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sur 631 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Première moitié du XVIIème siècle. Sur les terres canadiennes, les nations Huron-Wendat et les Iroquois se livrent à une lutte sans merci. Les massacres et les rivalités sont rythmés par les saisons. Les français ont colonisé une partie du territoire et ont ouvert un premier comptoir commercial à Tadoussac au Québec en 1600. Sous l'impulsion de Samuel de Champlain, gouverneur de la Nouvelle-France, nom donné à la première colonie française, les relations diplomatiques et commerciales entre les français et les Hurons-Wendats sont excellentes. Les iroquois, alliés des hollandais et des anglais, deviennent de fait, les ennemis des français. Les premiers missionnaires catholiques sont envoyés sur le territoire en 1615, suivis en 1625 par les jésuites……

C'est dans ce contexte historique que se déroule le roman Dans le grand cercle du monde de Joseph Boyden. Installé dans un village de la nation Huron-Wendat, le père Christophe, jésuite, a pour mission de convertir le plus grand nombre à la foi chrétienne et d'étudier les moeurs ce peuple encore peu connu. Arrivée en même temps que le père Christophe, une jeune iroquoise, Chutes-de-neige, capturée lors d'une bataille entre son peuple et les Hurons-Wendats où elle a vu toute sa famille décimée, est adoptée par Oiseau, le guerrier valeureux, responsable de la mort de ses parents.

Dans le grand cercle du monde, c'est avant tout la confrontation entre deux mondes différents, l'Ancien Monde (l'Europe) et le Nouveau Monde (l'Amérique). le père Christophe ainsi que les autres missionnaires qui vont le rejoindre plus tard, incarne cet Ancien Monde qui veut imposer sa religion et sa civilisation à un peuple qui possède déjà les siennes. Face à eux, une ribambelle de personnages incarnant le Nouveau Monde mais la plus emblématique selon moi est Petite Oie, la femme d'Oiseau, père adoptif de la jeune Iroquoise, Chutes-de-neige. Guérisseuse et devineresse, elle affronte et déstabilise le père Christophe dans ses efforts de conversion au Christianisme. C'est une lutte entre deux croyances différentes: celle de Petite Oie tournée vers la nature et les esprits, celle de Christophe vers Dieu.

Le roman a plusieurs voix: celle d'Oiseau, celle de Chutes-de-neige et enfin celle du père de Christophe. J'ai trouvé que ce choix de narration était très intelligent. Cela permet d'avoir trois points de vue totalement différents et renforce cette opposition entre Ancien et Nouveau Monde. Cela amène d'ailleurs des situations très cocasses où d'un côté le lecteur voit des Hurons-Wendats impressionnés par ce qu'apporte la civilisation européenne comme l'horloge, les fortifications, les armes à feu ou encore l'écriture! (les Hurons n'avait pas de langue écrite). Il y a une sorte de magie qui entoure tous ces objets pour eux. A l'inverse, le père Christophe est souvent choqué par ce qu'il observe: le manque de pudeur, la violence et la torture envers les ennemis, le festin de Morts (sort réservé aux morts), la croyance dans les esprits de la nature…Il dit clairement dans ses lettres envoyées en France, qu'il est entouré de sauvages qui s'adonnent à la sorcellerie et qu'il est urgent de leur montrer ce qu'est un VRAIE civilisation. Chutes-de-neige est un personnage complexe puisqu'elle est originaire d'une nation rivale. Animée par un esprit de vengeance, elle se résigne et finit par apprécier son nouveau père. Chutes-de-neige est à la croisée des deux Mondes, tiraillée entre les croyances de son peuple et la curiosité pour ce prêtre qui porte autour du cou son père, les bras en croix…

Joseph Boyden a fait un énorme travail de recherche documentaire! Ce roman m'a tellement passionné que j'ai voulu en savoir plus et je me suis vite aperçue de la véracité de tous les faits historiques relatés dans le roman. L'auteur décrit parfaitement les us et coutumes, le mode de vie des peuples amérindiens. J'avais vraiment l'impression d'être au coeur de ce village, de vivre au rythme des saisons comme les hurons. On apprend une tonne de choses sur les habitations (les maisons-longues dans lesquelles plusieurs familles cohabitent), sur les récoltes, sur la chasse, sur le commerce avec les Français et les nations amies, sur la médecine, sur les croyances, sur les batailles avec leurs ennemis mais aussi sur le traitement des prisonniers. Sur ce point, on a quelques scènes très sanglantes et violentes…une chose est sûre, leur imagination en terme de tortures est hallucinante!!!

Au cours de ma lecture, j'en suis arrivée à me questionner sur l'intérêt et l'impact réels de l'apport de la civilisation européenne à ces peuples. Sous des airs de vouloir convertir les peuples amérindiens au Christianisme, il semblerait malheureusement que les français cherchaient surtout à étendre leur territoire et à accaparer les richesses. le père Christophe doutera d'ailleurs de sa mission et des réels intentions des dirigeants français. Quand à l'impact, il est double. Les européens ont apporté avec eux le progrès symbolisé par les outils, les armes à feu, les machines, etc… Cela intimide et impressionne les Hurons mais la plupart vont très vite y prendre goût. Dans ce sens on peut dire que c'est une avancée. Mais le progrès a son revers de médaille: les mousquets vont également précipités et aidés dans la destruction de la nation Huron-Wendat et des autres nations amérindiens. En effet après avoir très vite appris à les manier cette arme de destruction facilitera la mise à mort et augmentera considérablement le nombre de victimes des guerres entre nations rivales. D'un autre côté, les maladies apportées par les européens provoquent de graves épidémies et déciment un nombre important d'autochtones.

La question qui m'a le plus taraudée est celle de la conversion qui est au coeur du roman. Pourquoi vouloir convertir au Christianisme à tout prix un peuple qui a déjà ses propres croyances? de quel droit peut-on imposer sa religion? Sa vérité? Pourquoi une croyance serait-elle meilleure qu'une autre? Cela pourrait faire l'objet d'un débat…

Dans le grand cercle du monde est un roman passionnant sur le début de la colonisation français sur le territoire canadien. Ce roman est extrêmement bien documenté et l'auteur se fait un plaisir de nous plonger au sein de la nation Huron-Wendat. le lecteur apprend une foule de choses sur le mode de vie, les us et coutumes et les croyances de cette nation mais aussi sur leur relation avec leurs alliés les Français. Les personnages sont complexes et bien travaillés psychologiquement. Mais il ne faut pas trop s'y attacher, la mort règne dans ces territoires… Ce récit interroge sur l'apport de la civilisation européenne sur ces peuples: Ces nations « sauvages » ont-elles gagnées quelques bénéfices? Qui est le gagnant? le perdant? La question de la conversion au Christianisme m'a également fortement interpellée. Je rajoute que ce roman est très visuel, il pourrait faire facilement l'objet d'une adaptation cinématographique! Joseph Boyden m'a éblouie avec son roman…certainement une des voix américaines à suivre dans les prochaines années…
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Maître Corbeau, en sa chair, transpercée.
L'« Orenda », la force vitale qui constitue et relie toutes choses dans le grand cercle du monde forme la vision mystique des Algonquins avant la venue du « peuple de fer » soit les Français et ses missionnaires jésuites, au XVIIe siècle. Christophe, grand Breton porté par la foi en son Dieu, part à l'encontre des Hurons, les mains dans les poches de sa soutane et le bréviaire aux lèvres. Jugé inapte à survivre dans la nature par Oiseau, un chef Huron, Corbeau (le jésuite drapé de noir) est à la traîne du groupe d'Indiens pourchassé par leurs ennemis héréditaires, les Iroquois. Corbeau porte Chutes-de-Neige, une jeune Iroquoise rescapée du massacre de sa famille orchestré par Oiseau et Renard, l'ami fidèle. Les poursuivants ont des chiens pisteurs. Les Hurons jaugent leurs chances de survie dérisoires mais la neige peut tomber, brouiller les pistes et leur campement est presque accessible. A tour de rôle, les voix des trois protagonistes expriment leurs pensées et leurs visions. Sans cesse, les comportements sont mal interprétés. Corbeau devrait mourir mais sa résistance physique exceptionnelle suscite une forme d'admiration chez les Hurons et puis le jésuite baragouine leur langue, à leur plus grand amusement car il anone comme un enfant. Sa foi n'est pas sans intriguer Oiseau qui pressent sans savoir l'exprimer que son monde est en bascule : « de sa main droite, il fait ce geste auquel je me suis habitué: il se touche le front, puis la poitrine et enfin les épaules à gauche et à droite. On se demandait s'il ne nous jetait pas un sort mais pour autant que je le sache, et bien qu'il prétende que cela soit destiné à le protéger, je crois qu'il s'agit surtout d'un tic nerveux ». Lorsque Christophe revient enfin à Québec après un an d'enfer, sur le Saint-Laurent, [Kébec, en algonquin signifiant « là où le fleuve se rétrécit »], le jésuite accompagné d'une délégation huronne espère s'être échappé des mâchoires de la mort : « … j'ai l'impression d'être un cadavre » mais quand le gouverneur de la Nouvelle-France Samuel de Champlain lui demande de repartir avec les Indiens pour raisons diplomatiques, politiques et religieuses, Christophe : « A l'idée de retourner dans ces terribles contrées, je me sens prêt de pleurer » reprend son chemin de croix accompagné par deux autres pères jésuites, Isaac et Gabriel. Christophe n'a peut-être pas tort d'appréhender les tortures à venir car l'enfer c'est aussi les autres, Iroquois en tête, grands maîtres du dépeçage à petit feu.
La force brute du roman de Joseph Boyden réside dans la polyphonie incarnée en trois voix et autant de regards qui interprètent les événements selon des centres d'intérêt forcément et parfois férocement différents. Ils donnent à vivre au lecteur l'avancée d'hommes courageux pris aux rets d'une destinée qui les transcende. Si la foi de charbonnier de Christophe peut irriter quand le jésuite cherche à imposer ses croyances aux Indiens, le lecteur ne peut qu'admirer sa force, sa science et son courage. de même, alors que le lecteur approche les Hurons de l'intérieur, il ne peut que les comprendre. L'auteur canadien, magnifique démiurge, ressuscite tout un pan de l'histoire de son pays-continent en donnant la voix à de grands hommes engloutis dans la mort et l'oubli. le père Christophe est le quasi homonyme phonétique du père Brébeuf, torturé à mort par les Iroquois le 16 mars 1649. Alors que Joseph Boyden renoue les liens nourriciers de son passé, il apporte une cohérence remarquable à son oeuvre romanesque. Auteur habité et exigeant, il a aussi su dire non à l'argent et aux mirages hollywoodiens avec la proposition d'achat des droits d'adaptation de son roman par Kevin Costner.
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Un roman historique dense. L'auteur nous embarque dans des paysages magnifiques avec des personnages extrêmement intéressants, qui évoluent tout au long du roman. L'auteur y aborde intelligemment les thèmes du choc des cultures, ou encore de la religion. L'auteur suscite un grand intérêt pour ses personnages (l'iroquoise adoptée, le jésuite à la quête de la conversion des indiens et l'indien huron). le roman foisonne d'informations sur les indiens, leur mode de vie et leur conflit. le roman est passionnant abordant les indiens sous un angle totalement original. On peut regretter quelques longueurs mais on se laisse embarquer pour un voyage initiatique chez les indiens.
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Un total chef-d'oeuvre. le laisser m'a été difficile, tellement j"étais immergé dans cette histoire. J'ai admiré la technique des trois poinst de vue (missionnaire Christophe Crow- Chef Bird, et Snow Falls l'Iroquoise) complémentaires, et distincts dans leurs approches cosmogoniques et personnelles. Un réel plaisir de lecture, avec une langue simple, mais adapté à la tâche en cours. Le titre anglais (THE ORENDA) aurait certainement pu être conservé.
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Dans les espaces sauvages du Canada du XVII siècle, trois êtres humains mêlent leurs voix.
Un jeune jésuite français est venu convertir les « sauvages ». Un chef de guerre huron dont toute la famille a été massacrée par une tribu iroquoise a tué en représailles celle d'une jeune Iroquoise dont il veut faire sa fille adoptive.
C'est un roman épique, empreint de beauté et de violence, où l'on découvre la culture des Indiens d'Amérique du Nord.
Un roman plein de poésie et de réalisme, de violence, qui nous décrit la fin d'un monde et l'absurdité de tout conflit. Un livre qui ne peut être lu que doucement et qui marque.

Un coup de coeur !
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Somptueux !
Plongée au coeur d'un monde et de trois âmes.
La vie des Indiens des grands lacs (Hurons, Iroquois), l'âpreté de la vie, la violence comme un hommage à la vie, la violence pour apprendre à endurer la souffrance.
Le personnage de Oiseau continue à vivre avec moi : il est contemplation, sagesse et soif de l'action. La mort est sa compagne quotidienne.
Le livre me fait penser à l'oeuvre de Jorn Riel pour la re-création d'un monde aboli. On est dans la boîte crânienne des trois personnages : le corbeau et sa foi en granit, Chute-de-neige et sa rebellion et Oiseau, intérieur et puissant.
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Sur la liste Babelio sur Les indiens d'Amérique ce livre devrait y figurer tant cette guerre entre les Hurons et les Iroquois nous est montrée dans tout ses détails en particulier l'influence des Jésuites , sans parler des descriptions des tortures et du mode de vie de ces tribus dont les guerres incessantes font partie de leur mode de vie ce moment de leur histoire .Je cite Wikipédia:
Les années 1640 et 1650 ont été une période extrêmement sombre pour les Hurons. En effet, ce qu’on appelle la guerre des fourrures bat son plein lors de cette période historique. Mieux armées que quiconque, les Iroquois disposaient d’armes à feu qu’ils échangeaient à leurs alliés hollandais afin de conquérir le territoire des Hurons. En 1648, ils prennent d’assaut le village huron de Teanaustayaé, qui se situe sur la rive sud du lac Michigan et prennent en otage 700 prisonniers qui sont composés majoritairement de femmes et d’enfants. En 1649, les Iroquois prennent emprise sur un autre village important des Hurons, Taenhatentaron situé sur la rive nord du détroit de Mackinac. Ils massacrent les vieux, les malades et les enfants sans aucune pitié. « Où des enfants grillaient à côté de leurs mères, ou un mari voyait sa femme rôtir auprès de soi, où la cruauté même eut eu de la compassion dans un spectacle qui n’avait rien d’humain, sinon l’innocence de ceux qui étaient au supplice, dont la plupart étaient chrétiens ».(Le pays renversé p. 156)

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Grand, grand livre. Grand livre par la qualité de l'écriture de Joseph Boyden, grand livre par le souffle qui l'anime, grand livre par sa description du crépuscule d'un monde, celui des Hurons-wendats, qu'à aucun moment il n'idéalise, grand livra aussi parce que Boyden sait donner consistance et richesse psychologique à ses personnages. Bref, un vrai bonheur de lecture.
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Lu dans sa version anglaise originale (The Orenda), c'est un livre qui nous poursuit dans la tête et dans le corps.
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Je vous livre les ingrédients d'un des plus beaux romans d'aventure que j'ai eu le plaisir de découvrir :
- Canada XVIIe siècle
- une tribu de Hurons en guerre contre les iroquois
- des Jésuites en mission pour convertir les sauvages
- un auteur de talent et ses trois personnages narrateurs (un chef guerrier Huron, un Jésuite et jeune Iroquoise prisonnière des Hurons) qui alternent impeccablement leurs récits et points de vue
- d'incroyables scènes de bravoure, parfois d'une violence extrême
- des personnages complexes, intrépides, parfois cruels mais toujours magnifiques ! (même le jésuite finit par forcer le respect !)
- un dépaysement totale une immersion complète dans la culture des hurons (je ne suis pas spécialiste mais ça semble tellement réaliste !)

Vous n'y avez pas encore goûté ? Moi, je l'ai dévoré... Je pourrais pas avoir du rab ?
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