Pour Wang Lung, jeune paysan de la province chinoise d'An-Hoeï, la bonne sueur versée sur son lopin de terre est l'unique moyen de subsistance qu'il trouve honorable. Seule la terre est à même de porter son fruit, de lui fournir nourriture puis argent lorsqu'il peut vendre sa récolte et assurer ainsi sa vie, celle de son vieux père puis celles de ses enfants à venir.
N'ayant aucune fortune pour s'attacher une femme qui demanderait de belles choses afin de consentir à un mariage, Wang Lung se rabat sur une esclave choisie « surtout pas jolie » par le père. Il leur faut une femme travailleuse et capable d'engendrer des fils. Et puis une femme laide n'a pas pu éveiller non plus le désir chez les fils et petits-fils de la grande maison où elle était esclave, ce qui garantit donc sa virginité.
C'est toujours avec horreur que je lis l'absence totale de considération pour la femme dans cette Chine décrite par
Pearl Buck et le portrait d'O-len, cette esclave prise pour femme faute de mieux, est déchirant.
O-len nous est décrite laide et hommasse, taciturne, arborant un visage totalement inexpressif et pourtant, dans le devenir de la famille de Wang Lung elle jouera parfaitement le rôle qu'on lui a assigné. Infatigable, elle remplira les multiples tâches de la maison mais aussi le travail aux champs, accouchera seule de fils et de filles et assurera la survie de sa famille lors des terribles moments de misère.
Parfaitement conscient de son absence totale d'amour, Wang Lung sera tout de même souvent pris de honte et de remords vis-à-vis d'O-len, peut-être trop tardivement cependant. Tout au long de la lecture, des traits exaspérants puis des traits plus attendrissants se succèdent chez ce personnage de paysan chinois. le plus marquant pour moi fut sa compassion envers une de ses filles, sa pauvre innocente comme il la nomme. Son souci de ne pas l'abandonner rachète presque tous ses autres penchants horripilants dus essentiellement aux moeurs en cours dans ce milieu rural chinois.
L'amour qui perdurera dans le coeur de Wang Lung, tout au long de sa vie que l'on suit avec passion, sera celui de la terre. Et pourtant, après les premières années favorables, des vents desséchants et n'apportant aucun nuage viendront priver sa famille de toute nourriture. Après avoir mangé jusqu'au buffle qui labourait les champs, jusqu'aux dernières touffes d'herbe, jusqu'aux écorces des arbres, ils n'ont plus qu'à s'exiler vers une ville du midi pour ne pas mourir de faim. Mais le paysan désire coûte que coûte garder les terres acquises dans la ferme intension d'y revenir.
De retour dans sa campagne, Wang Lung continuera à mettre tous ses espoirs dans cette terre. L'imbécilité des riches propriétaires qui se ruinent en opium et en achats de concubines facilitera son ascension comme riche propriétaire terrien. Mais la satisfaction de la richesse sera assombrie par quelques profiteurs et la paix à laquelle Wang Lung aspire reste bien dure à obtenir.
Des expressions vieillottes, un style de narration irréprochable mais légèrement désuet accentuent agréablement le dépaysement total que l'on éprouve en lisant
La Terre chinoise.
Bâtonnets d'encens pour honorer les dieux des champs, respect dû aux aînés, préparatifs tout de rouge du Nouvel An pour attirer bonheur et richesse, insignifiance des naissances lorsqu'elles offrent des filles qui n'ont pas d'appartenance à la famille et tant d'autres aspects de cette Chine d'un autre siècle se bousculent tout en rendant grâce à la terre nourricière.
Au-delà des coutumes incompréhensibles qui m'ont heurtée, j'ai beaucoup apprécié de partager ce quotidien rural.
Pearl Buck nous offre ici un roman riche d'enseignements.