Il m'a fallu arriver à ce rendez-vous de Crawfish Creek ( quatrième nouvelle) pour percevoir la fragilité des personnages derrière ces personnages rudes du Midwest. Hommes ou femmes avec le diable au corps, amitiés bagarreuses entre bières et marijuana, autant de mauvaises passions qui déséquilibrent des vies familiales.
Puis les duos s'enrichissent avec des personnages complexes, rudes mais fragiles comme Aida, cette femme policière retraitée qui commence à percevoir les signes d'Alzheimer et mettra un point d'honneur à venger Bethany, femme battue par un violent organisateur de combat de chiens.
Sous le feu de joie, l'auteur nous fait frissonner avec un doute sur la confiance que peut avoir Kat envers Pieter, ancien d'Afghanistan » fougueux et décomplexé, fort et inventif, têtu et hyper généreux. » lors d'une plongée sous l'eau glacée.
Puis c'est le coup de coeur avec Brut aromatique, un huis clos qui met en face à face un vieil homme, écologiste condamné par le cancer et un PDG d'une société pétrolière à la suite d'une marée noire. L'auteur monte alors d'un cran dans l'introspection et dans la dualité des caractères.
« le vieil homme ne s'était pas préparé ni à ses propres défaillances ni au courage forcené de ce capitaine d'industrie. »
Et l'on apprécie le chant sinistre et beau des huards…
Après deux courtes nouvelles illustrant la distance profonde entre un homme et une femme mariés depuis des années et la force de l'amitié au-delà des différences de fortune, je fonds pour Bruce, célibataire tranquille et travailleur, embarqué dans un amour profond pour Sunny et ses deux filles. » Etre amoureux d'elle revenait à un combat à mains nus » mais Bruce au grand coeur est prêt à tout accepter.
« Quand on tombe sur quelqu'un comme Sunny, on lui pardonne d'être folle ou allez savoir quoi, parce que si il n'y avait pas de femmes comme elle la vie redeviendrait ce qu'elle était avant de l'avoir connue. »
Et l'on finit dans les pommes avec Lyle, marié depuis trente ans qui se retrouve sans travail, perdant ainsi son importance jusqu'à ce qu'un plus vieil homme encore lui fasse prendre conscience du réel trésor de sa vie.
La force de la nouvelle chez
Nickolas Butler ne réside pas dans l'art de la chute, ni même le rythme vibrant des courts récits ( même si certaines sont pressantes) mais bien dans l'émotion de ces tranches de vie d'hommes costauds aux mains rugueuses, dans ces instants de vie où la trajectoire dérape.
Et avec Brut aromatique ou Lenteur ferroviaire ( mes deux nouvelles préférées), l'émotion est bel et bien une force de l'écriture de ce jeune auteur talentueux.
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