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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Par erreur, j'ai lu la suite de cette BD - l'espoir malgré tout - avant celui-ci. C'est tout de même intéressant de revenir sur l'histoire d'Émile Bravo en découvrant l'origine de beaucoup d'éléments qui me questionnaient dans les 4 tomes de la suite de la série.
Et ils sont nombreux : Pourquoi Spirou s'appelle comme cela ? D'où vient Spip ? Comment se retrouve t'il a l'hôtel Moustic ? Pourquoi Spirou garde t'il sa tenue en continue ? Comment a-t-il rencontré Fantasio ? Ou a t'il rencontré sa petite amie ? Qui est-elle tout simplement ?? …
Un album qui voit aussi en toile de fond les tractations secrètes entre l'Allemagne et la Pologne pour éviter la guerre.
Bref, c'est un récit assez riche, avec de jolis clins d'oeil à l'univers de Spirou, un peu d'humour et beaucoup d'ingénu effectivement. La solution de Spirou pour éviter la guerre résume à elle seule le style de Spirou : bourré d'enthousiasme mais tellement naïf.
En tout cas c'est une revisite réussie de l'histoire de Spirou et Fantasio.
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Qui n'a jamais fait l'expérience délicieusement cabotine d'un retour en enfance ne pourra pas comprendre la jouissance occasionnée à la lecture du « Journal d'un ingénu ».
Ingénu : « qui a une sincérité innocente et naïve », le titre annonçait le programme. Pourtant rien de tout cela, le séquençage de l'album en 2 chapitres à la portée presque philosophique :
1. Comment la raison vient aux enfants ?
2. Comment la raison quitte les hommes ?
vient bousculer cette naïveté pourtant revendiquée.

Moustic Hotel. Bruxelles. 1939
Karl von Glaubitz, 1er secrétaire hautain et cassant du ministre allemand des affaires étrangères von Ribbentrop rencontre incognito ses homologues Polonais pour y imposer les vues allemandes sur leur pays, sur le point d'être envahi. Ces négociations perdent leur raison d'être quand on apprend que les soviétiques ont signé un pacte avec l'Allemagne : « plus rien ne peut empêcher la guerre ».
On découvre que Kassandra Stahl, soubrette de l'hôtel et premier amour subitement disparue de Spirou, serait membre espion du Komintern. Concomitamment, le palace accueille les amours cachés de la célébrissime Caroline Delastre et du mon moins fameux boxeur Alphonse Choukroune (clin d'oeil à Marcel Cerdan ?)
Fantasio, gentil crétin, poulbot longiligne et fantasque, est journaliste dans sa fonction la plus vil : coureur de scoops mondains. Entresol y est décrit comme une brute décalée.
Spirou, groom du palace et qui se projette comme reporter photographe, y est présenté comme victime naïf de la propagande capitaliste. On y découvre la genèse de cette tenue de groom ridicule dont Spirou ne se départira plus.
Les clins d'oeil affectueux et persifleurs à Tintin, « héros de la bourgeoisie », y sont courants. Car « c'est quoi être belge ? C'est boire de la bière ou du chocolat en lisant Tintin ? »
Les dessins sont magnifiquement conformes à l'univers Spirou. Magnifique
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Intelligence est le maître-mot de ces bandes dessinées. L'ensemble de l'oeuvre permet de comprendre aisément la genèse de la guerre 40-45 et le rôle des différentes nations. Spirou, ce jeune garçon, représente cette réflexion, cette ouverture d'esprit et cette curiosité que nous devrions tous posséder, bien qu'il ne soit pas facile de comprendre immédiatement ce que l'on vit. L'auteur montre bien qu'en temps de guerre chacun se dresse contre l'autre et qu'il est bien rare de rencontrer des esprits éclairés comme Monsieur Anselme. J'aime beaucoup Fantasio et je me demande s'il parait si niais qu'il en a l'air ? Petit pic sur Tintin au passage.
Cette BD est, à mon humble avis, accessible aux adolescents et aux adultes. Les illustrations et les textes sont de grande qualité. Je connaissais mal Spirou, c'est maintenant chose faite. En un mot, Bravo.
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Une vrai découverte. Emile Bravo a su redonner ses lettres de noblesse à ce classique.
Le dessin est sublime en puisant dans notre imaginaire et toute la culture de la BD Belge des éditions Dupuis. L'intrique est remarquablement scénarisée et les 5 volumes sont d"égale qualité.
Tous les personnages sont repris et subtilement humanisés.
Pour moi c'est sans conteste la meilleure surprise de ces dernières années en bande dessinée.
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Cet album nous montre comment est née l'amitié entre Spirou et Fantasio, pourquoi spirou porte toujours son costume de groom et on apprend également que Spip, son fidèle écureuil est loin d'être un simple animal de compagnie. Il va, on apprend à la fin, jouer un rôle non négligeable dans la vie de spirou et de bien d'autres.
Les clins d'oeil à Tintin me plaisent beaucoup.
Cet album mêle légèreté et gravité dans un contexte lourd. Il annonce la série "l'espoir malgré tout" que j'ai commencée et que j'adore aussi. Il me manquait le journal d'un ingénu pour bien saisir la genèse de ce spirou, voilà qui est fait et bien fait. J'adore.

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L'éveil des consciences.
Spirou, pilier de la bande dessinée franco-belge, n'est pas une oeuvre close sur elle-même, à l'instar du Tintin d'Hergé, créé en 1929, neuf ans plus tôt et jalousement conservé dans le formol par les ayants-droit depuis le décès de son génial auteur. Spirou et Fantasio sont passés par des mains talentueuses (Jijé, Franquin, Chaland, etc.). Son univers codifié s'est constamment enrichi. Plusieurs personnages en ont émergé et, en marquant leur époque, sont entrés de plain pied dans l'imaginaire collectif. A la série principale s'est adjointe, en 2006, la déclinaison « le Spirou de », des histoires en un volume, indépendantes de la série princeps, réalisées par des auteurs différents. En 2008, le talentueux Emile Bravo en réalise le quatrième volume, une oeuvre magnifique, confondante d'intelligence, de beauté, de pudeur et d'humour que l'auteur va ensuite continuer dix ans plus tard avec « Spirou ou l'espoir malgré tout », aventure en quatre parties soit quatre albums dont le dernier, en 2022, reste à paraître.
Aux abords vertigineux de la Seconde Guerre mondiale, le jeune Jean-Baptiste est à l'orphelinat de Saint-Pancrace d'où il se fait expulser arbitrairement car l'innocence est tentatrice donc coupable selon le père prêcheur. le rouquin vif, costaud et débrouillard est placé au Moustic Hôtel, à Brussels, pour devenir groom, sous la férule cinglante du portier Jean-Baptiste Entresol. Les clients chics et aisés fréquentent l'établissement. La couturière de renom Caroline Delastre en couple avec le champion de boxe Alphonse Choukroune y viennent en amoureux. le nazi arrogant von Glaubitz et trois diplomates polonais s'y rencontrent en terrain neutre pour s'entendre au sujet de l'avenir de la Pologne. Entre allées et venues, palabres et pourparlers, l'hôtel vit et frémit. Les personnages se croisent, échangent, échafaudent, des rêves, des espoirs, des amours, des cauchemars, des violences, la mort. Spirou, présent et invisible, recueille les coups et les confidences. Il découvre aussi les émois amoureux en approchant la jeune et belle soubrette Kassandra Stahl. Puis apparaît Fantasio, journaliste au Moustique, chasseur de scoop et gaffeur patenté. En cherchant des potins auprès de Spirou, les deux personnages finissent par se lier d'amitié.
L'histoire d'Emile Bravo dit bien plus en faisant sentir les atmosphères, saisir les attitudes, entendre les non-dits. Ses petites cases sagement disposées rayonnent de vitalité. le graphisme, marqué et vif est un trait d'union entre celui de Jijé et le Franquin des origines. La mise en couleur de Delphine Chedru apporte une patine « aussi belle que celle des siècles ».
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L'auteur nous emmène à Bruxelles en 1939 et nous présente Spirou jeune orphelin qui va travailler en tant que groom dans un hôtel. Il va bien malgré lui entendre les négociations entre l'Allemagne et la Pologne. Dans cette bd Emile Bravo nous raconte le début de la seconde guerre. Cette album est tout simplement magnifique et malgré le sujet grave qui y est abordée l'auteur à su garder un brin d'humour. un coup de coeur pour moi.
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Satané Emile BRAVO ! Cela commence en 2008 par une couverture cartonnée aux allures de drapeau belge... Spirou le groom à l'uniforme écarlate discrètement galonné de noir apparaît sur fond jaune doré, cerné par le Rouge et le Noir... Non, non, pas ceux de l'ami STENDHAL mais le Rouge pétard de milliers de Faucillettes et Martelets (& autres objets communistes staliniens contondants et tranchants) et le Noir désespérant des Svastikettes nazillonnes... Dans notre cas, on ne remarque tout cela qu'après bien du temps, d'ailleurs ! Spirou ou le destin de la Belgique, de l'Europe, du monde entier. L'années 1939 : celle où tout bascule.

Le prologue de 1938 à l'Orphelinat de Saint-Pancrace est magnifique de drôlerie cruelle sur seulement 5 pages fondatrices : les curetons y sont épinglés avec finesse (on planque sa "cave" à vin de messe dans le tabernacle... et l'on pense que l'abbé alcoolo aurait "des faiblesses" pour les p'tits enfants...). La Belgique catho trinque, donc ; sauf qu'elle s'occupe d'orphelins, quand même ! Donc, respect bien sûr... C'est dit en cinq pages décisives : le rouquin Jean-Baptiste (dit "Jean-Bapt") deviendra "Spirou" (Spip-Roux) en adoptant l'écureuil Spip de son copain René qui pissa allègrement dans la bouteille de vin du Père Albert (au rhinophyma puissamment pathognomonique) avant de se faire virer... Il est vrai que le Père a été tué (accidentellement) par la chute de la Croix du Christ en fonte... mais les apparences sont contre René ! Voilà comment tout commence...

Mais ne racontons pas trop...

1939 sera l'année fatale de la rencontre de l'ado Spirou et de cette grande asperge de journaleux (toujours bien sapé) de Fantasio travaillant au Quotidien "Le Moustique" (qui pique beaucoup, évidemment...), vantard magnifiquement perché et toujours en mal de "scoops"... C'est ça Bruxelles. Faut rigoler pour oublier la grisaillerie du temps et des temps, d'évidence un peu chargés en drames....

Où l'on apprend au fil des pages que les fantaisies de Fanta auront (en fait) un rien précipité le déclenchement de la Seconde Guerre dans les couloirs du (Cinq Etoiles) "Moustic Hôtel"... tout ça à cause d'un c...n de nobliau de nazillon à monocle répondant au patronyme de "Herr von Glaubitz" que Fanta nomme évidemment von Zorglub (car Fantasio est un peu oublieux) et qui n'acceptera évidemment pas les uppercut généreusement administrés... Une caricature d'Erich von Stroheim, bien sûr... mais sans l'humour ! Ces crétins de nazis aboyant ignoraient jusqu'à l'existence de l'humour. Emile Bravo connaît ça.

La technique de l'uppercut est une rude et belle leçon de "l'école de la rue" : celle que fréquenta le boxeur-star Alphonse Choukroune (tempéré par la couturière parisienne Mme Delastre, avec laquelle les ébats seront particulièrement bruyants derrière les cloisons du ***** Moustic Hôtel).

Dans ce Tome Zéro, cette grosse baderne d'Entresol (le chefaillon de Spirou) a les bajoues, les bacchantes et rouflaquettes du défunt Empereur Franz-Joseph... dont l'Empire austro-hongrois s'évanouit dans les brumes de l'année 1918... Entresol finira, lui aussi, TRES mal au cours du Tome I...

En début de la planche 33 (page 45), on reconnaitra même la silhouette du vendeur de la grande brocante permanente des trottoirs de Bruxelles sous les platanes ensoleillés : le même qui vendra la maquette du trois-mâts de "la Licorne" que Tintin offrira au capitaine Haddock...

Où l'ado Spirou s'amourache de la très jeune femme de chambre Kassandra Stahl (dont il ignorera longtemps le prénom, le nom et l'histoire) ; il lui fera connaître les joies de la promenade en barque (tels Franz Kafka et Gerti Wasner sur les eaux bleus de Riva del Garda au cours de l'été 1913) sur le petit lac aux amoureux du Bois de la Cambre...

Le dessin est beau, sobre, nerveux, le trait décidé... Il s'affinera et se nuancera davantage dans les trois Tomes qui suivront...

N'ayez donc pas peur : tout cela est TRES beau et puissamment original. L'histoire, les personnages, l'authenticité semblent s'inviter et s'inventer ici à chaque case, au fil des pages.

Osons même ici un solide clicheton : "Les dialogues sont étincelants" (Par contre, on laissera leur "Jubilatoire !!!" aux andouilles de journaleux parigots-moutonnants... [vaste pléonasme !])

Humour tendre, discret et merveilleusement insidieux à toutes les cases, verbe concis et précis, chatoiement des ocres de la coloriste Delphine Chedru.

Quatre-vingt pages magnifiques... Grand format. Vous savez, les fameuses éditions Dupuis de Marcinelle à Charleroi... Quelle grandeur de vivre ainsi les débuts d'une nouvelle Ere... Oubliés aussitôt, les Fournier, Tome et Janry, créateurs de "nouvelles aventures" et autres "P'tit Spirou" burlesques de surface...

Parlons ici d'une totale Renaissance "spiroutesque"... d'un Grand Oeuvre d'une profondeur inouïe, rafraichissante...

Mais précipitez-vous donc sur les critiques laudatives de nos petits & petites Kamarads babéliotes ! Ils vous raconteront des choses infiniment plus intelligentes et documentées que mes présentes fantasionneries...

La morale ? Vive Emile BRAVO, ce génie qui nous ressuscite ici l'éclosion miraculeuse du presque-cousin rouquin de Tintin reporter... comme au soi-disant "bon vieux temps" du petit père HERGE : mais Spirou l'orphelin est, à l'évidence un esprit "ingénu" qui se libérera peu à peu de ses chaînes mentales : l'antihéros-boy-scout, au fond...
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Je vous disais il y a quelques mois que Spirou était devenu au fil des années une sorte d'entité protoplasmique s'étalant dans toutes les directions, avec de plus en plus de nouveaux auteurs sous l'impulsion de son éditeur, lui et son univers s'apparentant plus que jamais au système de production étasunien. C'est d'autant plus vrai que la série principale est mise en pause depuis quelques années maintenant au profit d'une multitude d'autres plus petites, et que Yohann et Vehlmann ont repris leurs délires pulps des débuts en sortant un spin-off dénommé… Super Groom. J'attends toujours le crossover avec Houpette Man.
Émile Bravo, quant à lui, a signé chez Delcourt il y a déjà plus de dix ans pour un album dans la collection alors flambant neuve Une aventure de Spirou par… en parallèle de la série principale ; l'album était à l'origine le n°4, mais la numérotation ayant été abandonnée, je n'ai pas chroniqué (et même quasiment pas lu) les tomes précédents et ce volume peut tout à fait être pris comme un one-shot. L'objectif ? Retrouver le Spirou des débuts créé par Rob-Vel, mais avec la sensibilité toute particulière qui caractérisait les Épatantes aventures de Jules. Gamin, je n'avais pas compris grand-chose, ni même aimé disons-le franchement ; maintenant que je relis ce Journal d'un ingénu avec mes yeux d'adulte, j'y trouve un plaisir de tous les instants, qui sera certainement ma meilleure surprise de cette fin d'année.

Spirouge le révolutionnaire !

Spirou retrouve donc l'époque où il était groom au Moustic Hotel (bien qu'il semblerait qu'il y soit retourné depuis), celle de son créateur Rob-Vel où il se contentait de vivre des péripéties comiques en attendant le jour où Jijé et surtout Franquin viendraient en faire l'aventurier qu'on sait. Et qui dit genèse de Spirou dit aussi avant-guerre. Nous sommes donc en 1939, à l'époque où la Seconde guerre mondiale ne fait plus aucun doute. Pourtant des négociations secrètes ont lieu entre la Pologne et l'Allemagne pour tenter de calmer le jeu, et le sort a voulu qu'elles choisissent un hôtel particulier en Belgique… Je vous le donne en mille.
Mais tout ça est loin d'être une coïncidence car Spirou n'est alors qu'un M. Tout-le-monde ; c'est entre autres suite à ce qu'il va vivre dans cet album qu'il va se destiner à une vie plus trépidante. Adolescent naïf, il essaye de remplir correctement sa fonction de valet tout en aidant les gamins du quartier à ne pas se battre entre eux et en échappant aux corrections physiques du portier Entresol (oui, parce qu'on était à une autre époque). La pauvreté et toute cette effervescence font qu'il n'a jamais le temps de s'intéresser à la politique. Et ça tombe bien car il a une copine, une Wöke judéo-bolchévique qui pourrait bien y remédier…
La bombe atomique a eu des répercussions énormes sur les mangas ; de la même manière, depuis le lendemain de la guerre mais de plus en plus régulièrement, j'ai l'impression que le 9e art franco-belge se repenche sur les années 40 pour conjurer ses démons. En France, cela passe par l'énorme vague de BD adultes sur la Seconde guerre mondiale (la mère d'un ami m'a dit un jour qu'il n'y avait quasiment plus que ça !) ; mais en Belgique, on voit également les grands héros jusque-là apolitiques se repencher sur ses traumatismes. Tintin étant mort avec Hergé (puis zombifié par Moulinsart SA), c'est à l'autre figure de proue de la BD belge que revient le devoir de mémoire. Si Spirou a bel et bien servi de couverture à des résistants (avant de devenir après la guerre la vitrine d'un colonialisme décomplexé devant lequel Tintin au Congo a l'air d'un album de coloriage), ce n'est que depuis la fin des années 2000 que le Spirouverse commence à revenir avec recul sur cette période emblématique. Récemment, nous avons eu La Bête qui derrière son histoire de marsupilami décrivait le quotidien d'un enfant de tondue ; Une aventure de Spirou par… s'est vu offrir il y a quelques années par Yann et Schwartz le diptyque le groom vert-de-gris / La femme léopard où Spirou était résistant ; dans une veine plus pulp a également surgi un spin-off sur la jeunesse de Champignac contre les nazis. Aujourd'hui, nous nous penchons sur la version d'Émile Bravo. le contexte géopolitique est au centre même de l'intrigue ; il émane également des personnages, entre les différentes rivalités qui existaient au sein d'une Europe plus tendue que jamais. En Belgique, la BD n'est toujours pas prise au sérieux mais se trouve entre les mains de la droite dure voire extrême : c'est l'occasion de lancer des piques à Tintin, seul héros connu d'alors, marionnette de l'abbé Wallez et considéré comme un aventurier petit-bourgeois. Comme il est prolétaire, les communistes proposent d'ailleurs à Spirou de devenir un anti-Tintin au service du socialisme : « le rouge te va si bien ! ».
Alors que diverses intrigues s'entrelacent au Moustique Hôtel, les négociations secrètes vont de mal en pis. Spirou, au courant des bruits de porte, tente simplement de vivre sa vie et de satisfaire l'élue de son coeur. Et sachant que tous les archétypes de l'histoire d'amour sont cochés (rencontre par collision, promenade au parc), tout ça aurait pu donner une romance extrêmement mièvre ; seulement voilà, on a Bravo. La sensibilité du héros éclate comme jamais, impulsif mais loyal, toujours au service des plus faibles. En parallèle, sa copine qui a du caractère l'initie à la complexité de la politique et fait tomber au passage quelques préjugés chauvins ; le tout avec une certaine sensualité, tout à fait chaste mais ainsi encore plus tendre.
Tout ça nous donne 62 pages à la Bijoux de la Castafiore : très peu d'actes héroïques, une histoire qui tient moins de l'aventure que de la vie de tous les jours, énormément de situations comiques, mais tout ce qui n'est pas au service de l'action l'est pour approfondir les personnages. Et croyez-moi, on ne s'ennuie pas une seule seconde ! Les fusils de Tcheckov jaillissent avec une imprévisibilité croissante pour multiplier les situations tragi-comiques. le tout au service d'un message politique finement dilué, nuancé et sans prosélytisme : on n'est pas dans le délire débilo-régressif qu'était Spirou chez les Soviets (me faites pas dire ce que j'ai pas dit, j'ai adoré cet album). Bref, comme Tintin avant lui, Spirou prouve qu'il n'a pas besoin d'offrir un récit d'aventures pour faire de la BD populaire et de qualité.

Bon, c'est bien beau, tout ça, mais…

On a donc là un des meilleurs albums de Spirou à ce jour, mais le fait de placer son contexte dans la Seconde guerre mondiale revient poser une question qui cause des problèmes à toutes sortes de héros populaires : comment se fait-il qu'il n'ait toujours pas vieilli ? Logiquement, dans les nouveaux albums, Spirou devrait être aussi ridé que ma grand-mère ! Qu'ils s'appellent Fantasio, les Pieds Nickelés ou Riri, Fifi et Loulou, les héros ne changent bien souvent pas contrairement à leur époque ; si bien qu'un personnage de jeune des années 2020 peut tout à fait avoir connu le minitel. Et la cohérence de la saga Spirou est d'autant plus compromise quand on sait qu'à la même époque Champignac est censé être plutôt jeune, sans parler qu'avec la suite monumentale (300 pages !) qu'Émile Bravo a décidé d'offrir à ce Journal d'un ingénu, il y a des chances pour que l'on aboutisse à une histoire pas du tout raccord avec celle de Yann et Schwartz, censée se dérouler quelques années plus tard.
S'il fallait établir une chronologie canon de la vie de Spirou, on aurait assurément quelques problèmes : il faudrait virer d'office le Petit Spirou, par exemple (c'est censé se passer dans les années 20 et ils ont des téléphones portables !). D'autres albums proposant des origines fantaisistes au héros (exemple typique : Fondation Z) devraient eux aussi se faire virer ; mais ça devient franchement problématique dans la mesure où les BD de son créateur lui-même, Rob-Vel, risqueraient de sauter également ! L'idée qu'avec un peu d'eau-de-vie un dessin puisse devenir un être humain (comme diraient les Tortues Ninja) causerait en effet quelques problèmes de suspension d'incrédulité au lectorat moderne.
Au final, les aventures de Spirou forment un ensemble hétérogène dans lequel chaque nouveau dessinateur pioche un peu ce qui l'arrange. Mais est-il plus fautif que les super-héros étasuniens, qui doivent régulièrement être rebootés pour garder un semblant de cohérence ? Finalement, c'est le même combat : avec toutes ces BD éparses se recoupant plus ou moins, il ne s'agit plus tant de raconter la vie d'une personnalité aussi illustre que fictive que de créer un mythe moderne autour d'un héros et de ses alliés. N'empêche… Si l'on découvrait que Spirou et ses amis devaient leur jouvence éternelle à un traitement expérimental du comte de Champignac, je me dis que ça ferait peut-être un chouette album…

Conclusion

Quoi qu'il en soit, Spirou, le journal d'un ingénu est une merveille de tendresse et d'intelligence, déjà saluée comme elle le méritait par la critique mais curieusement boudée par la blogosphère (ça ferait un superbe article sur le Bibliocosme, je dis ça je dis rien 😛 ). On pourra s'amuser à trouver quelques faux raccords, mais de la part d'un dessinateur qui ne sait même pas faire correctement une perspective, ce serait l'hôpital qui se moque de la charité. J'ai pour ma part hâte de lire L'espoir malgré tout, cette fameuse suite coupée en pas moins de quatre albums. Et tant que j'y suis, je vais aussi lire le diptyque du Groom vert-de-gris, parce qu'après tout, c'est pour ma culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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Je remercie chaleureusement le blog Les Mots de Mahault pour sa recommandation suite à ma lecture de Pacific Palace, le Spirou de Christian Durieux. Et j'ai bien fait de suivre son avis très avisé car cette bande dessinée fut un sacré coup de coeur. Émile Bravo, entre autre auteur de « Les Grandes grandes vacances », nous propose une histoire sensationnelle.

Retour aux origines, on découvre la vie de ce petit orphelin qui est placé par le clergé comme groom au Moustic Hôtel. En souvenir de son meilleur ami qui lui a confié le petit écureuil, il se fait appelé Spirou et puis avoir le même prénom que l'irascible chef des groom, non merci ! Spirou est rapidement confronté à la dure réalité de la vie mais il garde toujours le sourire. Serviable, gentil, attachant, avenant, le sourire aux lèvres, il est aimé de tous. Spirou tombe sous le charme de la jolie femme de chambre. Alors que dans le salon privatif de l'hôtel se règlent des histoires bien sombres qui pourraient mettre en péril de nombreux citoyens. C'est ainsi que Spirou est confronté à sa toute première enquête et qu'il fait la connaissance incongrue de Fantasio, le journaliste excentrique qui ne manque pas de répartie, parfois tordue.

J'ai beaucoup apprécié l'univers de Émile Bravo. Un scénario qui ne laisse pas sur la faim et exploité avec beaucoup d'entrain. Les cases laissent la place aux bulles et dialogues complets rendant l'histoire accrochant et immersive. L'auteur/dessinateur met en parfaite évidence les traits des caractères des différents personnages, des touches de suspense ici et là, et entre autre des petits traits d'humour associés à l'incroyable Fantasio. le scénario est captivant avec une intrigue parfaitement menée. Dans ce premier tome, on retrouve l'ambiance d'avant la seconde guerre mondiale. J'ai passé un excellent moment de lecture trouvant le scénario et les personnages à mon goût. Je me suis laissée transporter avec bonheur !
Lien : https://lesmisschocolatinebo..
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