhendée, en Syrie, le photographe accompagnait une patrouille de bataillons kurdes : les YPG. Marie veut l'interroger sur un cliché qu'il a pris ce jour-là.

Place du Paradis est un huis clos entre Marie, partie pour la Syrie, en tant qu'infirmière, plongée au coeur de Da*sh et Pierre, un reporter de guerre, qui essaie de comprendre si la société a trahi ces jeunes. le récit s'articule autour des souvenirs de la jeune femme, au sein de l'organisation terroriste, des réflexions de Pierre, des attentats perpétrés en Europe, les répercussions en Orient et les procès des attentats de 2015. Il est entrecoupé par des documents réels, tels que des extraits glaçants des audiences.

L'écriture est fluide et introspective, aussi, j'ai cru que j'allais lire ce roman en deux jours. Je me trompais. Je devinais que j'allais être remuée par ce texte, mais je ne savais pas que j'allais être aussi bousculée. Par moments, j'avais envie de poursuivre la lecture, mais j'étais forcée de m'arrêter, car elle me faisait mal. Il était essentiel pour moi de la continuer, mais par petits bouts. Les faits sont affreux, les paroles retranscrites des islamistes m'effraient et me révoltent. Place du Paradis fait écho à mes peurs et mes angoisses. Il m'a permis d‘approcher certains mécanismes qui entraînent la radicalisation, mais évidemment, je n'accepte pas la réponse. Je suis désemparée, car j'ai perçu que l'origine de celle-ci prend racine dans des faits anciens ; je n'entrevois pas de méthode efficace pour lutter. Une cellule est détruite, une autre naît. L'état du monde le montre chaque jour.

Ce roman m'a fait souffrir. Pourtant, il est nécessaire. J'ai apprécié que l'humanité de Pierre et sa volonté de comprendre éclairent ce texte à la thématique si sombre. Place du Paradis est un livre percutant, bouleversant, qui m'a meurtrie dans ma chair. Malgré la douleur qu'il provoque, je le recommande vivement.

Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
Commenter  J’apprécie          202
Quel roman vertigineux, complexe et singulier à la fois, que propose Xavier-Marie Bonnot avec Place du paradis ! Une immersion dans notre actualité à partir de l'histoire d'une fugace rencontre qui va s'approfondir.

C'est plutôt un échange de regards où tout se dit dans le silence. Ainsi Pierre pourra comprendre, peut-être, le néant de Marie, sa solitude et son bannissement de la société française suite à ses actions. Seulement pourra-t-il découvrir pourquoi, elle s'est effacée de sa vie française !

Ce roman dérange par les points qu'il développe, hors des sentiers imposés par la préséance politique. Il nous oblige à regarder là où on avait rangé le mal, loin, devenu en chaussant nos lunettes, si proche de nous. Car, l'Etat islamique, ce nouveau concentré de haine, se nourrit de nos fils et filles, ceux qui ont vécu dans notre culture, nimbés de notre histoire, et pourtant, ont été abandonnés, à un moment ou un autre… C'est cet abandon que raconte Xavier-Marie Bonnot en entrecoupant des extraits d'audition, de procès et de documents du califat de l'horreur.

Brins d'histoire
Marie Rouard est une adolescente esseulée dans son univers occidental avec une mère dont la futilité dérange la femme qui naît en elle, reléguant son histoire familiale dans le tiroir d'une commode. Sa blessure est bien plus profonde qu'une inégalité sociale.

Alors, lorsque l'amour passe près d'elle, elle s'y engouffre, sans réfléchir, comme un nouveau continent découvert. Elle deviendra “Umm Adam” pour lui rester fidèle. Lui, Fabien Marceau, devient rapidement Abou Mohammed al-adnani.

En changeant de noms, le lavage de cerveau peut s'opérer et l'immonde de l'inhumanité s'insérer plus profond en eux. Seulement est-il si différent du jeune étudiant qui s'est surnommé Mazlum, volontaire des YPG kurde qui tue en récitant les passages de l'Apocalypse.

Pierre Déjean n'est plus tout jeune c'est “un vagabond du réel” avec son appareil photo qu'il a promené sur tous les fronts pour rendre compte des guerres de notre siècle. Une façon pour lui d'essayer de comprendre son père, et ses silences sur ses années de guerre, aux côtés du plus grand des poètes français qui se faisait alors appeler Hypnos.

Il y a un certain temps, Esther l'a introduit au passé de Raqqa. Mais son appareil, il l'a raccroché souhaitant arrêter de documenter ce réel auquel il a consacré sa vie. le regard échangé un jour de combats sur la Place du Paradis va le ramener dans sa complexité.

Incarcérée en France, Marie accepte de parler à la juge d'instruction à condition qu'elle puisse aussi parler au photographe. Car, pour elle, une photographie célèbre a le goût de l'amour et de la perte, à la fois qui est légendée ainsi : ” Un enfant, seul, une grosse sucette à la main, marche dans les décombres. Les bombardements reprennent, l'enfant disparaît dans la poussière.”

Pour aller plus loin
Difficile de résumer un tel roman si dense, étayé par des extraits du procès du 13 septembre qui s'est déroulé pendant neuf mois, en 2021/2022. Il faut prendre le temps de cheminer aux côtés de Pierre et de Marie, et des autres, pour appréhender leurs doutes, leurs certitudes et leurs égarements. Évidemment, comme dans la vraie vie, le mal n'est jamais d'un seul côté. Il est partout et chez chacun. Même les accusés du procès ont leur humanité : “Au fond, Abdelslam n'est qu'un petit bonhomme, très à l'aise. Rien du commando viril, plutôt un cocu de la vie qui se venge, barbu en compagnie d'autres barbus. C'est dans l'arrière-boutique de ses prunelles qu'on découvre la merde qui lui sert de conscience.“.

Construit en 4 parties, le roman de Xavier-Marie Bonnot offre un condensé de joie, de larmes, de réalité sur la guerre, le fanatisme, les certitudes et les raisons qui poussent les uns et les autres à se tuer. Seulement, Place au Paradis est aussi un roman d'espoir, mais pas de celui des romans Feel good. Ici, pas de rédemption juste une lucidité à acquérir pour affronter les conséquences de ses actes. Et, c'est peut-être tout simplement, cela, la liberté ! Avec, une fin qui sauve le tout !

Précision d'orfèvre
D'une précision ajustée, composée pour suggérer plutôt qu'accabler, l'écriture de Xavier-Marie Bonnot saisit à la fois par sa justesse et sa retenue. le sens y est intense avec une histoire qui décrit les mêmes images que celles qui peuplent nos écrans. Aucune facilité dans le propos !

Pierre ressemble à un Patrick Chauvel, grand reporter, qui vient de raccrocher son boîtier en donnant son fonds photographique au Mémorial de Caen. En documentariste expérimenté, l'écrivain propose aussi une réflexion sur le pouvoir des images, leur surenchère et leur capacité à faire ce buzz tant attendu par les chaînes d'informations et les réseaux sociaux. Et, Marie, elle, nous fait penser à n'importe quelle jeune fille, au regard fier, se trimballant en niqab sur le parking d'un Leclerc.

Un titre au symbole multiple
À force de prétendre que nos enfants ne sont pas capables de tels actes, et qu'il suffit de les garder dans des camps au fond du désert ou dans nos prisons froides, on croit le problème résolu.

Pourtant, les premiers vont sortir de ces mêmes prisons où ils ont été à l'isolement, toutes ses années. Ils y auront développé une féroce envie de vengeance, tout au plus ! Que leur proposerons-nous pour retrouver une place parmi nous. Une fiche S…! Xavier-Marie Bonnot nous suggère de retrouver notre humanité et d'essayer de comprendre.

Place du Paradis, ce titre est au carrefour de l'histoire de la Syrie, des fous de l'Etat islamique qui croient y aller en tuant, à la prospérité du califat abbasside et l'émergence de la littérature arabe, véritable délice des mots, en passant par l'exposition des exécutions visant à convertir tout un peuple en esclaves. Ce roman de Xavier-Marie Bonnot est un condensé d'humanité qui espère appeler à la compréhension.

Évidemment, à recommander !
Lien : https://vagabondageautourdes..
Commenter  J’apprécie          181
Malgré le contexte violent et dramatique, ce roman dégage une douceur totalement paradoxale, essentiellement parce que l'auteur n'exacerbe pas les passions manichéennes que provoquent habituellement ces thèmes. Son narrateur est photographe, il a vu la violence, l'horreur de la guerre et du terrorisme, mais même s'il a perdu espoir en l'humanité, s'il n' a jamais pu fonder une famille et vit avec ses photos et ses souvenirs de reporter de guerre, à aucun moment il ne juge ou ne crie vengeance.
De la même façon, Marie, cette jeune fille qui a suivi l'homme qu'elle aimait à Raqqa et s'est trouvée dans un monde de violence, de scènes d'horreur, d'intolérance, sans conviction, juste par amour et inconscience, témoigne de sa vie, de sa relation avec son mari, relation qui s'est dégradée au fil du temps, de sa maternité, de l'enfant disparu, des autres femmes qu'elle a pu fréquenter, et tout cela sans passion, sans remords, sans réaliser comment les choses sont vues en France, quel monstre elle a l'air d'être aux yeux des gens, surtout après les attentats qui ont tant traumatisé la France en 2013 et 2015.
Le style est à la fois simple et littéraire, et dégage une grande émotion, c'est vraiment un roman passionnant et qui amène à se poser beaucoup de questions.
Commenter  J’apprécie          140
Comme il est difficile de parler de ce livre… Je voudrais tout dire, et en même temps, ce ne serait pas lui rendre hommage que de redire, moins bien, ce que Xavier-Marie Bonnot a déjà écrit. Je vais donc seulement tenter de vous dire ce qui m'est passé par la tête pendant ma lecture, cela me semble le plus juste.

Ce qui me marque le plus, après avoir refermé ce livre, c'est l'empreinte qu'il laisse. Toute une trame de questionnements, dont, probablement, personne n'a les réponses. En effet, ce roman n'est pas uniquement une façon de retravailler ce qui s'est passé depuis le Printemps arabe, l'Hiver islamiste – et la montée de l'État islamique. Certes, on suit Marie et les étapes qui l'ont amenées à partir rejoindre Fabien en Syrie – elle l'a ensuite épousé et ils ont eu un fils -, mais ce n'est pas un essai sur la radicalisation. Si l'on voit comment le fait que sa mère ne s'est, elle, jamais vraiment intéressée à ses origines influe négativement sur la capacité de Marie à se construire, peut-on considérer que l'explication serait aussi simpliste et universelle ? Évidemment non !

Pierre, lui, présente un profil très différent, certes, mais lui aussi, à son échelle, se débat avec ces mêmes questions de l'identité, de l'histoire familiale, de la transmission – ou non – entre les générations. Que lui a finalement laissé son père, qui a combattu auprès de René Char, le poète, dans les maquis de la Seconde guerre mondiale ?

D'une certaine façon, on a l'impression que ce roman est comme une psychanalyse de Pierre, qui, par association d'idées, construit un parcours dans son passé, dans ses souvenirs, dans ses croyances, dans ses a priori. Et l'on suit la façon dont, par la photo, par le témoignage, par l'image, il tente de donner accès non seulement à ce qu'il voit mais également à ce qu'il est.

La relation qui s'instaure entre ces deux êtres déchirés, rassemblés un temps par les clichés de Pierre, à la fois de Marie lors de son arrestation mais également d'Adam, le fils de Fabien et Marie, est faite de fêlures. de celles qui lézardent les murs de Raqqa et font s'écrouler les bâtiments, mais également celles qui peuvent détruire une âme.

C'est, vous l'aurez compris, une vision très désenchantée de notre monde que nous livre ici Xavier-Marie Bonnot. Celle d'une société qui n'en est plus réellement une, éclatée, jusque dans ces cellules familiales qui sont censées être notre ciment le plus puissant.

Les deux personnages centraux, Marie et Pierre, laissent également de l'espace à plusieurs personnages secondaires, tout aussi complexes. Georges, un combattant français qui a rejoint le bataillon international des YPG – unités de protection du peuple kurde -, dont j'ai repris des propos en citation ; Mazlum, un étudiant français qui a rejoint le même bataillon, mais dont on découvre que les combats l'ont fait vriller et qui est probablement perdu pour la vie « normale » ; Laurence, la mère de Marie, entre déni et culpabilité…

Un livre fort, percutant, qui ne laisse pas indifférent, et d'autant plus puissant qu'il est émaillé de témoignages empruntés aux accusés et aux victimes des attentats du 13 novembre.
Lien : https://ogrimoire.com/2024/0..
Commenter  J’apprécie          140
Voici un très bon roman historique qui nous parle d'un problème qui a secoué la société et les familles depuis quelques années. L'auteur, et ses deux personnages principaux Pierre Dejean, photographe de guerre ainsi que Marie Rouart, jeune française radicalisée, nous font voyager de France à Raqqa en Syrie dans le'"sham" (territoire que l'Etat Islamique s'était octroyé de 2006 à 2019 pour instaurer sa charia islamique en Irak et Syrie) avant d'être exterminé par les forces de la coalition menées par les Etats Unis. Les Francais avaient pris part aux bombardements de représailles suite aux attentats de janvier et novembre 2015.  

X-M Bonnot écrit trois temporalités  principales avant 2017, 2021 et 2022 qui tracent les vies de Pierre et Marie qui se croiseront à Raqqa près de la Place du Paradis. 

On connaît le destin de Marie dès le début du roman. C'est donc sous la forme d'un flash back,d'une mise au point qu'on observe la vie de cette belle jeune fille amoureuse, un peu paumée et influencée, qui rejoindra Fabien Marceau parti faire le Djihad en Syrie :

Radicalisation en France, départ pour le Djihad, vie sous le régime dictatorial de l'EI, l'horreur de la guerre pour Marie.

Reportage de guerre avec les YPG kurdes, rencontres atypiques de combattants français contre l'EI, questionnement sur son métier, la recherche de la photo parfaite,  errements civilisationnels pour Pierre.

Ce roman nous parle donc de la perte et la recherche d'identité,  de la montée, l'horreur des extrêmes religieux islamistes, du terrorisme, mais aussi de la nécessité de donner un sens à sa vie... Quitte à se tromper ? 

Les recherches, introspections dans les archives familiales de Pierre  nous amènent plus profondément à réfléchir sur l'origine de ces maux, depuis la guerre 14-18 à la résistance de la seconde guerre mondiale, à  comprendre le désespoir de générations sacrifiées. On y croise René Char, poète et homme d'honneur, camarade de combat de son père en 1939-45... Un autre temps, et d'autres consciences politiques...

A noter aussi les extraits de témoignages du procès du terroriste islamiste Salah abdeslam et des proches des victimes des attentats de Paris en 2015. Ils apportent une touche de réalité dramatique à la fiction..

J'ai donc aimé cette lecture, exutoire, analytique, et remarquablement romancée qui m'a replongé dans cette période sombre des attentats de Paris de 2015 que j'ai vécu de très près, depuis Charlie jusqu'aux terrasses du Xeme arrondissement et du Bataclan. 

Un livre, intelligent, pertinent, accessible à tous, pour tenter comprendre cette tragédie récente.

Merci à Babelio et aux éditions Récamier pour cette nouvelle découverte !
Commenter  J’apprécie          101
Place du Paradis est le nom d'une place à Raqqa, en Syrie, où on vivait bien avant la guerre civile et avant que Daesh ne s'y installe. Dans cette place en ruines, Pierre, un photographe de guerre, prend la photo d'un enfant et assiste à l'arrestation de Marie, une jeune femme française radicalisée.
Cinq ans plus tard, Pierre revoit Marie. Cette dernière accepte de collaborer avec la police française à la seule condition de parler à Pierre et de voir les photos de ce jour là. C'est ainsi que l'on va découvrir l'histoire de cette jeune femme qui n'arrive pas à comprendre comment elle a pu tout quitter pour un idéal dont elle n'est même pas certaine.

Ce roman est passionnant. Il remue des tripes, met à réfléchir et on suit une histoire palpitante en même temps. Sous un angle très pudique, en recul et pourtant au sein des événements, on y raconte la radicalisation et les répercussions d'un conflit malheureusement sans fin. J'ai apprécié l'histoire, le rythme et la très belle plume de l'auteur.
Je remercie Babelio pour cette Masse Critique privilégiée et la rencontre organisée avec l'auteur.
Commenter  J’apprécie          90
2017. Pierre est photographe de guerre, expérimenté. Il suit une unité de combattants internationaux des YPG kurdes face à Daech, à Raqqa en Syrie. Marie vit à Raqqa avec son mari officier de Daech et leur jeune fils. Ils sont au même endroit au même moment, tout près de la place du Paradis, lieu d'exécution des infidèles selon Daech, nom on ne peut plus cyniquement ironique. Lors d'une bataille décisive de reconquête de la ville par les YPG, Pierre est témoin de l'arrestation de Marie par son unité. Un début de dialogue pudique s'ébauche entre eux.
2021. En prison dans une unité d'isolement pour terroristes, Marie demande à parler à Pierre, à personne d'autre, elle a une requête particulière. La parole est toujours aussi difficile pour Marie comme pour Pierre. Chacun est encombré d'une histoire familiale trop lourde pour lui, de non-dits, de fantômes. Chacun a pris la fuite à sa façon et s'est cherché une voie. En parallèle a lieu le procès des attentats du 13 novembre, acte de guerre mené par Daech, qui a eu pour conséquence les bombardements par l'armée de coalition sur les territoires occupés par Daech, dont Raqqa. Plusieurs facettes d'une même histoire, dont il ne semble y avoir que des perdants.
Nous découvrons en Marie une jeune femme assez lucide, fataliste, paradoxale, islamiste convaincue mais pas radicale, honteuse mais pas repentie non plus, ni totalement coupable ni totalement victime. C'est ce qui nous dérange en elle. On aimerait savoir quoi penser, qu'elle nous facilite la tâche, la condamner ou la prendre en pitié.
Le roman questionne beaucoup la question de nos origines, de notre inscription dans une histoire (familiale, culturelle). Il place le postulat que l'on a besoin de savoir d'où l'on vient pour savoir où aller. C'est notamment ce qui a manqué à Pierre et à Marie. Ils ne se sont pas approprié leur héritage, il leur a manqué le guide, le testament, selon la formule du poète René Char.
Le récit est très immersif, nous sommes au coeur du combat dans les décombres de Raqqa, à travers les yeux de Pierre, comme si on y était, comme si l'auteur avait vu cela de ses propres yeux ou se l'était fait raconter par un témoin direct.
L'écriture de Xavier-Marie Bonnot est riche, finement ciselée, poétique, elle magnifie l'horreur dont il est question. Cela aussi est troublant dans ce texte, on se délecte alors que cette lecture ne devrait nous inspirer que du dégout. A l'image de la couverture, belle, lisse, colorée, mais qui montre pourtant un intérieur miteux et austère.
C'est la force de ce roman, qui sait introduire de la nuance, du doute, de la complexité, en nous faisant prendre un peu de recul sur la pensée binaire du bien et du mal. Une belle découverte.
Commenter  J’apprécie          94




Lecteurs (178) Voir plus



Quiz Voir plus

Jésus qui est-il ?

Jésus était-il vraiment Juif ?

Oui
Non
Plutôt Zen
Catholique

10 questions
1836 lecteurs ont répondu
Thèmes : christianisme , religion , bibleCréer un quiz sur ce livre

{* *}