La première chronique de cette année 2020 sera donc consacrée à "L'étranger" d'Albert Camus (Gallimard, 1957, 186 p.). La première édition date de 1942, dans la collection « Blanche » de chez Gallimard et fait 159 pages. le nombre de pages changent un peu en fonction de l'édition. Toutefois, ce n'enlève rien à la rapidité de lecture (environ 4 heures dans mon cas).
C'est ma première lecture de ce roman et j'écris cette chronique peut-être en manquant de recul. J'en ai lu des analyses, sur Internet, bien plus profonde que celle qui va suivre. Néanmoins, il s'agit de mes réactions et j'avais à coeur de les partager, car cette histoire m'a marqué.
Au départ, je n'avais pas envie de le lire, pensant que cela allait me miner mon moral, pas forcément bon en ce moment. Sur ce point, c'est évident que l'histoire est triste d'une certaine façon.
Ce qui me frappe c'est que les événements sont connus par le lecture qui en lit simplement un résumé. L'intérêt du roman est donc ailleurs. En effet, ce livre est court, et toute son interprétation me semble reposer justement sur les événements de l'histoire et notamment sur ceux de la deuxième partie.
La quatrième de couverture est justement intrigante, car elle est extraite de la deuxième partie du livre et mentionne le fait que le héros aurait la tête tranchée sur une place publique. Pourquoi donc en arrive t-on là ? C'est à cette question que tente de répondre la première partie du livre. Mais y a-t-il vraiment une réponse possible ?
Je connaissais donc la fin du livre. Je peux dire, après coup, que connaître la fin ne change pas spécialement l'impression provoquée par la lecture. Cela n'enlève rien à la découverte et provoque sans doute les mêmes questionnements. J'avais lu des extraits dans le cadre scolaire, il y a déjà plus de dix ans. Je ne me rappelais pas de tous les détails, bien sûr, et mon impression fût bizarre en refermant le livre.
Meursault, le anti-héros du livre, apparaît tout à la fois sensible et insensible, indifférent et concerné par les événements qu'il provoque ou même dont il est la victime indirecte (notamment lors du procès)... Est-il aussi naïf qu'il le paraît ? Finalement être capable de comprendre sa personnalité est compliqué et je suppose que Camus le fait exprès.
Le lecteur, à la fin du roman, reste mal à l'aise. L'empathie que j'éprouve pour le anti-héros qu'est Meursault, est particulière. L'homme a tué. Mais il se fiche pas mal des convenances sociales et il lui importe peu d'avoir du regret pour son geste, comme il lui importe peu de se marier avec Marie ou d'être copain avec Raymond...
Selon moi, ce roman dénonce avec subtilité l'absurdité de la peine de mort, mais plus largement l'absurdité dont est capable le genre humain. L'important n'est pas tant le crime, certes odieux, mais le procès d'un homme non conformiste, ne rentrant pas dans les cases morales des « autres » (les jurés, le juge, le procureur, le directeur d'asile). Car, paradoxalement, je trouve que le meurtre est laissé dans l'ombre lors du procès et le point de vue de la famille de l'Arabe n'est, non pas niée, mais n'est pas abordée. Cela aussi est dérangeant.
C'est finalement une histoire qui amène nécessairement à se poser des questions sur la justice, sur la place de la religion, sur les valeurs morales, sur l'amitié, sur les violences faites aux femmes, sur l'amour, sur l'absurdité, sur le conformisme, sur la compassion, mais aussi, plus surprenant sur la violence faite aux animaux... Bref, la liste est longue et je comprends mieux pourquoi cette histoire provoque tant d'interprétations, parfois différentes.
Dès lors, L'étranger est un titre à la fois compréhensible et énigmatique. L'étranger est-ce Meursault ? Par sa façon de penser, par son anticonformisme, il apparaît comme bizarre et étranger à la bonne morale des gens qui vont le juger. L'étranger est-ce l'Arabe ? Car l'Arabe n'a pas vraiment de nom et est finalement à la fois un personnage important et un personnage très secondaire.
J'avais un professeur à la fac qui était fan de Camus et je crois que je peux mieux percevoir pourquoi. Rien que le style de l'auteur est particulier. Il parvient à le mettre au service de son personnage de façon parfaite. D'où le malaise, car Camus fait entrer le lecteur dans la tête de Meursault, c'est-à-dire celle d'un meurtrier. Mais malgré tout, il n'est pas totalement repoussant et je me suis attaché à ce personnage.
Au final, c'est un roman qui m'a bien plus marqué que je ne l'attendais. Je suis mal à l'aise et remplie de questionnements sur le sens de cette histoire. Les interprétations sont nombreuses et de nombreux spécialistes de Camus affirment qu'ils n'ont toujours saisi totalement le sens de ce roman après pourtant l'avoir lu et relu et l'avoir étudié plusieurs années. Alors c'est normal qu'en une seule lecture j'en sois à la phase des questionnements...
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