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sur 2977 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La condition humaine, avec le temps qui passe, est-elle nécessairement absurde?
A 17 ans, je n'avais pas pris la mesure de l'extrait que j'avais dû commenter au bac blanc de français. Aujourd'hui, je ne peux que recommander chaudement la lecture du "Désert des Tartares" pour :
- découvrir Dino Buzzati qui est un grand auteur de la littérature italienne du 20e siècle, parfois rapproché de Kafka, Camus et Sartre,
- la description faite de la vie militaire à l'intérieur d'un fort, dans un territoire mythique, à travers une époque non définie,
- la réflexion sur le temps qui passe et sur le destin,
- la beauté du texte (la lecture d'extraits ne pourra que vous en convaincre),
- s'interroger sur ce que nous devons faire pour ne pas vivre et mourir comme Giovanni Drogo.
Cette lecture me donne envie de lire "le K" du même auteur même si je ne lis que rarement des recueils de nouvelles.
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Excellent livre!
Roman assez court traitant l'absurdité sur tout et jusqu'au bout .... Quelle tristesse !
On ressent la mélancolie du personnage, sa tristesse, sa solitude.
Il est rare qu'un livre me travaille autant dans mes rêves ....
Je le conseille vivement.
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Drogo, jeune lieutenant sortant de l'académie militaire est muté dans un fort aux confins du désert des Tartares, avec pour mission la surveillance et la défense de la frontière .
Il se retrouve dans une sorte de prison loin de toute vie sociale, associé à une hiérarchie sclérosée rêvant d'une confrontation militaire avec un ennemi imaginaire.
Le jeune homme va rapidement se confronter à un ennui existentiel n'ayant pour exutoire que son imagination guerrière.
A son arrivée, il ne souhaite que quitter ce fort pour retrouver l'atmosphère citadine, puis peu à peu et de de façon subtile, il va se fondre dans un confort rituel lui économisant toute contrainte sociale et matérielle.
Un petit entracte vers la ville n'aura d'autre effet que le vide existentiel devant des rapports sociaux devenus vains et distendus.
Puis, la vie s'écoule dans une routine répétitive , ce compte à rebours vers la vieillesse n'inquiète pas celui qui a la vie devant lui et du temps à revendre.
Le temps file de plus en plus vite et les journées sont paradoxalement de plus en plus longues, le jeune Drogo devient un homme mature qui reste dans l'attente de construire un avenir qui semble se rétrécir.
Quel sens donner à sa vie si ce n'est l'espoir d'une confrontation idéalement glorieuse avec un ennemi imaginaire, dans un fort où chacun joue un jeu de dupes.

Le corps, peu à peu lâche sous l'emprise des années, l'attente n'a rien donné de concret, la fin de la vie se rapproche, le bilan est sombre, il faut affronter la mort des projets de gloire, la mort de l'attente, puis l'attente de la mort, une mort sordide indigne d'un militaire réduit à combattre les ravages du temps.
Drogo est un personnage générique, celui qui pense que « si ce n'est pas pour aujourd'hui c'est pour demain « , ne construisant rien sur le présent, la procrastination étant le luxe de la jeunesse.
Et puis tout d'un coup, les rides apparaissent, l'attente de l'évènement qui fera sens se révèle de plus en plus factice à l'image d'une vie monotone et pauvre de sensualité et de réalisations concrètes.
Un coup de vent sépare la jeunesse de la vieillesse, les précieuse journées, heures, minutes et secondes sont dépensées sans compter, les chimères ne sont que des pièges qui obstruent toute acuité existentielle.
Ce roman est un chef d'oeuvre forcément intemporel qui cisèle la description d'une vie absurde dont le sens s'étiole doucement puis crescendo vers une fin biologiquement programmée.
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J'ai lu ce livre à l'âge de 16 ans environ et il m'avait déjà profondément marqué à l'époque. Mais à trente ans de distance, on le perçoit forcément autrement. le temps a passé, la vie aussi et l'on comprend mieux les enjeux profonds de cette histoire en forme de parabole magistrale sur la condition humaine. L'inexorable fuite du temps, les rassurantes habitudes, la certitude d'avoir un destin, le sens à donner à la vie... En a-telle un d'ailleurs ?

Le lieutenant Drogo s'apercevra que non. Confiné trente années durant dans ce fort inutile et isolé, il a d'abord rêvé des bruissements de la ville, des jolies filles, de sa chère maison maternelle, avant de se reclure dans les rituels militaires vides de sens.

L'ironie du sort est féroce. Tandis que la gloire militaire qu'il attendait vainement depuis si longtemps est aux portes du Fort Bastiani, il est contraint de le quitter, vieux et malade. La seule vraie bataille qu'il aura à mener, perdue d'avance, se jouera seul à seul contre la mort, dans une banale chambre d'hôtel. Drogo comprend trop tard les illusions perdues de sa jeunesse, ses belles années gâchées pour un mirage.

Et ce faisant, m'est revenu en mémoire et comme en écho, un passage de la nouvelle De Maupassant, Les Soeurs Rondoli :

« C'est en ces heures d'abandon, de noir isolement dans les cités lointaines qu'on pense largement, clairement et profondément. C'est alors qu'on voit bien toute la vie d'un seul coup d'oeil en dehors de l'optique d'espérance éternelle, en dehors de la tromperie des habitudes prises et de l'attente du bonheur toujours rêvé. C'est en allant loin qu'on comprend bien comme tout est proche et court et vide ; c'est en cherchant l'inconnu qu'on s'aperçoit bien comme tout est médiocre et vite fini ; c'est en parcourant la terre qu'on voit bien comme elle est petite et sans cesse à peu près pareille. »
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Comment un roman dont le personnage principal est le temps qui passe et l'ennui qui s'en dégage, pourrait susciter la ferveur des lecteurs ? Mystère de la littérature. Il n'en reste pas moins que le désert des Tartares demeure une oeuvre immense dont les influences, qui vont de Zangra de Brel au Trône de fer, tissent des ramifications sans fins. Au cours du roman, on est aspiré par cette vacuité qui peuple le récit et qui paradoxalement lui donne son sens. L'existence est vaine et pourtant sans cette vanité elle ne serait rien.
Et quand on s'en rend compte, quand le personnage s'en rend compte, sa réaction est autant inattendue que sublime.
Un chef d'oeuvre impérissable, oui mais qui ne doit pas faire oublier les nouvelles de Buzzati, peut-être moins puissantes, mais tout aussi saisissantes, comme autant de variations sur un thème, ce thème obsédant de la fuite du temps et de son (non)sens.
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Lorsqu'il débute sa carrière militaire l'officier Drogo découvre le fort Bastiani, caserne de sa première affectation. Cette fortification est le vestige du temps où la menace de l'invasion des Tartares était de l'ordre du probable.
Qu'est-ce qui maintient les hommes et ce fort aux abords du désert des Tartares ?
Quel peut-être le destin d'un jeune officier dans ce monde rempli d'orgueilleux ?
Dino Buzzati se confronte dans cet ouvrage à l'immobilisme dans le temps qui passe, à l'infortune des opportuns.
Ecrit dans un style lancinant, le désert des Tartares transporte et questionne le lecteur face aux choix à opérer pour soit dans l'océan des possibles d'un monde où l'existence de valeurs partagées permet de faire tenir avec force des institutions qui peuvent apparaître futiles.
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Il y a les livres et les genres qu'on croit aimer... et il y a ceux qui se revelent à nous à travers les lectures qu'on se trouve avoir fortement apprécié. Quand je vois que certains se plaignent par rapport à ce livre de l'absence de rythme, que rien ne se passe réellement, que tout se traîne... Quand je vois qu'a contrario j'ai parmi mes lectures coup de coeur des livres comme La Montagne magique de Thomas Mann ou L'automne du patriarche de Garcia Marquez, qui ne sont pas caractérisés par leurs rebondissements à outrance... Je me dis que ce desert des Tartares a du m'appeler du fond de sa desolation, pour me faire en garder le bord aux côtés de Drogo.

Car avec son style à la fois épuré et soigneusement étudié, c'est à accompagner son héros dans l'attente que nous invite Buzatti. L'auteur sait qu'on attend tous que quelque chose nous arrive... On
essaie de se placer au bon endroit au bon moment mais on ne maitrise pas toujours grand chose. C'est donc une métaphore particulièrement saisissante que nous offre ici l'auteur transalpin. Une réflexion profonde sur le temps qui passe, nous dépasse et nous laisse démuni quand on se rend compte que si nous attendions quelque chose, lui ne nous a pas attendu.

Et le plus ironique, c'est que pour apprécier pleinement l'ouvrage, il faut soi-même être disposé à attendre... sans rien attendre. Sans doute une lecture proche d'un confinement imposé plus que choisi a bien trouvé son moment pour ce genre de réflexion...

Alors il y a plusieurs rebondissements... Pas de ceux des thrillers qui supposent que nous suspendions notre incrédulité pour vraiment nous plonger dans l'histoire... mais suffisants pour apprecier un dénouement peut-etre prévisible mais en totale coherence avec le propos.

Voyageur à la recherche d'une oasis, mesurez bien surtout votre capacité à affronter le désert, meme littéraire. Comme le desert géographique et concret, il nous apprend avant tout quelque chose sur nous-mêmes.
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En lisant ce livre m'est revenu la chanson Zangra de Brel. Tout est là : le passage du temps, l'ennui ou la lassitude:

Je m'appelle Zangra et je suis lieutenant
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg voir les filles en troupeaux
Mais elles rêvent d'amour et moi de mes chevaux

Je m'appelle Zangra et déjà capitaine
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg voir la jeune Consuelo
Mais elle parle d'amour et moi de mes chevaux

Je m'appelle Zangra maintenant commandant
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg boire avec don Pedro
Il boit à mes amours et moi à ses chevaux

Je m'appelle Zangra je suis vieux colonel
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg voir la veuve de Pedro
Je parle enfin d'amour mais elle de mes chevaux

Je m'appelle Zangra hier trop vieux général
J'ai quitté Belonzio qui domine la plaine
Et l'ennemi est là je ne serai pas héros
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J'ai abordé la lecture de ce roman avec scepticisme : comment diable un roman avec une histoire si faible (un soldat affecté à un fort y attend "son heure de gloire") allait pouvoir me séduire. A l'arrivée, je me retiens de ne pas mettre 5 étoiles, tant ce récit m'a parlé et me semble universel. La force du roman tient en son style, méthodique et précis, permettant de rendre très proche les divers protagonistes du roman. Certains passages sont d'une beauté saisissante, en particulier la rencontre entre Drogo et Maria. Au cours de ma lecture, je n'ai pu m'empêcher de songer à l'Eternel Retour de Nietsche, à tort peut-être. Quoi qu'il en soit, Dino Buzzati, pour son premier roman, a réussi un coup de maître.
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Le Désert des Tartares, roman du journaliste et écrivain italien Dino Buzzati, est considéré comme un chef-d'oeuvre universel. Publié en 1940, l'ouvrage est un conte philosophique, structuré autour du parcours d'un personnage, dénommé Giovanni Drogo, dans un pays et en un temps indéfinis. De facture classique, la narration est entrecoupée de commentaires et même d'exhortations adressées au personnage principal, lorsque celui-ci se retrouve à la croisée de chemins.

Sorti frais émoulu de l'Académie militaire avec le grade de lieutenant, Giovanni Drogo rêve d'une carrière rythmée par des actes de bravoure et des faits d'armes glorieux. Pour son premier poste, il est affecté à la garnison du fort Bastiani, une vieille place forte éloignée dans les montagnes, à la frontière d'un mystérieux royaume du Nord, au bord d'une immense plaine aride et empierrée s'étendant à perte de vue. Un désert d'où l'on dit qu'un jour surgiront des envahisseurs : des Tartares, si l'on en croit d'anciennes légendes mythiques ; on aurait pu dire des Martiens ou des Extraterrestres.

Le fort est une vieille bâtisse, peu accueillante, peu confortable, peu fonctionnelle, totalement isolée dans des paysages minéraux, sauvages, ravinés, dont les confins disparaissent sous les brumes. le formalisme militaire est empesé, les rapports hiérarchiques convenus. Déçu, Drogo envisage de demander sa mutation en ville, mais il se laisse convaincre d'effectuer une période de quatre mois, à l'issue de laquelle il sera libre de partir.

Des rumeurs font miroiter l'imminence de circonstances exceptionnelles – l’offensive de l'ennemi ne saurait tarder ! – susceptibles d'apporter grandeur et noblesse aux destinées des soldats présents. Alors Drogo décidera de rester au fort au-delà des quatre mois, au-delà de quatre années et bien plus encore. Comme la plupart des militaires en poste, il persistera à se nourrir de l'espoir, de l'attente chimérique d'un événement annoncé qui ne survient pas, qui pourrait survenir ou ne jamais survenir, et qui surviendra peut-être juste quand on ne l'attendra plus…

Mais l'attente de l'événement pourrait n'être qu'un prétexte, la justification d'un choix inconscient et moins noble, auquel nous risquons tous d'être confrontés : l'accommodement à la médiocrité. le confort du fort est précaire, mais les petits désagréments quotidiens finissent par tisser une intimité monotone et rassurante dans laquelle chacun aime à se blottir. Il en est de même pour les rituels militaires, contraignants, mais auxquels leur tonalité et leur échelonnement prévisibles confèrent un ronronnement familier. le caractère protocolaire des rituels conforte aussi le sentiment d'être intégré à un système initiatique flatteur. L'estime montrée par les inférieurs et qu'on voue à ses supérieurs compense celle que l'on n'est pas certain d'avoir pour soi-même.

Autour du fort, malgré leurs reliefs lunaires, leurs horizons insondables et leur immobilité embrumée, les paysages finissent par revêtir un aspect onirique surréel et fantastique, que les hommes de la garnison tiennent pour un privilège dont ils ont le sentiment d'être les bénéficiaires exclusifs.

Drogo parviendra-t-il à se libérer du sortilège du fort Bastiani et de son désert des Tartares ? Il pourrait chercher une affectation en ville, où il fonderait une famille. Mais englué au fort par les routines et les vanités, il est persuadé d'être toujours le maître de son destin. Il croit avoir le temps, mais il perd la notion de ce temps qui fuit dans la ronde inexorable du soleil, des heures, des saisons, des générations. Un jour, il pourrait soudain se rendre compte avec angoisse qu'il est trop tard.

L'attente de la guerre contre l'ennemi invisible est un thème commun avec le Rivage des Syrtes. Mais la comparaison s'arrête là. A l'opposé de l'écriture de Julien Gracq, le Désert des Tartares fait l'objet d'une prose sobre, épurée, conforme au précepte de Dino Buzzati : « l'efficacité d'une histoire fantastique est liée à l'emploi de mots et de paroles les plus simples et les plus concrets possible ».

Pour ma part, c'est à La Montagne magique de Thomas Mann et au parcours d'Hans Castorp que m'a fait penser l'espèce de paralysie à laquelle se condamne Drogo.

Lien : HTTP://cavamieuxenlecrivant...
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