C'est avec un peu d'appréhension et du bout des doigts que nous avons ouvert ce bouquin car la période Beat génération, contre-culture américaine, avec ses expérimentations furieuses et très souvent foireuses nous ont depuis lassées et c'est avec surprise que nous avons découvert un livre très sensible et surtout très accessible (ouf).
Dès les premières pages avec toutefois un petit temps d'adaptation plus long que d'ordinaire, on comprend que
Richard Brautigan ne nous sert pas de « truites »*
Adoncques (sic) le poète morbide déroule toute une litanie de micro-récits ou micro-nouvelles très fugaces, toutes plus originales les unes que les autres . Il y en a pour tous les goûts mais, toutes baignent dans une douce folie délicate: des coquettes, raisonnables, sensées, sensibles, morbides, loufoques, poétiques, américaines, nipponophiles pleines de douceurs et bien d'autres.
On ne sens pas, de la part l'auteur, la volonté d'être original à tout prix mais une nonchalance et naïveté dans ses pensées et observations qui sont données à voir telles quelles et qui semblent sorties dont on ne sait où.
En fait véritables « brefs » d'un pape de la contre-culture, de plus original et marginal au sein même de ce mouvement, de San Francisco
Pourtant derrière cette apparente décontraction on remarque un véritable travail d'auteur du bien ciselé surtout dans les chutes de ces micro-récits . de l'art froid avec effets manifestes
Brautigan nous présente donc un livre sous forme mezzés un peu de tzatzíki, de chich taouk, de batata harra qui constitue ici, non pas une entrée apéritive mais le plat principal tout au long duquel on va picorer insouciamment avec beaucoup de gourmandise et de dilettantisme .
Tout n'est pas parfait mais sur l'ensemble nous avons apprécié l'évanescence, et néanmoins une belle profondeur, de ces micro-nouvelles, petites météorites, qui se suivent sans se ressembler la dernière lue effaçant irrémédiablement celle d'avant comme les vagues. Après ce moment de grâce on a du mal a se sortir de la torpeur dans la quelle il nous a plongé et on se demande si on n'a pas rêvé. On comprend mieux du coup l'intérêt d'un T.B. Reverdy qui nous avait gavé de Brautigan dans son bouquin «les évaporés»
Bien il ne nous reste plus qu'à lire «
La pêche à la truite en Amérique » en espérant que cela soit un bon cru.
* «truites» dessins avec un poisson sur de petits bouts de papier, signés par Brautigan pour payer les créanciers accommodants.