La pensée première, créatrice et directrice, demeure, mais les interprétations qu'elle reçoit, les formules par lesquelles elle se rend extérieurement communicable, les institutions qui en développent l'action dans le monde, évoluent. D'une part, le lien causal qui rattache la succession de ces formes à la pensée première, la ressemblance intime qu'elles ne peuvent manquer de conserver, puisqu'elles sont les traductions d'un seul et même original, assurent leur unité spirituelle; d'autre part les manifestations allons de la religion participent à la loi de toutes les choses vivantes, en suivant, dans leur évolution, le monde dont elles font partie.
En fait, la pensée chrétienne eut à compter avec les conditions du monde qu'elle voulait conquérir, avec ses institutions, avec ses mœurs, ses croyances, ses traditions. Pour être compris, il faut nécessairement parler la langue des hommes à qui on s'adresse.
Mais le positivisme ne cherche le réel que pour atteindre à l'utile. Comment, des connaissances réelles que fournissent les sciences, s'élever à des connaissances véritablement positives ? Ici commence le rôle propre de la philosophie. Pour que la recherche du réel coïncide avec celle de l'utile. il faut que la philosophie déunisse l'utile, et dirige vers lui la science car celle-ci, d'elle-même, ne s'imposerait pas la discipline nécessaire.
Toute la nature est suspendue à la raison, mais toute la nature est impuissante à l'égaler, disait Aristote; et, démontrant l'existence de la pensée en soi, de la raison parfaite, il appelait cette raison le dieu. Si donc la raison se détournait de la religion traditionnelle, c'était pour fonder, sur la connaissance de la nature elle-même, une religion plus vraie.
Ainsi grandit la philosophie, frondeuse, supérieure ou indifférente à l'égard des croyances religieuses. moralement indépendante, libre, même politiquement car, si quelques philosophes furent frappés, ce ne fut que pour des détails, qui paraissaient contredire la religion publique.