Si Harlequin est le champion de l'Amûûr, on peut dire que "
Aucune bête aussi féroce" est LE champion des bas-fonds et des vols à main-armée.
Max Dembo vient de sortir de prison, en liberté conditionnelle, s'entend. Il a vraiment envie de mener une vie honnête et de trouver un travail. Son désir est de tirer un trait sur son ancienne vie de braqueur et de faussaire.
Mais... Il n'est pas facile pour un ex-taulard de se dégotter un travail, surtout si on doit prévenir son employeur de son ancien statut.
Pas évident non plus quand votre responsable de conditionnelle vous tient la laisse un peu trop courte et le collier trop serré car il ne vous fait pas confiance.
Peut-être que s'il avait laissé un peu de mou dans la laisse, Max n'aurait pas replongé. Bien que...
Une chose est sûre : c'est son responsable de conditionnelle qui l'a poussé à la faute, le faisant replonger dans son ancienne vie.
Dans ce roman, écrit par un ancien taulard, on comprend que le monde n'est pas fait pour la réinsertion. Confrontés, dans le meilleurs des cas à l'indifférence ou, au pire, à l'hostilité ou la haine, les anciens détenus n'ont pas facile et on leur en demande beaucoup dès le départ. C'est ce qui est arrivé à Max.
Ce roman, c'est presque une autobiographie de l'auteur. Lui qui, jusque ses 40 ans, avait passé plus d'années en cabane que libre. Bref, il sait de quoi il nous parle, rendant par-là le récit plus vivant, plus vrai, plus profond.
Là, je viens de suivre la route d'un braqueur et de deux de ses amis, j'ai commis un cambriolage et deux braquages en leur compagnie et j'étais du côté des bandits.
Oui,
Edward Bunker a réussi le coup de force de nous faire apprécier Max Dembo et ses deux complices. Et tout ça sans victimiser son personnage principal. Incroyable, mais vrai !
Pourtant, aucune concession, aucunes excuses, rien. Son écriture est d'un réalisme incroyable et nous plonge dans toute la férocité et la dureté de certains quartiers de Los Angeles.
Le langage est digne des bas-fonds, mêlé d'argot des criminels, des codes du milieu. Seul un ancien taulard pouvait nous en parler aussi bien tout en critiquant le système judiciaire Américain qui colle les anciens détenus dans des "cases" et ensuite prétend les comprendre.
Les comprendre ou les aider à se réinsérer ? Que nenni ! Pour le reste de la population, les années de détention des anciens repris de justice ne représentent pas une rédemption significative et valable. À leur sortie, ils seront traité en parias, les poussant à replonger dans le crime, créant par là même le problème que la société voulait éviter.
La société est parfois responsable... et se tire elle-même la balle dans le pied. En voulant éviter un problème, elle le crée de toute pièce.
Ce roman noir ne brille certainement pas par son action trépidante, mais ce n'est pas cela qu'on cherche ici. Par contre, il brille de par son analyse psychopathologique du criminel.
Si le rythme est lent, l'écriture est nerveuse, sans concession aucune pour le politiquement correct.
Ma rencontre avec Max Dembo me marquera durablement, lui qui voulait se reconstruire et auquel on n'a pas laissé la possibilité de le faire.
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