Je ne sais pas trop quoi penser du petit roman de
Ray Bradbury, "
L'arbre d'halloween"...
Il s'agit de la nuit fantasmatique d'un groupe de 8 enfants déguisés pour Halloween qui toquent à la porte d'une maison étrange. Un don ou t'es dindon. Mais l'occupant encore plus étrange de la maison les emporte avec lui dans un voyage à travers le temps pour découvrir l'origine de leurs costumes et les traditions qui ont abouti aux célébrations d'Halloween. Ils voyagent ainsi de la préhistoire à la fête des morts mexicaine en passant par les druides, l'Égypte pharaonique ou encore Notre-Dame de Paris et les bûchers des sorcières.
Je suis assez dubitative concernant les explications apportées par Bradbury. On trouve notamment de bien beaux clichés directement issus de l'historiographie du XIXème siècle, qui aurait encensé cette image d'un Moyen-Age sombre et fangeux, ce qui est assez surprenant pour un bouquin paru en 1972. Et il me semble que l'auteur entretient un flou artistique autour de la période bénie des procès de sorcières, qu'il m'a semblé associer au Moyen-Âge alors que c'est un phénomène de la Renaissance et des premiers temps modernes. Si c'est pour propager des informations complètement erronées, ce n'était peut-être pas la peine de le faire sous une forme "éducative" à la "viens je vais te montrer".
Mais justement je ne sais pas si c'est un livre destiné aux enfants ou pas. Pas à cause de sa dimension horrifique. Après tout, j'imagine qu'on a pratiquement tous lu des Chair de Poule, et je ne dois pas être la seule à avoir été traumatisée par "Le pantin maléfique". Peut-être est-ce un souci de traduction. Pour moi tout crie le roman pour enfants sauf le mot "partouze" qui débarque gratuitement au bout de 10 pages et un vocabulaire ponctuellement trop soutenu. Ça ne gêne pas spécialement la compréhension de l'ensemble, mais j'imagine que c'est vain d'attendre d'un enfant qu'il comprenne des mots que mêmes une lectrice adulte ignore ? Mais c'est très à la marge, alors j'ai envie de mettre ça sur le dos du traducteur. (voilà c'est cadeau bim)
L'autre élément qui plaide en faveur d'un livre pour enfants c'est la référence totalement assumée à "
A Christmas Carol" de
Charles Dickens. Si le voyage spatio-temporel avec une sorte de guide fantomatique fait déjà appel à tout un imaginaire (à base de canard radin et de Pat Hibulaire), on trouve un rappel direct du conte de Dickens en la personne de Marley, le fantôme du Noël passé de Scrooge, incarné dans le heurtoir de la maison mystérieuse. Ce que ne manque pas de remarquer le jeune Tom Skelton. (en mode gros wink)
Malgré ce problème de curseur de public visé (dû à la traduction?) et les approximations historiques (licence poétique?), il faut reconnaître à
Ray Bradbury sa puissance évocatrice. Ses descriptions et les « tableaux » auxquels les enfants assistent, qui s'enchaînent dans des transitions spectaculaires, permettent de s'imaginer les scènes sans la moindre difficulté. Je ne serais pas surprise que le roman ait donné lieu à une adaptation animée. (spoiler : il y en a eu une en 1993 d'après Wikipédia)
J'ai particulièrement aimé le "tableau" de Samhain, dieu des morts ou géant de chêne, avec sa gigantesque faux tranchant les nuages et moissonnant les âmes errantes, tandis que les Romains pénètrent dans les bois sacrés et abattent les druides et leurs chants d'apaisement. le tableau de Notre-Dame est aussi très poétique, même si le rapport avec Halloween me semble tiré par les cheveux. Il avait peut-être juste envie de placer un Quasimodo et un peu de poix bouillante auprès de ses gargouilles (coucou Victor) ?
En somme la lecture n'es pas désagréable mais elle est oubliable, contrairement à «
Fahrenheit 451 ». J'attendais mieux de
Ray Bradbury…