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Au menu : un barde sixties, chantre du Californian way of life suivi d'un petit exercice de traduction !

Mais avant d'entamer ces short stories, qu'un babéliote déguisé en chauve-brebis et qui se reconnaitra m'a chaleureusement conseillé, un petit noisette car comme dirait l'auteur “sometimes life is merely a matter of coffee”…

“We were in an ice cream mood.” Richard Brautigan est une lecture à la fois très ciselée, brève, pleine de tact et pourtant très dense. Pas surprenant que, dans sa maturité, l'auteur de ces petites perles littéraires soit allé vers la forme la plus profonde et concise à la fois : le haïku japonais. Tenez, par exemple, la nouvelle la plus courte du bouquin tient en deux phrases :

" - Ce n'est pas facile de vivre dans un studio à San Jose avec un homme qui apprend à jouer du violon.
C'est ce qu'elle a dit aux policiers, en leur tendant le revolver vide."

“I am afraid that too much humour would ruin this story”. Dans ce recueil de nouvelles, La Vengeance de la Pelouse (Revenge of the Lawn), Brautigan livre ses divagations les plus diverses : ses amours malheureuses, coups d'un soir, les paysages de l'ouest californien ou des grandes forêts de l'est américain etc. le tout avec un humour qui va du léger sourire complice à l'éclat de rire. Sa pudeur, sa mélancolie, sa façon de sublimer l'ordinaire en une poignée de mots, son univers onirique en font une lecture délicieuse mais remuante.

“Let's put it up front right now: I'm not an expert on holidays. I just don't have that kind of money.” le nouvelliste et poète, icône fauchée de la Beat Generation (“Oh, those Beat Generation days! talking, wine and jazz!”), de l'été indien des psychédéliques et de l'effervescence éméchée des moeurs de la ‘Frisco Bay, effleure sa douleur existentielle avec la désinvolture et la retenue de celui qui sait que ces quelques grains de prose suffiront à faire partager au lecteur son malaise. Il y a chez lui cette insoutenable légèreté de l'être kunderienne qui nous habite tous et chacun, elle aura d'ailleurs raison de l'écrivain qui mit fin à ses jours en 1984.

Petit exercice de traduction. Lecture en anglais sur la liseuse mais j'ai emprunté la version française en bibliothèque par curiosité, et voici par exemple une petite tentative alternative sur la traduction par rapport à une très belle citation qui résume assez bien le style et le ton de Brautigan : à la fois drôle, léger, attentif au détail et qui invite à rêvasser voire à réfléchir à ces moments de “blancs” dans une vie où tout d'un coup on pense à un être cher, parti trop tôt, ou alors on observe telle maison qu'on avait jamais vue ainsi ou on croise le regard d'une personne et on voudrait la suivre, la connaître, et ce retour soudain à la vie quotidienne… bref regardez un peu comme c'est traduit :

“I was glad when the bus came. There is a certain happiness sighted when your bus comes along. It is of course a small specialized form of happiness and will never be a great thing.” - Brautigan

Merveilleux, poétique, drôle, d'une finesse et d'une sensibilité redoutable.

***

“je fus content de voir le bus venir. On entrevoit une sorte de bonheur quand le bus qu'on attend approche. C'est bien sûr un petit bonheur, d'une forme bien spécifique et insignifiante, et qui ne sera jamais le grand truc.” - la traductrice Marie-Christine Agosto

Dans la dernière phrase “insignifiante” me dérange : ce n'est pas à nous d'en juger car ce n'est pas dans le texte, c'est de l'ordre du ressenti de l'auteur comme du lecteur. Encore une trop grande envie d'expliciter les choses avec le bus “qu'on attend”, c'est tout à fait sous-entendu et pas besoin de le souligner.

***

“J'étais content quand le bus est arrivé. Il y a une certaine joie à voir votre bus approcher. Ce n'est bien sûr qu'une petite sorte de joie bien spécifique et qui ne sera jamais un grand truc” - me, myself and I

Alors j'ai essayé de rendre ça dans un registre de langue plus “parlé”. Préférer “joie” à “bonheur” et puis “voir” le bus arriver m'as semblé plus approprié. Par contre j'ai beaucoup aimé la proposition de la traductrice “grand truc”, j'ai seulement substitué “le” par “un” pour coller à Brautigan.

***

On se prend au jeu de la traduction qui est un exercice finalement très ludique un peu à la manière d'un déchiffrage de langage codé, l'écrivain Valéry Larbaud disait d'ailleurs que « tout le travail de la traduction est une pesée de mots. Dans l'un des plateaux nous déposons l'un après l'autre les mots de l'auteur, et dans l'autre nous essayons tour à tour un nombre indéterminé de mots appartenant à la langue dans laquelle nous traduisons cet auteur, et nous attendons l'instant où les deux plateaux seront en équilibre ».

Je sais pas si j'ai réussi, mais il n'y a pas de petites victoires, ou plutôt si, comme dirait le John Lennon de la prose américaine : “one must keep track of all the small victories. I do, anyway.”

Qu'en pensez-vous ? Et surtout, quelle serait votre traduction ?
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Imaginez un type quelconque, genre Monsieur Tout-le-monde ou Mr Richard, qui écrit des nouvelles d'une banalité affligeante où il ne se passe pas grand-chose, voir presque rien. Pire, certaines de ces nouvelles ne dépassent pas la page et se contentent même parfois de trois misérables lignes. Vous le prendrez pour un fumiste, ou un écolo avant-gardiste convaincu de la nécessité de ne pas massacrer des forêts pour écrire des feuilles et des feuilles sur des histoires bancales et sans intérêt. Pour preuve :

« - Ce n'est pas facile de vivre dans un studio de San José avec un homme qui apprend à jouer du violon.

C'est ce qu'elle a dit aux policiers, en leur tendant le revolver vide. »

Point. Rien avant, rien après. La nouvelle dans son intégralité. Même mon commentaire élogieux est plus long. C'est dire mon manque de talent car lui, en l'espace d'une phrase, plante le décor, la trame, les personnages et la chute. Moi, je suis juste fan.

Et des dizaines de nouvelles de ce même acabit se côtoient dans un recueil délicieusement intitulé « La Vengeance de la Pelouse », mélange de courtes fictions et de souvenirs des premières impressions de la Californie. Richard Brautigan évoque ainsi son arrivée dans la baie de San Francisco, sa passion pour le soleil de la Californie, une nouvelle vie qui démarre sur ces nouveaux rivages du Pacifique.

L'histoire dans tout ça ? Il n'y en a pas… Ou plutôt il y en a tellement que je ne peux les recenser toutes dans une si fade chronique où les mots ne viennent pas. Car difficile de rajouter quelque chose après le texte concis et ciselé de Brautigan. Il y a des histoires de filles, de solitude, d'enfance et de nostalgie, des trucs sur les filles et sur la Californie, sur la beauté de ce monde et des femmes au petit-déjeuner, sur la poussière qui nous enterre et sur nos vies qui se transforment en poussière. Bref, il n'y a rien. Et c'est justement ce « rien » qui m'en fait une lecture indispensable, le genre de trucs que j'aurais envie de relire dans un mois ou dans 6 ans trois-quarts.

Peut-être que du fait de mon grand âge, j'ai gardé au fond de mon coeur une âme beatnik pour apprécier ce genre de littérature, où chaque phrase possède la beauté d'un poème, où chaque ponctuation mystifie la chute, où un esprit malicieux et décalé flotte dans l'air comme cette odeur de café qui embrume le snack dans lequel je me suis réfugié pour lire ce recueil.

« Il y a dans le café l'odeur d'un petit déjeuner de quinze mètres vingt de long. »

[...]
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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« Je suis habité ce soir par des sentiments pour lesquels il n'y a pas de mots, et des faits qu'il faudrait expliquer en termes de poussières plutôt qu'en paroles.
J'ai examiné des petits bouts de mon enfance. Ce sont des morceaux d'une vie lointaine qui n'ont ni forme, ni sens. Des choses qui se sont produites comme des poussières. »

Ces quelques lignes reprennent intégralement un des textes qui forment ce livre inclassable. Il a pour titre « Poussières ». Et quand je l'ai lu, j'ai su que c'est celui qui convenait le mieux pour commencer ce billet. Disons que le point fort, c'est la référence à l'enfance comme énigme, car beaucoup de ces bribes de souvenirs, de rêves éveillés ou nocturnes, se situent pendant les premières années de la vie de Richard Brautigan. Et les images produites par la lecture sont très fortes, comme par exemple la vision de cette vieille dame achetant de la viande (du foie) pour nourrir des abeilles, « Le temps qu'il fait à San Francisco », ou par celle d'enfants égarés dans un vaste roncier couvert de mûres, « Automobiliste dans les mûres »

L'âge adulte n'est pas absent, avec ses errances, ses gueules de bois et ses ruptures mais ces textes là n'ont peut être pas la même étrangeté que ceux qui se situent dans sa jeunesse.

J'avais lu, il y a longtemps, «La Pêche à la truite en Amérique » et je n'y avais pas compris grand chose. le livre m'était tombé des mains. J'ai donc été surpris par l'intérêt que j'ai porté à « La vengance de la pelouse ». le ton de Brautigan, aujourd'hui, m'a paru réellement unique. J'ai évidemment changé, vécu, sans tenir compte du fait que j'ai pris la mesure, là aussi avec les années, que chaque relecture est réellement une autre expérience.

Je ne sais presque rien de la biographie de Richard Brautigan. Pour l'avoir survolée avant de rédiger ces quelques lignes, j'ai rapidement constaté que sa vie n'avait pas été de tout repos. Je préfère rester sur ces textes, avec leurs énigmes, plutôt que de tenter de démêler le vécu de l'inventé... Mais je reviendrai à cet auteur qui cette fois-ci m'a captivé.
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J'ai une impression mitigée à la lecture de ce recueil. Mais j'ai voulu à tort le lire d'une seule traite. Or c'est un recueil à picorer comme une anthologie de haïkus.
Il comprend soixante-deux courts récits autobiographiques (de une à sept pages) qui ont été écrits entre 1962 et 1970. Brautigan est un très bon conteur d'anecdotes saugrenues qui arrivent aux anti-héros , aux sans-grade et sans oseille de son entourage. La première , celle qui traite de la vengeance de la pelouse est formidable, merveilleuse, tendre, rigolote...Le problème c'est qu'elles ne sont pas toutes aussi réussies. Certaines, ben m'ont barbée. Mais il y a des pépites, toutes celles consacrées à son enfance, quand il chasse l'ours ou le daim, qu'il bombarde les Allemands avec sa soeur en particulier. j'ai bien aimé également les instantanés sur sa vie de beatnik californien, bien loin du mythe enchanté et summer love que l'on peut nous servir.
Bref sympathique mais inégal.
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Être élevé par une grand mère, contrebandière au temps de la prohibition, ouvre bien des horizons. Devient-on bandit ou évangéliste, pour autant ? Richard Brautigan a choisi une troisième voie, la dérision, mieux l'autodérision.

Porté par une enfance éternelle, il aura sur le monde le même sourire et le même étonnement, que dans ses moments de claire voyance, où il a vu par exemple, sa mémé plumer des oies ivres, ivres de s'être gavées du moût de l'alambic. "les oies se réveillèrent nues et désespérées, le regard fixe et abattu, comme dans les 1ères pub sur l'aspirine ».

Son grand père, gagné par la folie, a vu sa vie s'arrêter le 3 mai 1872 jusqu'à sa mort en1930.
Ainsi nanti d'une si belle généalogie, il "frappa de toutes ses forces aux portes de la littérature américaine" p34 .

Ces 62 courts textes, sont autant de souvenirs ordinaires, qu'une succession d'instants privilégiés où l'étrange maladresse du conteur réalise| l'accord du malheur et de la blague, "moi seul dans ce bus, n'avait pas trente ans, ils me regardaient fixement, je les regardais fixement,nous étions tous gênés et mal à l'aise".

Avec des accents de sincérité et même d'enthousiasme il évoque la belle Californie, qui accueille des millions de voitures, au point de faire de cette fine fleur "métallivore", qui laisse entrer les voitures comme les rayons du soleil, "un Taj-Mahal en forme de parcmètre, p36".


La Californie vu par Brautigan, c'est partir à la rencontre des paumés, des vieux et des "cloportes" , tous ceux qui passent leur vie à s'inventer d'autres vies, Brautigan les côtoie, "n'était le fait que les gens ont besoin d'un peu d'amour, et bon Dieu que c'est triste, parfois, de Voir toute la merde qu'il leur faut traverser pour en trouver",p172.

Brautigan glisse ici ou là des textes personnels sur les femmes, il y a toujours une pointe de nostalgie, une fraîcheur d'adolescent, même s'il n'est pas un séducteur, et une pointe d'humour qui lui ouvre des rencontres émouvantes et "c'est si beau quand elle s'habille",p174 » .
Parmi ces courtes rencontres, je pense à l'épisode du café, "à l'intimité qu'une tasse peut créer", p44 ou "ses vêtements se faisaient à son corps", magique !
Et encore, cette hippie, Clarence, "ses pieds ont froid sur le trottoir", de simples mots pour dire la détresse, P134.

Richard Brautigan se lit et se relit, car c'est subtil, ses mots sont choisis, son oeil est redouté , il pointe où ça fait mal.
Et pourtant n'est ce pas banal, de raconter la vie de tous les jours sans en avoir l'air, comme le simple dépôt d'un chèque de 10$, oui mais, il y a chez Richard Brautigan, l'étincelle, le court circuit qui change tout, l'art d'accommoder les restes comme les "poussières" de son enfance.
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Derrière les textes de Brautigan se cache sa sensibilité, même si j'ai été dérouté par certaines nouvelles que je n'ai pas su déchiffrer. Il faut bien sur les prendre au second, voir au troisième degré, mais même au centième degré je crois que je serai encore en train de chercher ce qu'il a voulu dire. Je reste malgré tout séduis par l'humanité que l'on ressent toujours au second plan. Les ballades aux côté de richard ( si je puis me permettre cette familiarité) sont toujours un réveil, un retour à la beauté de la simplicité dans tous les actes du quotidiens. Un hymne à la vie !
Il me manque déjà, à peine déposé le livre.
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Je n'avais quasiment pas entendu parler de Richard Brautigan avant de découvrir ce livre. La Beat Generation, je connais peu et cela m'intéresse moyennement. Mais j'ai découvert cet ouvrage, j'ai lu des avis sur Babelio et j'ai été convaincu. Et j'en suis ravi.

Ce livre est composé de 62 textes, parfois très courts, parfois de quelques pages. Rythme de lecture idéal pour moi : je le prends, je lis un ou deux textes et je les laisse infuser.

Ces courts textes parlent de tout et de rien. Mais toujours de l'auteur. Courtes autobiographies, instantanés d'un sentiment, d'une observation, d'un souvenir, d'un moment de vie. Petites photographies de mots, au style simple, mais en même temps plein d'images parfois extrêmement surprenantes, mais pour cela stimulantes : « un escalier en bois gris, comme une vieille mère chatte », « comme une fleur métallivore ». En plus, il n'hésite pas à s'adresser plus ou moins directement au lecteur : quand il ne trouve pas de début original à un texte, par exemple. Ce qui accroît le sentiment de proximité que l'on ressent en le lisant, même si la plupart des actions décrites (quand action il y a) se déroulent au milieu du XXe siècle et ont donc perdu de leur fraîcheur.

Dans La vengeance de la pelouse, Richard Brautigan parle de lui (enfant et adulte, indifféremment et sans effet de chronologie), de femmes (peu ont des noms), de sexe (souvent décevant, mais toujours simple), des autres, de pêche, de chasse aux daims (beaucoup), de la ville, de la guerre (à travers son expérience de jeune garçon). Et tout un pan de l'histoire des États-Unis remonte par petites touches devant nous. Comme des petites bulles qui éclatent dans notre esprit et nous font voyager dans le temps.

Je vais lire d'autre ouvrages de ce monsieur, c'est sûr.
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Je n'avais jamais lu Brautigan, c'était Raymond Carver qui en parlait sans cesse. Mais pour être franc, je crois que c'est plutôt en raison de la couverture avec Marilyn que j'ai fait mon choix. Je me sers un p'tit Whisky et je m'installe pour lire ce livre atypique, des courtes, très courtes nouvelles, d'une ou deux pages, parfois 4 ou 5, mais jamais beaucoup plus. Au milieu de sa vie, Brautigan fait le point. Un poil nostalgique, il raconte toute sorte d'anecdotes qui lui sont arrivées, principalement dans sa jeunesse, véridiquement plausibles. Il partage également des idées de roman, des débuts de roman qui ne verront jamais le jour. Des textes toujours très courts, sincères et souvent très drôles et tristes à la fois.

Pour une large partie, Brautigan se remémore différents moments de sa vie, avec une mise en perspective, grâce aux années qui ont passées. Quel oeil porter sur les adultes de notre enfance ?

Même si Brautigan nous raconte des choses intimes et anodines, sans réellement d'importance, c'est vrai que presque chaque texte m'a plongé dans mes propres souvenirs. Une page et me voilà à me remémorer mes appartements d'étudiant, célibataire. le lit à même le sol. La pôle de douche qui peut tomber à tout moment. Une planche trouvée qui sert de table. Mais surtout, j'ai le souvenir inoubliable où, tard la nuit, j'entendais jouir ma voisine d'en bas. Des petits cris doux et stridents. J'ai longtemps espéré la croiser dans l'escalier, et même qu'elle m'invite prendre un café.

Des courts textes déclencheurs de souvenirs.
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Je continue ma découverte de Richard Brautigan avec La vengeance de la pelouse après avoir adoré L'Avortement.

J'ai beaucoup aimé ce recueil de nouvelles, c'est drôle, poétique, absurde ….
J'ai adoré celle du Vieux bus, je m'y suis retrouvée mais d'une autre façon : être la seule personne dans le bus à lire à livre au lieu de regarder son téléphone. Les histoires liées à l'enfance et ses souvenirs de père sont très touchantes. Celles sur la nature sont très apaisantes ….

J'ai aimé son style d'écriture, les paysages, les personnages … Reste à choisir le prochain.
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Plutôt qu'à un recueil de nouvelles, c'est à une série de poèmes en proses que nous avons affaire ici. Une poésie brève, simple, pas très éloignée du haïku. Dans leur simplicité feutrée, les phrases effleurent les pensées harmonieusement. Brautigan possède ce talent, qui n'appartient qu'aux plus grands écrivains, de dire un maximum de choses en un minimum de mots. La nouvelle "L'effet Scarlati", pas bien plus longue à lire que son titre, en donne la démonstration la plus magistrale.

La douceur de ces textes s'accompagnent parfois d'amertume, signe de la nostalgie qui les hante, comme le fantôme de l'enfant qu'a été Brautigan. Mais l'ensemble est loin d'être déprimant pour autant. Il dégage plutôt une mélancolie assez proche du style de Ray Bradbury, dans un cadre moins fantaisiste (quoique pas toujours : lire "Les oiseaux sauvage du paradis" pour s'en convaincre).

Outre les trois premières lettres de leurs noms de famille, je trouve d'ailleurs que Brautigan et Bradbury partagent de nombreux points communs : cette nostalgie de l'enfance, un attrait pour l'Amérique rurale, et leurs prose si aérienne et réconfortante. Brautigan en était sans doute conscient, car la nouvelle "Hommage à la YMCA de San Francisco" comporte un… hommage appuyé à l'auteur de "Farenheit 451". En effet, le héros de ce récit, confronté à des recueils de poésie devenus vivants, s'exclame : "Je vais appeler les pompiers !" et se voit rétorquer : "brûleur de livres !"

Moi, je ne brûlerais ce livre-ci pour rien au monde.
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