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Je viens de finir de lire Mayacumbra de Alain Cadéo.
J'ai suivi pas à pas les différents personnages, ceux qui vivent à flanc de montagne, sur le plateau : Solstice, Balthazar, Cyrus, la mère Taloche, Biribine, Arnosen , Romulus, Raymond Souvignac, Pablo Moréno, le mari de Lita.
Rien qu'énoncer leurs noms me plonge dans ce monde étrange qui a choisi de regrouper en son sein des personnages hétéroclites et marginaux, comme on rassemblerait un échantillon représentatif d'humains sur l'arche de Noé avant la catastrophe.
Et puis, il y a Théo le petit clown, le poète, celui qui vit tout en haut sur la Corne de Dieu avec son âne Ferdinand, celui qui sait parler aux pierres, qui communique avec la montagne et qui en est devenu une partie inhérente. Théo qui ne peut s'empêcher d'écrire, capable d'entrer en fusion avec Lita et avec le volcan et qui finit par symboliser l'éternité par opposition à la survie bancale de l'espèce.
Mayacumbra est un livre sur la matière : l'auteur est devenu tellement puissant dans sa spiritualité que la pensée est devenue minérale : toucher la pierre, toucher Lita qui dit « elle » pour parler d'elle, comme si son propre « je » avait disparu dans la fusion absolue.
S'il fallait résumer Mayacumbra en quelques mots : je retiendrai Matière, Montagne, Volcan, Fusion, Pierres, Gemmes, Absolu, Eternité.
Impossible de sortir indemne d'un tel voyage qui nous conduit de la vie vers l'éternité !
Impossible cependant de ne pas se laisser tenter. On ne vous proposera pas ça tous les jours….

Rachel
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La lecture de ce roman d'Alain Cadéo, 417 pages, m'a pris environ quinze jours mais j'ai lu en un jour les 150 dernières pages. Parce que ça s'emballe. Un mauvais pressentiment. Et il suffit de penser mauvais pressentiment pour que ça arrive. Car le réel n'est que la projection, la réalisation de nos pensées, désirs, rêves. On est en pleine mousse, mouise aussi, quantique. Ce qui n'était pas se met à exister parce qu'un désir le fait exister. Désirs de vie, désirs de mort, éros et thanatos.
Mayacumbra est le roman d'un éveillé. Cela est rare. Cela donne lieu à des bonheurs d'écriture innombrables. Un éveillé c'est-à-dire un homme qui sent, éprouve, vibre, au plus intime, du plus infime à l'infini, du moment présent, ici et maintenant à l'éternité installée dans ce moment présent, un homme qui ressent combien tout est relié parfois en harmonie, en grâce, en beauté, parfois en chaos, en conflit, en violence. C'est la qualité d'éveil de l'homme qui est le tremplin de l'écriture, inspirée, traversée de l'écrivain. Qui écrit ? L'homme, l'écrivain, la Voix derrière, la Source, la Bouche d'Ombre, la Bouche de Lumière, le Vide à haut potentiel d'où tout jaillit en fragmentation comme lave d'un volcan, la corne de Dieu.
Mayacumbra c'est une géographie à 4 niveaux,
la forêt humide où vivent les hommes invisibles, sans doute une tribu primitive, très organisée, adaptée à ce milieu, ce climat d'insectes, de serpents, d'animaux venimeux et d'oiseaux comme les ibis, aux environs de 1000 mètres d'altitude
la zone tampon, faite d'arbustes, buissons, herbes de toutes sortes, une sorte de bush entre 1000 et 1500 m
la zone du volcan éteint, la corne de Dieu, entre 1500 et 2300 m avec 3 étages / l'étage de la source qui, abondante, transforme le bas en bourbier, on patauge dans la boue à Mayacumbra, / la plateforme à 2000 m, où le jeune Théo, 27 ans, va s'installer, construire sa cabane, son refuge en bois puis l'habiller de pierres du volcan, choisies et jointées par ses mains et au-dessus jusqu'au sommet, jusqu'au cratère, / une zone de laves sèches, sans végétation
et si avec un camion, on descend la piste sinueuse puis la route droite, on arrive à la ville à environ 50 kms de Mayacumbra, fin de piste, rien après, cul de sac ; la ville et ses trafics, ses marchés, ses plaisirs monnayés, ses tentations, ses mystères et secrets (celui de Lisbeth)
Mayacumbra, ce sont de drôles de zozos, de drôles d'oizeaux, des hommes cabossés, en fuite, au bout du rouleau, au bout de la piste, en quête d'absolu, d'argent, d'émotions fortes, d'invisibilité, d'amour, de chair humaine ; s'y côtoient les contraires qui s'assemblent, les semblables qui se supportent jusqu'à ce que ça craque ; je ne donnerai pas leurs noms ; il y a une vraie jubilation à les découvrir ainsi que leur portrait, leurs actions, leurs interactions ; il y a deux femmes, la chinoise et Lita, la magnifique Lita, jeune femme entre trois mondes, médiatrice entre la forêt et le volcan, entre le marais et le bush, femme entre deux hommes, parlant d'elle à la 3°personne quand elle monte à la cabane voir celui qui se considère comme le gardien du volcan, Théo, le bâtisseur, contemplatif et actif « tu lui liras ? tes mots lui font du bien ; elle se souvient de tes phrases ; en bas elle se les récite ; c'est comme une prière »; là-haut, à 2000 m, sur une plateforme protectrice, la solide cabane qu'a construite Théo, 27 ans ; il cultive son jardin, cherche des pierres, aime Lita (il la rêve, elle viendra à lui), il tient son cahier de formules comme Montaigne en sa librairie, il sculpte érotiquement les poteaux porteurs de son refuge en compagnie de Ferdinand, l'âne; il est le facteur Cheval, le Gaudi du volcan.
Mayacumbra, c'est un roman de confinés aux confins du monde quand la vie, résumée aux petites habitudes, aux détails du quotidien pesant, soudain devient Vie par la part divine en nous, la part du jeu, de l'invention, de la créativité, la part du rêve éveillé, la part d'une graine qui envahit tout (le corps, le coeur, l'âme, l'espace) puis disparaît aussi vite qu'elle est apparue, la joie, quand aussi se déchaîne le Mal, la violence, la mort atroce, infligée par des hommes, quand enfin le feu, destructeur et salvateur à la fois, du volcan, bien vivant, de très ancienne mémoire, se déverse en lave en fusion emportant tout sur son passage, y compris la cabane et statufiant Théo.
C'est un roman de vibrations (p. 248) et pour l'écrire, il faut être un diapason et au diapason.
Lien : http://agoradurevest.over-bl..
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De la part de celui qui reste pour moi avant tout l'auteur de zoé et de Chaque seconde est un murmure, je n'attendais clairement pas ce texte. Un pavé de plus de 400 pages qui nous emmène dans un ailleurs brumeux et glauque, un ailleurs de western, dont on ne sait pas trop s'il existe quelque part sur une carte. Pourtant, on retrouve dans Mayacumbra des thématiques en germe dans Comme un enfant qui joue tout seul : un homme qui plaque le quotidien occidental pour un autre mode de vie, une fuite qui sonne comme une rencontre avec soi-même, une galerie de personnages hauts en couleur.

Mais on a de quoi être dépaysé(e), avec ce décor crasseux, poisseux, ces personnages rejetés par la société, repris de justice, estropiés, à demi fous. Des marginaux qui refont société dans leur cuvette boueuse au pied du volcan, parmi lesquels se cachent deux coeurs purs, Théo le « petit clown » et Lita, fille de la forêt. Leur amour n'a rien de surprenant, mais il est contrarié par la vie locale et ses codes, et le mari dépressif de la belle.

On retrouve le talent d'Alain Cadéo pour les descriptions poétiques et les divagations sur l'existence, qui peuplent ici les cahiers de son ermite. Mais j'ai été plus étonnée par les scènes de beuverie au Kokinos, le troquet où se déroulent des soirées rabelaisiennes. La torpeur locale a fait effet sur ma lecture, manquant me perdre entre les pages alanguies à plusieurs reprises. Je me suis franchement demandé où le récit m'emmenait, et s'il avait bien une destination, tant les journées à Mayacumbra semblent s'étirer et se ressembler.

Pourtant, le roman a un joker dans sa manche, une carte qui peut tout bouleverser. Sur ses 100 dernières pages, le récit bascule dans une ambiance qui rappelle The Hateful Eight. Comme chez Tarantino, chacun a des choses à cacher, et quand la menace rôde, il suffirait d'un rien pour que tous et toutes en viennent à s'entretuer. Après un roman baigné de soleil, c'est dans la noirceur que nous plonge ce récit, qui semble soudainement se délecter de mettre en scène la cruauté des hommes. Un passage au noir qui a de quoi dérouter les lecteurs et lectrices assidus d'Alain Cadéo, et qui brouille les pistes. Quel prochain livre pourra-t-il bien nous proposer après celui-là ?

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