Les procès burlesques

Déjà hier, et avant-hier même, vainement, on disait d'un air sombre que le français n'avait plus toute son ancienne gaieté.
Mais Pierre Bouchardon assure ici que la gaieté de nos pères était, est encore et toujours, celle de leurs enfants.
Et, il en demande pardon au ministère public !
C'est que dans son livre, paru en 1929 à la librairie académique Perrin et Cie, il va essentiellement s'agir de procès burlesques.
Cependant pas de pouët-pouët, ni de langue de belle-mère, ni de turlututu, nous sommes dans la très sérieuse "nouvelle collection historique des énigmes et drames judiciaires d'autrefois".
- Faites entrer l'accusée de la première affaire : "Mme Lacoste" !
Du 10 au 14 juillet 1844, la cour d'Assises du Gers siégea matins et soirs.
Une affaire retentissante où l'arsenic avait eu le dernier mot : l'affaire Lacoste !
Qui a pu empoisonner le tracassier Henri Lacoste ?
Euphémie, sa jeune femme et petite-nièce, de 46 ans sa cadette ?
Les journalistes parisiens accourus sur place pour les plus grands journaux éprouvèrent un vif désappointement car hormis les experts, tous les témoins ne parlaient que patois, un patois que magistrats, avocats et jurés entendaient fort bien ...
- Affaire suivante ! ... "le collectionneur ingénu" !
Les travaux de Michel Chasles avaient fait autorité et l'avaient placé au premier rang des mathématiciens de son temps.
Il entra à l'Académie des Sciences et y occupa le siège d'un certain Guillaume-Timéon-Brutus Libri qui avait fui en Angleterre après avoir dérobé de nombreuses pièces rares dans les bibliothèques qu'il avait mission d'inspecter.
En 1865, Michel Chasle produisit quatre notes qui attribuaient incontestablement à Blaise Pascal tous les mérites de la grande découverte d'Isaac Newton.
Ainsi commença la grande affaire jugée à la 6ème chambre correctionnelle du tribunal de la Seine le 23 février 1870 ...
- Un accusé et son dupe : Denis Vrain-Lucas et Michel Chasle
- Un nombre incalculable de documents et d'autographes tous plus faux et farfelus les uns que les autres
Et un petit plaisir supplémentaire : Thiers naïf et dupe !
L'Histoire ici se venge en ridiculisant celui qui, les mains encore tachées de sang, se prit pour l'historien du Consulat et de l'Empire, mais qui dans cette affaire ne fût que ridicule !
- Affaire suivante ! "un procès pour des chansons" !
Quoi !
En France ?
"Un procès pour des chansons ... Que s'avance Mr de Béranger !
Lorsqu'on ouvrit les portes du prétoire, l'accusé eût de la peine à regagner son banc d'infamie.
Il fût arrêté, pendant trois quarts d'heure, de barrière en barrière par des gendarmes qui avaient ordre de ne laisser passer personne.
On l'attendait, on ne commencerait pas sans lui !
Croyez-vous qu'une chanson se fasse aussi vite qu'une tragédie ? ...
- affaire suivante ! "Mademoiselle de la Faille" !
Clémence de la Faille avait un fiancé.
Mais, en 1707, le jeune capitaine d'artillerie Georges de Garan fût envoyé aux Indes dont il ne sembla pas devoir revenir.
Après l'avoir attendu de nombreuses années, Clémence épousa par dépit Mr de Boissieux, président à la Cour des Aides.
S'ensuivit une affaire d'enlèvement, d'usurpation d'identité supposée, de violation de sépulture et de bigamie constatée.
Cet imbroglio romanesque des plus inattendus ne serait-il que plagiat et recopie dont on ne localise plus vraiment la source ?
Le Web n'aurait-il pas inventé cette manie de répéter à l'envie sans jamais vérifier !
- Dernière affaire ! "un criminel de cinq ans" !
Une sordide affaire d'incendie est jugée par la session d'Assises d'Amiens le 11 juillet 1847 : les deux accusés ne totalisaient pas dix ans à eux deux ...
- Fin de lecture et suspension d'audience !
La plume est ici légère et fine, mais efficace et précise.
Ce premier tome de Pierre Bouchardon est du pur plaisir d'Histoire et de lecture
Il sera suivi par un deuxième, paru en 1930, qui a pour titre "autres procès burlesques".
Gageons que l'un rejoindra l'autre bien vite dans toute bonne bibliothèque qui aime L Histoire et les belles lettres ...