Vous connaissez forcément le film, sorti en 1971, qui a été tiré de ce livre. le chef-d'oeuvre de
Stanley Kubrick est encore dans toutes les mémoires, autant pour la maîtrise parfaite du sujet et la perfection de la réalisation que pour le dérangement que constitue le thème même du film - et du roman, c'est à dire l'ultra-violence.
Au départ c'est du vécu : en 1944, la femme d'
Anthony Burgess se fait agresser et violer par quatre soldats déserteurs. de ce drame, Burgess va tirer un roman à la fois éprouvant et profondément déroutant,
L'Orange mécanique. Pourquoi "orange", pourquoi "mécanique" ? il semblerait qu'une expression d'argot "clockwork orange" qualifie quelque chose d'à la fois bizarre et inquiétant. Ces deux qualificatifs correspondent on ne peut mieux au roman - et au film.
L'Orange mécanique est un roman de science-fiction, bien que le propos dépasse largement ce cadre-là. Ecrit en 1962, il est encore aujourd'hui, 60 ans plus tard, d'une actualité brûlante.
Nous sommes donc à Londres dans un futur pas si éloigné. Une bande de voyous, dont la violence est la seule raison d'être, passe son temps à se battre, voler, violer, peut-être même tuer, à l'occasion. Leur chef Alex finit par être un jour trahi par ses copains, et arrêté. En prison, on lui fait subir une expérimentation destiné à l'éloigner des pulsions violentes. Mais une fois libéré et confronté à son ancienne vie, de bourreau il devient victime.
Les questions que posent le roman sont multiples. La violence, d'abord. Comment la combattre, la canaliser, est-elle parfois justifiée, quelles formes peut-elle revêtir ? L'expérimentation médicale ensuite. Quelle est sa légitimité ? Donne-t-elle le choix au "cobaye"? Enfin l'être humain garde-t-il son essence quand la science l'amène à devenir une machine ?
Ce roman, on le voit, donne à réfléchir. Mais l'autre intérêt, tout aussi remarquable consiste dans la forme : le narrateur, Alex, s'exprime dans un argot particulier le Nadsat, composé hétéroclite de russe, d'anglais et d'idiomes divers (un lexique est proposé à la fin de l'ouvrage). Ce parti-pris d'écriture donne au roman un aspect particulier : on est constamment sur le point de vue du narrateur (ce qui nous permet de constater son évolution) et en même temps le langage dessine l'atmosphère générale du roman (et du film), bizarre, déconnectée de la réalité, et au total beaucoup plus inquiétante que fantaisiste.
Un livre à lire, et un film à voir (même si tous les deux sont dérangeants), à la fois pour la forme et pour le fond