Chaque jour ramenait son lot d’anecdotes et nous nous exclamions devant le destin qui nous réunissait de nouveau. Notre plaisir de tous les instants était de réécrire la vie sous forme de chansons, de nous extasier en évoquant la nature qui exerçait sur nous ses multiples attraits : le murmure des ruisseaux, le bruissement du vent dans les feuilles, la valse des flocons, le silence de l’aube, le rougeoiement du soleil couchant, le frémissement des étoiles…
Un jour, je serai médecin. Je soignerai les blessures des gens. Je voyagerai dans tous les pays. Je gravirai les plus hautes montagnes. Je regarderai les plus beaux ciels étoilés. Je naviguerai sur des mers argentées. Je peindrai des couchers de soleil. Je marcherai en silence dans les forêts. Je chanterai pour changer le monde. Je planterai des mots dans la terre. Je cueillerai les plus jolies poésies…
Aux gens qui me posaient des questions indiscrètes, j’offrais en réponse un mutisme rempli de méfiance. Les livres, compagnons fidèles à mon esprit solitaire, me formaient à l’écriture et m’entraînaient hors du monde, loin des misères trop concrètes de mon quotidien. Puisque j’étais considérée comme l’intellectuelle de la place, les filles m’ont proposé un jour de raconter par écrit notre expérience.
Certes, apprendre les lois demeurait capital, mais les appliquer avec cœur et sensibilité me semblait encore plus important. Cette personne haut placée avait loupé sa chance d’effectuer un travail utile pour la société qu’elle prétendait servir. Et, là, perdu dans son monde froid et inhumain, l’homme examinait le dossier suivant. Il fallait bien être au palais de justice pour goûter à son contraire!
Je n’ai jamais aimé le bruit d’une porte qui se ferme derrière moi, surtout quand le son est métallique. Ce bruit, aussi bref soit-il, pénètre toujours plus fort dans mon ventre que dans mes oreilles. On dirait une explosion dans mes entrailles. Cette déflagration venait tout juste de se produire au tribunal de la jeunesse où j’allais passer devant le juge.