Il avait perdu son avenir politique en se faisant arrêter pour conduite en état d'ivresse et récidive après avoir écrasé une vieille dame qui se brisa comme une boîte de cure-dents sous la patte d'un éléphant.Elle resta si longtemps à l'hôpital que lorsqu'elle en sortit elle était convaincue qu'on était au XXIe siècle.
Le seul vice qu'eut le vieux consistait à chiquer d'abondance. Cela faisait des taches sur sa longue barbe blanche, comme un jardin délicat composé d'un million de jonquilles minuscules et indistinctes.
Bientôt, du jus de tomate vint se mêler au jus de chique dans sa barbe, qui se mit à ressembler à un arc en ciel du pauvre
Je ne me doutais pas que je finirais très bientôt de la même manière.
Le petit garçon d'à côté prenait toujours grand soin de ses vêtements. Mes habits à moi, la plupart du temps, vous n'auriez pas pu dire si j'étais en train de les mettre ou de les enlever. Ils se situaient simultanément quelque part entre à moitié arrivés et à moitié partis.
On aurait dit un conte de fées qui fonctionnait gaiement au beau milieu du gothique ambiant de l'Amérique d'après- guerre, avant que la télévision ne fasse de l'imagination de l'Amérique une infirme et ne fasse rentrer les gens chez eux, leur interdisant de vivre leurs propres fantasmes avec dignité.
Le croque-mort avait une femme et une petite fille. Ils vivaient dans la maison funéraire, avec les morts. La petite fille était un an plus âgée que moi. Elle avait six ans et des mains très froides. Je suppose que de vivre dans une maison funéraire, cela donne aux gens les mains froides.
Je me demandais à quoi ressemblait sa vie là-dedans, avec tous ces gens morts qui allaient et venaient comme un grand vent obscur. Lorsque nous jouions ensemble, c’était toujours dehors. Je ne lui demandais pas si elle voulait venir jouer chez moi parce que j’avais peur qu’elle me demande de venir jouer chez elle.
Le soleil avait inversé son ennui ; l'intérêt qu'il présentait avait monté au moment où il amorçait la descente qui allait bientôt ouvrir les portes commençantes de la nuit, et le vent s'était éteint, faisant de l'étang une surface aussi lisse et calme que du verre endormi.
"J'attends, tout simplement, et c'est une façon d'attendre qui vaut bien n'importe quelle autre façon d'attendre si l'on considère, selon toute attente, que toutes les attentes se valent."
Je me suis rejoué bien des fois cette journée dans ma tête, comme si je faisais le montage d'un film dont j'aurais été le metteur en scène, le monteur, le scénariste, les acteurs, la musique, enfin, tout quoi!
J'ai un studio de cinéma gigantesque dans la tête et je n'ai cessé d'y travailler depuis le 17 février 1948. Cela fait maintenant trente et un ans que je travaille sur le même film. Je crois qu'il s'agit d'un record. Je ne pense pas arriver à le finir un jour.