C'est un très bon roman, autant vous le dire tout de suite. Seulement, je ne l'ai pas lu au bon moment. Il faut savoir qu'il est noir, sombre, tragique, que l'espoir n'est jamais au rendez-vous, que l'intolérance, par contre, est bien présent, la désespérance aussi. Que peut attendre le lecteur quand on enquête sur le meurtre d'une enfant, dont on retrouve le corps 26 ans plus tard si ce n'est ce sentiment ? J'ai pensé à
La souris bleue de
Kate Atkinson, parce que le lieu (l'Angleterre) et le thème (retrouver le corps d'une enfant portée disparue) sont les mêmes. Les styles sont différents, mais la qualité, de l'intrigue, de l'analyse sont identiques et nous entraîne dans un puits sans fonds de douleur et de noirceur.
Personne ne peut sortir indemne d'une telle intrigue. Erika Foster est vue comme asociale par les autres policiers, son supérieur dit même qu'elle peut se montrer "débile" dans sa vie personnelle, elle qui interprète mal les actes de ceux qui l'entourent, qui a autant de mal quand ses proches sont loin d'elle que quand ils sont tout prêts. Oui, Erika peut parfois, même pour le lecteur le plus indulgent, être antipathique. Personne ne peut cependant dire qu'elle n'est pas acharnée à mener à bien les enquêtes qui lui sont confiées, même si, parfois, elle est sans illusion, notamment quand elle arrête un dealer et qu'elle sait qu'il sera très prochainement remplacé par un autre. Oui, contrairement à son supérieur, elle n'attend rien des révélations de ce jeune homme, et préfère se plonger dans cette enquête, qui a coûté cher à celle qui l'avait en charge à l'époque.
Tout est détruit, pourrait-on dire. La famille de Jessica a explosé, et la découverte de son corps est pire encore. le père a refait sa vie, loin, il a de nouveaux enfants. La soeur aînée est mariée, a des enfants, et doit soutenir une mère qui a complètement perdu pied. le frère, par contre, a totalement ma sympathie : il n'a que peu de souvenirs de sa soeur, il n'avait que trois ans quand elle avait disparu, il est aujourd'hui en couple, heureux, avec un jeune homme, et lui aussi veut comprendre. Par contre, il est sans illusion sur l'acceptation de son homosexualité par sa mère, catholique fervente, pour ne pas dire intégriste. Face au comportement trop souvent imprévisible de sa mère, il est le seul à garder la tête haute.
Il faut donc reprendre l'enquête, avec le corps, certifiant ainsi la mort de Jessica, et avec les séquelles de l'enquête précédente, qui coûta le poste de la précédente enquêtrice, d'énormes dédommagements à la police eu égard au préjudice subi par un suspect : ne jamais faire justice quasiment soi-même, ne jamais s'attarder sur des idées préconçues, sur des évidences. Soyons clair : les enquêteurs eux-mêmes n'y vont pas nécessairement par quatre chemins pour obtenir ce qu'ils veulent, ils n'iront cependant jamais aussi loin que ceux qui ont peur. Oui, la peur est bien présente : la peur de perdre ce que l'on possède, la peur de voir la vérité découverte. La peur aussi pour les siens : ceux qui ont peur sont prêts à tout, même à faire n'importe quoi, et tant pis pour les conséquences - pour les autres.
Un livre réussi, mais sombre.