Une lecture très tonique en dépit d'un sujet douloureux. le mérite de de récit filial est que l'auteur évite le sordide règlement de comptes avec un père à la personnalité difficile ; transforme cette relation au père , si décourageante et négative, soit-elle… en une construction positive ; Que ce père soit raciste, antisémite obsessionnel, il y a aussi les moments de répit, de souffle d'un père et grand-père qui peut être aimant et attentionné.
Les thèmes m'ont fait songer à une autre autobiographie, plus sombre, plus douloureuse qui est celle du peintre Gérard Garouste, avec « L'Intranquille »…le fils choqué et culpabilisant sur les idées antisémites de son père , souffrira de dépressions intenses , et même au-delà… La souffrance et la culpabilité seront transformés à travers l'Art et la peinture ainsi que par le soutien indéfectible de l'épouse de l'artiste.
Le récit de Pascal Bruckner est plus « léger », plus distancié… avec des moments certes, de découragement et d'exaspération croissants du fils… mais au bout du compte ce fils se construira « Contre »… grâce à cette phénoménale opposition au Père…
l'extrait suivant que j'ai choisi donne le ton de l'ensemble de cette autobiographie :
Les pères brutaux ont un avantage: ils ne vous engourdissent pas avec leur douceur, leur mièvrerie, ne cherchent pas à jouer les grands frères ou les copains. Ils vous réveillent comme une décharge électrique, font de vous un éternel combattant ou un éternel opprimé. le mien m'a communiqué sa rage: de cela je lui suis reconnaissant. La haine qu'il m'a inculquée m'a aussi sauvé. (p.17)
« Je n'ai qu'une certitude : mon père m'a permis de penser mieux en pensant contre lui. Je suis sa défaite : c'est le plus beau cadeau qu'il m'ait fait. » (p.251)
« le doigt de la sorcière s'appelle les liens du sang, les lois de l'hérédité, le poids de la mémoire, de la génétique, qu'importe l'explication que l'on donne, ce doigt me retient et fait de moi, quoi que je veuille, toujours un fils et un fils de. S'émanciper, c'est s'arracher à ses origines tout en les assumant. » (p.186)
Un livre qui évite tous les écueils des larmoiements ou ressassements accusateurs… pour rester dans l'amour de la vie, des autres et de l'écriture. Un texte plein d'humour , de dérision et d'auto-dérision …
regorgeant au-delà des souvenirs pesants, de « joyeusetés »…
Ce récit en dépit de ces rapports père-fils éprouvants, sombres, est un texte relativement apaisé, où l'auteur répète qu'en réaction à toute cette haine , cette agressivité contenues dans son père, il a choisi, construit son chemin personnel aux antipodes . Il a développé un désir démultiplié d'apprendre, de connaître, d'expérimenter, d'aimer doublement les gens , l'existence, de prendre des engagements contraire à tout le poison idéologique distillé dans son enfance et adolescence…. de se construire son univers par l'écriture et ses rencontres personnelles dont un mariage avec une compagne de confession juive !!!
« le monde est un appel et une promesse : il y a partout des êtres remarquables, des chefs d'oeuvre à découvrir. Il y a trop à désirer, trop à apprendre et beaucoup de pages à écrire. Tant qu'on crée, tant qu'on aime, on demeure vivant. «
Autobiographie de Pascal Bruckner.
De lui je n'ai lu qu' "un petit mari", qui ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. C'est donc quelqu'un que je ne connais pas plus que ça.
Et dès le début ça démarre très fort. Petit garçon élevé dans la tradition catholique, il adresse des prières pour que son père décède. Faut dire que le papounet y va fort, on pourrait résumer par : un gros con. Violent, antisémite, raciste, il tape sur sa femme, son fils aussi, parfois c'est juste pour soulager une journée trop chargée. Son attitude forgera le caractère de son fils et celui-ci deviendra en tout son opposé.
Malgré toute cette violence, on ressent tout au long du livre un certain amour de la figure paternel. L'écriture est débridée, empreinte de pudeur et de sensibilité, l'auteur visiblement ne cache rien. Un livre qui n'est pas un règlement de compte mais qui est plus un bilan pour faire le point sur le passé peut-être tout simplement pour mieux l'évacuer.
Certains ont espéré, enfant, être adoptés pour rejeter et nier la filiation douloureuse dont ils sont issus. D'autres, comme Pascal Bruckner, âgé alors de 10 ans, à même prier pour que son père meurt.
La filiation de Pascal Bruckner est très douloureuse, elle ressemble beaucoup à celle de Gérard Garouste qu'il décrit dans: L'intranquille, autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou.
Tous deux auront eu un père violent, colérique et antisémite. Évidemment, leurs parcours respectifs vont laisser des séquelles irréparables. Garouste en devient fou, il est sauvé par la peinture, Bruchner par l'écriture.
Pour moi, Pascal Bruckner se met courageusement à nu dans ce livre. Car bien sûr, il a aussi une mère qu'il va voir s'humilier, se faire violenter et se sentir coupable.
C'est un des noeuds fondamentaux dans ces tragédies familiales, on se sent coupable et il faut des années pour sortir de ce cercle infernal.
Pascal Bruckner énonce aussi dans ce roman son parcours intellectuel, ses pairs qui l'ont aidé à se forger. J'aime beaucoup ces remarques et ses analyses pertinentes sur nos " erreurs de jeunesse", nos emportements don't aura raison notre "vieillesse"
En lisant ce livre, et même il s'agit d'une relecture, j'ai eu beaucoup de tendresse pour ces enfants " maudits" que certains ont été et leurs parcours néanmoins réussi à l'âge adulte.
Reste le titre: Un bon fils", faut-il encore se justifier aux yeux du père ?, des autres ?
À rapprocher aussi du titre de Laurent Seksik : Un fils obéissant.
La culpabilité dévore et rogne l'esprit.
Cinq étoiles... mais, je l'admets, accordées plus subjectivement qu'objectivement, étant trop impliquée pour juger avec le recul qui s'impose.
Egalement enfant unique, même génération, "même" père, mêmes idéologies extrémistes...
Même ressenti, mêmes contradictions, mêmes ambiguïtés dans les sentiments...
Je suis entrée dans ce livre comme on entre en thérapie.
Psychothérapie que je n'aurais, d'ailleurs, jamais sollicitée. Dans un premier temps parce que j'ai tendance à nourrir une certaine méfiance envers tout ce qui commence par "psy". Dans un second, parce que je pense que l'on ne peut comprendre vraiment certaines situations que lorsqu'on les a vécues de l'intérieur et que tous les lieux communs, plus ou moins "guimauve", dont vous assènent ceux qui n'ont qu'une vision théorique de la chose sont aussi stériles qu'accablants.
Soixante ans que je me débats dans cette confusion et Pascal Bruckner vient, enfin, d'y apporter un éclaircissement salutaire.
En effet, on s'expose à la critique en formulant son désamour quand on n'a pas été enfermé dans un placard, torturé, abandonné... situations tragiques où narrer sa douleur est acceptable car les "cicatrices" sont visibles.
Pourtant, je le cite : "Les vraies blessures sont verbales, les jugements négatifs, les vexations qui s'inscrivent en vous en lettres de feu. Mon père voulait absolument me persuader de mon infériorité."
Le mien a failli faire une crise d'apoplexie le jour où, en réponse à ses insultes et reproches, je lui ai annoncé en toute sérénité : "Je ne te dois rien, Papa. Je ne t'ai rien demandé. Ne te fatigue pas à déverser tout le mépris que tu as pour moi. Je connais tout ça par coeur et ça ne m'atteint plus. Ton entreprise de démolition est arrivée à son terme."
Tout comme l'auteur, je ne ressens à son égard ni haine ni colère. Juste de la résignation après avoir tenté tout ce qu'il m'était possible d'espérer. Et, paradoxalement, de la reconnaissance aussi, car il m'a inculqué le goût de la lecture, de la musique classique, du jazz, des bons vins... éléments non négligeables dans ma construction personnelle.
Aucun être n'est ni foncièrement bon ni foncièrement mauvais. C'est ainsi. Mais il faut cependant avoir la sagesse de renoncer à changer les rayures du zèbre.
"Je n'ai qu'une certitude : mon père m'a permis de penser mieux en pensant contre lui. Je suis sa défaite, c'est le plus cadeau qu'il m'ait fait."
Merci, Monsieur Bruckner d'avoir osé ce courageux témoignage.
Ce faisant, vous vous êtes exposé, et certains y ont vu le déballage d'une intimité familiale dont il eût été séant que vous vous absteniez. Je suis, pour ma part, heureuse que vous l'ayez, au contraire, partagée.
Et, vu que je viens d'en faire de même avec ma critique, je m'en excuse par avance auprès des personnes qui, à juste titre, pourraient la juger déplacée.
Fin de ma thérapie.
"Il est l'heure d'aller dormir. Agenouillé au pied du lit, la tête inclinée, les mains jointes, je murmure à voix basse ma prière. J'ai dix ans. Après un bref recensement des fautes du jour, j'adresse à Dieu, notre Créateur tout-puissant, une requête. Il sait comme je suis assidu à la messe, empressé à la communion, comme je L'aime par-dessus tout. Je Lui demande simplement, je L'abjure de provoquer la mort de mon père, si possible en voiture. Un frein qui lâche dans une descente, une plaque de verglas, un platane, ce qui Lui conviendra.
« Mon Dieu, je vous laisse le choix de l'accident, faites que mon père se tue. »"
Quelle entrée en matière ! Quelle violence !
De quoi s'indigner : quel monstre est donc ce fils ? Mais on va rapidement comprendre que le monstre n'est pas celui que l'on croit.
Enfant, Pascal Bruckner a tout eu : coups et réflexions humiliantes de la part d'un père antisémite, raciste, manipulateur, pervers, violent... Haïssable à tous points de vue.
Comment s'étonner alors que le petit garçon prie tous les soirs pour la mort de celui qui le martyrise ?
Pascal Bruckner est ce que son père a fait de lui. Enfant, il s'est construit contre celui qu'il nomme le Tyran, le Despote, le Souverain, ou le Caractériel ; adulte, il a réussi à prendre du recul et a su avancer dans sa propre vie. Mais que de souffrances pour en arriver là !
Dans cette autobiographie, Pascal Bruckner ne se limite pas au personnage du père et son récit est riche d'événements et de réflexions que j'ai trouvées très intéressantes et qui en font le témoignage d'une certaine époque.
J'ai également été touchée par l'évocation de sa rencontre avec Alain Finkielkraut et de la relation amicale forte qui le lie à tout jamais avec celui qu'il appelle son "frère d'encre".
Arrivé en fin de lecture, on comprend parfaitement la prière du petit garçon des premières pages et l'on ne peut qu'être en totale empathie avec lui.
S'il s'agissait d'une fiction, cet ouvrage serait drôle parce que l'auteur met beaucoup d'humour et d'ironie dans son récit, mais savoir que ce qui est raconté est vrai rend le tout nettement moins amusant.
Comment grandir avec un tel père ?
Entre souffrances physiques et morales, comment se construire ?
Sans parler de la culpabilité.
Oui, culpabilité, car par un effet pervers bien connu les victimes de ce genre de violences ressentent de la culpabilité et se disent consciemment ou inconsciemment qu'elles doivent mériter ce qui leur arrive. Et s'ajoute ici celle de ne pas avoir su protéger sa mère, victime elle aussi.
Terrible. Quel poids énorme sur les épaules d'un enfant !
« Rien de plus difficile que d'être père : héros, il écrase de sa gloire ; salaud, de son infamie ; ordinaire, de sa médiocrité. » Oui, être père est difficile et d'une façon générale, aucun parent n'est parfait. Mais dans l'échelle des notations, le père dont il est question ici se situe tout en bas.
Pascal Bruckner garde certainement des séquelles de ce qu'il a subi, mais il a su se libérer à travers sa vie intellectuelle et "réussir" d'une certaine façon, si tant est que cette expression ait un sens.
Nombre de ceux qui ont vécu les mêmes horreurs que lui n'ont pas un destin aussi favorable, et dans notre société nous devrions faire de la lutte contre l'enfance maltraitée une priorité absolue.
Défendre les plus vulnérables est un impératif moral et l'on ne rappellera jamais assez le 119, numéro de téléphone de l'enfance en danger, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.
![]() | LaPresse 11 juin 2014
Dans son nouveau livre très personnel, Pascal Bruckner rompt le silence et dévoile son enfance à l'ombre d'un père antisémite, nazi et violent. Un récit cru et difficile pour celui qui estime que la Seconde Guerre mondiale est le «grand roman familial français».
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![]() | Lexpress 05 mai 2014
Dans Un bon fils (Grasset), Pascal Bruckner évoque son impossible père, pronazi et violent, dans un portrait sans pathos. Et sans fiel. Une famille "bilingue français-antisémite".
Lire la critique sur le site : Lexpress |
![]() | Bibliobs 30 avril 2014
Pour la première fois, l'essayiste et romancier Pascal Bruckner parle de son père, qui battait sa femme et haïssait les juifs. Vertigineux.
Lire la critique sur le site : Bibliobs |
![]() | Bibliobs 15 avril 2014
Presque quarante ans après son premier livre, l'auteur de «Lunes de fiel» signe enfin celui qui les explique tous. «Un bon fils» (Grasset, 18 euros) est un implacable précis de décomposition.
Lire la critique sur le site : Bibliobs |
En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.