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Un racisme imaginaire
Pascal Bruckner (2017)

PB s'interroge sur l'accusation d'islamophobie qui traverse notre époque et muselle tout discours critique à l'égard de l'Islam en particulier dans les rangs de l'extrême gauche française. Tout se passe comme si la gauche, dépossédée de la lutte des classes et des grands combats qu'elle a menés au cours du XXème siècle, considérait désormais que les Musulmans étaient aujourd'hui devenus l'incarnation du Peuple opprimé. Cette religion s'est substituée, pour toute la gauche, au marxisme et au tiers-mondisme qui ont disparu. Pour Emmanuel Todd elle est « la religion des opprimés » ce qui est d'autant plus absurde que certaines nations musulmanes sont les plus riches du monde. Pascal Bruckner nous rappelle qu'au XXème siècle, une large partie de l'intelligentsia française a pactisé avec le totalitarisme stalinien : dans les années 50 à 70, il n'était pas possible de critiquer la Russie. Plus tard, on a remplacé l'admiration béate et sans recul pour le communisme de Staline par une adoration sans esprit critique pour le maoïsme. Aujourd'hui les intellectuels de gauche pratiquent la même fascination et le même déni pour l'islamisme, absous d'entrée de jeu. Il existe un point de convergence entre l'extrême gauche (voire même certains bobos) et l'islamisme radical : la volonté de détruire la société dans laquelle ils vivent.
Le politique a été remplacé par l'ethnique. L'antiracisme fonctionne comme un marché en pleine expansion dans lequel chaque groupe veut exister en référence à une blessure initiale qui le singulariserait. L'antiracisme aujourd'hui est poussé jusqu'au sacrifice de soi.
Toutefois, la célébration de la diversité est inapte à constituer un socle commun sur lequel bâtir une nation cohérente et la louange sans réserve des particularités culturelles cache, au fond, un paternalisme bien proche du paternalisme colonial. La culture de l'excuse est omniprésente et permanente (Voir les élucubrations de Geoffroy de Lagasnerie au sujet des tueurs de terrasses le 13 novembre 2015). Pourtant, l'ami des « opprimés » fait preuve à leur égard d'un paternalisme condescendant : il leur interdit l'autonomie en les privant de la responsabilité de leurs actes.
A contrario tout s'articule autour d'un remords collectif postcolonial assaisonné d'un goût immodéré pour l'exotisme.
Curieusement, à notre époque, la religion s'est transformée en « race ». « Parler d'islamophobie c'est entretenir la confusion entre un système de croyances et les fidèles qui y adhèrent ». Alors que, contester une religion, ses dogmes et ses rites est indissociable de la vie intellectuelle. On se prive de cette pensée critique dès qu'il s'agit de l'Islam que d'aucuns voudraient sanctuariser. Or, si l'on ne devait jamais critiquer une religion pour ne pas froisser ses adeptes, l'humanité n'aurait pas évolué.
Le mécanisme qui préside à la bataille des antiracistes est un mécanisme d'inversion et de transformation en équivalences. Ainsi on compare le niqab à la minijupe, on absout les agressions sexuelles à Cologne au nom du viol supposé des femmes Allemandes par les soldats russes à la Libération. Et les mêmes qui se plaignent de la restriction des libertés en Occident se réjouissent de phénomènes inverses lorsqu'ils viennent des musulmans.
On assiste aussi à ce que l'on pourrait qualifier de « concurrence victimaire ». Il s'agit de remplacer l'antisémitisme par l'islamophobie. Absurdement, la Shoah est devenue un objet de convoitise et de nombreuses nations cherchent à se construire à partir d'une catastrophe fondatrice (génocide de 1945 pour les Arméniens, Grande famine de 1845 à 1852 pour les Irlandais, Nakba pour les Palestiniens, extermination des Tutsis pour le Rwanda….etc.)
L'affliction donne des sortes de « droits » ainsi qu'une posture morale inattaquable. La victimisation devient ainsi « la version doloriste du privilège ». Cette concurrence entre les victimes se heurte à l'histoire et les victimes ont tendance à considérer qu' « on en fait beaucoup trop » autour des juifs. Il faut alors montrer comme le fait Dieudonné par exemple, que l'esclavage est un crime bien supérieur à l'holocauste. Cette concurrence jugée déloyale entre les juifs et les autres victimes suscite de la haine, qui pour échapper à l'accusation d'antisémitisme, va s'incarner en antisionisme virulent.
En fait, il pourrait sembler tout à fait légitime de craindre la radicalisation islamiste dans un pays qui vient de subir plusieurs attaques mortelles. Mais dire cette crainte devient impossible sans être traité de fasciste. La peur de la condamnation morale, par un système d'autocensure des médias et des intellectuels finit par rendre ces derniers complices des exactions. L'intégrisme a d'ailleurs bien compris le processus : il s'appuie sur la culpabilité des occidentaux pour imposer son pouvoir naissant.
Or, le raisonnement qui associe les attentats à des sociétés occidentales qui seraient allergiques à l'altérité ne tient pas debout puisque les attentats sont beaucoup plus nombreux et meurtriers dans les pays musulmans. Tout ce qui était remarquable dans la civilisation islamique classique est sauvagement anéanti par les troupes de l'Etat islamique.
Préserver des enclaves communautaires en France, c'est dénier aux membres des minorités le droit d'être débarrassés des pressions exercées sur eux par les communautés elles-mêmes. « le multiculturalisme est ainsi revenu à gauche : voilà chaque être humain prisonnier de ses conditions de naissance, ligoté dans sa religion devenue, comme la couleur de la peau, une barrière infranchissable ».

Par ailleurs, on assiste à une fascination d'une partie de la jeunesse pour le fanatisme, la violence, la mort et le crime. Comme si, l'aspiration à la liberté totale recherchée par les soixante-huitards, avait mené à l'adoration d'une autorité absolue. Cependant, chez les jeunes, la tentation de l'islam radical n'est pas forcément liée à la spiritualité mais plutôt à un besoin de reconnaissance et d'appartenance. « Contradiction des modernes : ils souhaitent à la fois la liberté de penser par eux-mêmes et le viatique d'un catéchisme qui les en délivre en leur imposant des commandements. L'observance maniaque des rites, les cinq prières, le jeûne n'atteste pas toujours d'une véritable implication spirituelle. Elle relève souvent de la chaleur utérine de la communauté, d'un conformisme de masse, pas d'une profondeur mystique. »
PB préconise de revenir au bon sens : la démocratie présente des qualités qui n'existent dans aucune autre forme de gouvernance : on ne tue pas, on ne met pas en prison des adversaires idéologiques. Les sociétés occidentales, au fond, sont taraudées par les scrupules, les remords, les doutes. Cela les mène à la haine d'elles-mêmes. Elles en oublient leur grandeur et les vertus de leur civilisation.

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J'ai lu ce livre car il est islamophobe (du moins on pourrait le juger ainsi). Mais il a d'islamophobe ce qu'il y a de plus beau : le refus de se laisser intimider par les idéologies politiques et religieuses, le refus de fermer les yeux, le refus de l'interdiction de penser, d'analyser et de critiquer.

Face à ces arguments historiques, religieux, politiques, et l'actualité, l'idéologie islamophobe ne tient pas.
Je suis toujours Charlie.
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Une excellente réflexion sur ce poison qu'est la notion d'islamophobie, qui victimise d'emblée les musulmans et paralyse toute opposition aux méfaits et revendications illégitimes.
L'Occident, par haine de soi, est son propre ennemi. Pascal Bruckner organise et exprime des idées cohérentes, qui paraissent évidentes à qui n'est pas embourbé dans un aveuglement intellectuel de post-colonialiste et d'Européen débauché.
C'est limpide, implacable...
A lire d'urgence , même s'il est à craindre que les ignorants préfèreront rester dans leur masochisme occidental.
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Ce livre de Pascal Bruckner est parfait, même si certains ne l'aimeront pas. Il me semble naïf et même impossible de nier que Pascal Bruckner maîtrise parfaitement le sujet. le livre est parfaitement documenté avec toutes les références nécessaires.

Il traite le problème de l'islamophobie... et comme le titre le dit, un racisme imaginaire.

Il faut bien distinguer de quelle population de musulmans il s'agit, et bien sûr, ce sont les extrémistes.

Bien sûr qu'il peut avoir parfois de la discrimination envers les musulmans en général, mais ce sont des généralisations. Pascal Bruckner parle parle surtout des extrémistes, les salafistes ou las wahhabites, même si parfois il estime que les musulmans modérés auraient pu condamner plus fermement les extrémistes.

Pascal Bruckner montre le lien de symbiose entre ces musulmans extrémistes et l'ensemble des mouvements progressistes d'extrême gauche, les islamo-gauchistes, les indigènes, les anti-racistes, les anti-colonialistes, etc...) et le soutien apporté par certains intellectuels de gauche.

Il trace l'historique plus ou moins récent de ces musulmans radicaux, depuis Hassan el-Banna, fondateur des Frères musulmans et oncle de Tariq Ramadan.

On passe aussi par l'expansionnisme des musulmans radicaux, pour qui leur foi est la seule valable, étant exclues toute autre foi, y compris celle des musulmans modérés. Pour ces radicaux, aucun espoir de repenser ou moderniser le Islam, comme était une proposition de Malek Chebel (il n'en parle pas de Malek Chebel).

Mais ce livre n'est pas une charge contre le Islam puisque les derniers chapitres il évoque apprendre à vivre ensemble comme la seule possibilité de s'en sortir même si, je pense, un but difficilement atteignable pour les radicaux.



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L'islamophobie n'est-elle qu'une méthode pour se voiler la face ? C'est ce que pense Pascal Bruckner et ce qu'il démontre dans un petit livre presque convaincant. Sa thèse ? On tolère chez les musulmans ce qu'on reproche aux autres. Qui, on ? La gauche. Pourquoi ? Par sympathie pour les classes opprimées. Exemple ? La condition féminine : partout ailleurs, on dénonce le patriarcat ; chez les musulmans, on invoque la liberté pour accepter le voile intégral, le burkini et le rabaissement des femmes au niveau de propriété de leur mari. Avouons que cet argument semble tenir le coup. Pourtant, ce livre crée un malaise, car les musulmans – contre leur gré, parfois en tendant le bâton pour se faire battre – sont bel et bien discriminés. Où se cache le malentendu ? Comme toujours quand on se mêle de religion, il se situe dans la confusion entre la croyance et les croyants, dans la dénonciation comme une insulte contre les personnes toute critique de leur religion, voire tout manquement à ses préceptes. En démocratie, a-t-on le droit de représenter le Prophète ? Pour Bruckner (et pour nous), la réponse est évidente : oui, en démocratie, on a le droit de ne pas se soumettre aux lois des religions, de les remettre en cause et de les renier. La critique de l'Islam est nécessaire face au raidissement parfois meurtrier de cette religion. Elle doit se faire néanmoins dans le respect des croyants. Où se situe la limite entre la critique et l'insulte ? Sur un tel sujet, il faut être conscient qu'on marche forcément sur des oeufs, mais il faut aussi – c'est le message fondamental et incontestable de ce livre – tout faire pour ne pas renoncer à nos principes, en particulier celui de liberté.
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La démonstration de Pascal BRUCKNER est d'actualité. Il remonte le fil de l'histoire des religions en général et l'islam en particulier.
Très facile à lire.... Mais après chaque chapitre, j'ai dû faire une pause pour digérer les informations.
Il démontre l'imposture du retour du religieux et du fanatisme dans un pays laïc et libre telle que la France.
Ce livre devrait être mis entre les mains des musulmans qui doutent de notre culture, notre religion ou absence de religion
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Il y a eu Camus, Sartre, Beauvoir et quelques autres. Aujourd'hui, en France, les vrais intellectuels ne sont plus médiatisés. A la place, on a droit à Pascal Bruckner. Un vrai signe de la décadence de la culture française.
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Simple et efficace, c'est un angle de vue qu'il faut prendre comme tel.
Un régal ce livre, un grand bol d'air devant ces effluves racistes, communautaristes et populistes ambiantes.

cet essai vaut on pesant de cacahuètes, un titre un peu raide pour un ode au vivre ensemble.

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