Cela est rappelé en début du livre,
Albert Camus s'est inspiré de faits historiques (les personnages ainsi que l'attentat du 17 février 1905 à l'encontre du grand-duc Serge Alexandrovitch de Russie), à en guider l'écriture de la pièce qui reflète leur conduite. Cet attentat annonçait l'avènement d'un totalitarisme eu Russie avec la révolution bolchévique de 1917, et le renversement du Tsar.
L'auteur aborde plusieurs thèmes à travers une double composition :
Les cinq révolutionnaires dont les caractères reprennent dans un moindre effectif ceux d'un mouvement plus large :
- Stepan : l'exalté, qui a souffert jusque dans sa chair et son âme l'oppression du régime autoritaire qu'il souhaite renverser
- Yanek : qui place l'humanité au-dessous de la cause révolutionnaire, et ne saurait sacrifier des innocents à la cause car cela supprimerait sa raison d'être
- Alexis : l'étudiant qui ‘préfère fermer les yeux' sur les conséquences de ses actes. Autrement présenté c'est le révolutionnaire qui souhaiter participer mais ne veut pas voir ses mains tachées de sang, préférant obéir sans savoir qu'agir en sachant.
- Dora : qui agit par amour et souhaite demeurer juste (d'où le titre de la pièce) mais s'interroge sur la possibilité d'aimer le peuple en tant que révolutionnaire ? Cet amour désintéressé est-il possible et réciproque.
Les dialogues : j'y ai retrouvé
- La justification des moyens, la terreur ou la coercition : dans quelle mesure peut-on rester juste lorsqu'on défend un idéal ou applique un régime politique ?
- La destinée de l'être humain : le choix de la mort est-il un acte de courage ou de lâcheté ? Est-il plus courageux et honnête de vivre avec le poids de ses fautes que de mourir ? L'énonciation de ce thème m'a fait penser à
Crime et Châtiment de
Dostoïevski
- L'amour et l'humanité : est-on capable de ‘tendresse' et d'amour (ce qui fait de nous des êtres humains) lorsqu'on place une cause ou un combat au dessus de sa propre vie ? Ne perd-on pas son humanité en tant que révolutionnaire ?
- le peuple : triste ironie de Kaliayev (Yanek) qui est abusé par son codétenu qui le trahit ouvertement alors qu'il est issu du peuple, et le ramène à son rang de meurtrier alors qu'il se considère comme ‘juste'.
Les justes aborde donc plein de thèmes mais se contente de poser les questions avisées sans apporter de réponse. Elle reste moderne car dans tout point du monde il existe des justes et des régimes totalitaires, et l'on sait bien qu'
Albert Camus à toujours été très attaché à cette composante de l'histoire. le principal mérite que je trouve à cette oeuvre est qu'elle est très accessible à un jeune et permet d'aborder des thèmes profonds et contemporains, et cela en une centaine de pages dont les dialogues courts rendent la lecture rapide et la compréhension limpide.
Je pense notamment au roman ‘La mort est mon métier' de R.Merle, qui retrace le parcours d'un Alexis qui peu à peu devient un responsable de camp SS aux méthodes industrielles de meurtre, perdant ainsi de plus en plus son humanité pour rester fidèle à Himmler et sa cause.