Pour ceux qui ne le connaîtraient pas,
Edward Bunker (1933-2005) était un voleur/braqueur ayant passé plus de la moitié de son existence dans les pénitenciers de Californie. Il trouva le chemin de la rédemption en devenant auteur, puis acteur, avec comme consécration ultime le rôle de Mr Blue dans le Reservoir Dogs de
Tarantino (vous savez, le mec au cheveux longs et à la moustache jaunie).
Son premier roman,
aucune bête aussi féroce, prend place dans le Los Angeles des années 70. Sorti de prison après 8 années passées à San Quentin pour faux chèques, Max Dembo, alter ego de Bunker, est libéré sous conditions. Son responsable de conditionnelle lui mène la vie dure et, malgré tous ses efforts, Max ne trouvera pas le chemin de la reinsertion. Il ne maîtrise pas les codes du monde du travail et de toute façon, qui voudrait d'un ex taulard pour surveiller sa caisse ?
Son CV, c'est dans les bas fonds de la Cité des Anges qu'il va le présenter. Max est prêt à reprendre du service auprès de ses anciens collègues : tenancier de boîte de nuit louche reconvertie dans le prêt de caution, Colosse ivrogne et dépravé, vieux junkie miséreux et femmes de petite vertue ...
On va dire que ceux là n'étaient pas vraiment candidats pour gagner un prix d'entreprise. Au milieu des ces loseurs resplendissants, Max va également renouer avec un braqueur de haute volée, pourtant rangé des voitures mais prêt à se remettre en selle. S'y ajoute un compère noir tout juste sorti de prison pour former un trio de choc, paré pour le "gros coup". La suite est un road movie plein d'action quelque part entre Heat, Pulp Fiction et Telma et Louise.
Assurément un grand bouquin, plein de réalisme et doté d'une vive analyse des comportements sociaux dans le monde de la voyoucratie. L'ambiance du L.A des 70' est palpable : couchers de soleil sur Palm Springs, réfléchissant la lumière violette sur les vielles batisses d'Hollywood, ruelles et cours intérieures délabrées, mais aussi paysage de désert, cabanes décrépites aux fins fonds des mesas, habitées par les oubliés de la société, drogués, alcooliques, depenaillés, élevant tant bien que mal des nuées d'enfants sans autre perspective d'avenir que la pauvreté et le crime.
Le rythme est parfaitement maîtrisé, l'action est digne des plus grands auteurs de polars. On en apprend beaucoup sur le mode de vie de la pègre californienne, l'organisation de mauvais coups et la survie en cavale.
On ne peut dire si tout est autobiographique mais le livre sent le vécu. Peut être un mélange d'expérience vécues et d'anecdotes glanées en prison.