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sur 32682 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Que dire d'un livre dont tout a été dit ?
Je dirai simplement deux choses, très personnelles.

La première est que mon seul regret est d'avoir lu ce livre si tard. C'est un livre qui construit notre vision de la littérature et j'aurais préféré le lire dix ans plus tôt.

La seconde est que je suis heureuse de n'avoir pas lu ce livre par l'école. Sa force ne réside pas dans l'analyse qu'on peut en faire. le décortiquer jusqu'au bout, d'accord, mais après en avoir saisi l'essence - je ne suis pas sûre que j'en aurais été capable il y a 20 ans.

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L'avantage de ce livre, parmi quelques autres, est que le relire pour la troisième ou quatrième fois signifie découvrir à chaque fois de nouveaux intérêts. Un thème qu'on avait tout juste remarqué, un champ lexical qui s'impose tout au long du roman et qu'on avait noté, sans plus, des idées qui s'ancrent dans notre vécu de lecteur ou d'être ayant fait d'autres expériences depuis la lecture précédente.

L'Étranger fait pour moi partie de ces lectures qui nous accompagnent, s'offrent et résistent, s'ouvrent vers de nouvelles réflexions, vers d'autres émotions.

Ici, s'adjoint pour moi le bonheur de relire ce livre avant de l'envoyer à ma petite-fille de quinze ans, désireuse de découvrir ce pilier de la littérature française. Elle dit « vouloir se faire une culture générale » et j'apprécie qu'elle ait donné la priorité à ce roman que je lui avais suggéré parmi d'autres.

Que dire qui n'ait déjà été dit et écrit sur ce roman de l'absurde ? Je repère, sans doute pas pour la première fois, tout ce qui constitue l'obsession du moment à Alger : la chaleur, écrasante, de l'été algérois, et toutes ses déclinaisons sous forme de somnolence, d'étouffement, de torpeur, de sueurs, de pertes de vigilance, pour le « héros » comme pour les autres acteurs, témoins cités à la barre, jury, spectateurs de cette sinistre pièce qui se joue au tribunal d'Alger.

Cet engourdissement accentue l'étrange capacité de Meursault à être dissocié, dissocié de lui-même, dissocié du monde dans lequel il vit à peine, étranger à la vie, à l'avenir. Il répète à plusieurs reprises que « cela lui est égal », qu'il ne voit pas en quoi « cela » le concerne. Et quand il s'agit du placement de sa mère dans un asile (les EPHAD de l'époque), du fait qu'il la voie morte ou pas, qu'on la recouvre ou non, on a l'impression que la vie et la mort n'ont guère d'impact sur lui. Ce détachement, pris pour de l'inhumanité par le procureur et le jury, lui sera fatal.

Étranger, absurde, dissocié, déshumain, tels sont les mots qui reflètent l'impression laissée par ce coupable convoqué pour un procès en meurtre avec préméditation à qui on reprochera essentiellement son absence d'émotion lors du décès de sa mère. Aller se baigner, passer la nuit avec une fille, rire au cinéma avec Fernandel, le lendemain de l'enterrement d'une mère semble infiniment plus coupable que le meurtre par cinq balles de revolver d'un homme sur une plage.

Il me reste à espérer que ma petite-fille trouvera elle aussi plusieurs raisons de s'intéresser à ce livre et aux questions qu'il soulève. J'espère aussi qu'elle sera sensible au ton, au style, à la ligne mélodique des phrases que je lui conseillerai de lire parfois à voix haute.
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Ah le philosophe pour classes terminales !

Quel dommage que la trouvaille vacharde de Jean-Jacques Brochier dans son pamphlet contre l'Etranger soit empreinte de tant de mépris pour qu'on puisse vraiment l'apprécier...

De toute façon, Brochier avait tort.

Aujourd'hui encore, il est difficile de passer à côté de ce roman. Dès le début "Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas.", l'Etranger dérange. le talent de Camus est de nous tenter et en même temps, de nous éloigner du monde tel que le ressent Meursault, abruti par l'absurdité d'une vie dont il respecte mécaniquement les principaux codes, mais pour laquelle il ne peut cacher sa profonde indifférence.
C'est ce détachement qui va faire de lui et aux yeux de l' "ordre établi", un monstre. Au delà du crime réel, ce qui lui est reproché, c'est de ne pas suffisamment jouer le jeu des apparences. Il n'est même pas aux prises avec l'absurde, il s'en fiche car tout lui est égal. Comme le disait Camus, Meursault est un "amoureux du soleil qui ne laisse pas d'ombres". Comme lui, on voudrait parfois traverser la vie et n'en accepter que par automatisme, des contingences absurdes et conventionnelles. Mais on voudrait aussi combattre cette dérive car il est dur d'accepter qu'une vie se résume à la seule satisfaction de ses besoins physiologiques. C'est sans doute là, la place de l'homme, trouver le sens d'une vie qui n'en a pas intrinsèquement. Reste que cette justification doit trouver sa place entre les idéologies de toutes sortes et le nihilisme pour au final, se révolter, donc être.

Ce roman n'est peut être pas un livre.

De toute façon, Brochier avait tort. L'Etranger n'est pas un livre, mais un tableau. Disséquer la thèse de Camus est intéressant mais pas primordial. Pour moi, ce texte prend tout son sens quand on l'imagine sur une toile où se succéderaient Seurat, Van Gogh, ou Doutreleau : lisibilité sous condition de recul, fragmentation, éblouissement, immobilité apparente...Seuls les tableaux ont su rendre cette sensation de chaleur, d'accablement, de perte du réel quand brille la lame au soleil, quand la plage vibre. Tiens, s'il fallait choisir une seule référence, ce serait "El perro hundido" de Goya. La solitude devant un monde inconnu qui vous engloutit sans que vous cherchiez à lui échapper : c'est l'univers de Meursault.
Faites l'expérience. Une fois le "livre" achevé, fermez les yeux et donnez lui ses véritables formes et couleurs.

Alors ?
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Mon père m'a emmenée voir le film au cinéma dès sa sortie, en 1967 je crois, j'avais environ 12 ans, je n'ai alors évidemment rien compris, lui non plus ! Mon père s'était tout simplement fourvoyé, je pense qu'il aurait préféré voir un Gabin ou un Borsalino, quelque chose de son niveau quoi …
Mais depuis, je n'ai de cesse de lire ce roman , de le relire, et de le relire encore, connaissant par coeur l'incise, bercée par le rythme si spécial de ces morts , aveuglée par ce soleil assassin, peuplée des images viscontiennes qui ont finalement marqué mon esprit de presqu'ado, habitée de cet absurde que j'aime tant dans la littérature de Camus et sous le charme intégral d'un Mastroïanni jeune et séduisant qui dénotait le personnage !!
Qui peut vivre sans avoir lu l'Etranger de Monsieur Camus ?
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L'étranger figurait dans la liste des livres à lire pour la préparation de mon bac de français, lorsque j'étais en première au lycée. Je l'avais tout de suite lu, dès le début de l'année, et comme je n'avais jamais rien lu de tel, je l'avais relu, rerelu, en tout une bonne dizaine de fois dans l'année.

Meursault m'apparaissait alors comme un extraterrestre, un cyborg, un handicapé du sentiment, un être hors du commun que l'on ne rencontre que dans un livre, et sorti de l'imagination débridée d'un auteur. Par définition, quelqu'un de ce type ne pouvait exister dans la vraie vie. Tellement indifférent, sans une once de sentiment, qui tue un autre être humain machinalement,...

Le texte m'avait interrogé, intrigué, fasciné mais je n'y avais pas trouvé alors une quelconque beauté. Il me semblait correspondre au personnage, plat, sans relief et dénué de toute empathie.

Quarante ans plus tard, je vois naturellement les choses d'une toute autre façon. Est-ce l'âge ? Mon niveau de tolérance et de bienveillance qui s'est élevé ? Toujours est-il qu'à la relecture de ce texte, Meursault ne m'apparaît plus comme je le voyais à seize ans. Bien au contraire, je le perçois comme un être libre, pas du tout indifférent au monde et aux choses, mais bien au contraire très conscient de la beauté du monde, respectant les gens qui l'entourent et plutôt victime des circonstances en ce qui concerne le meurtre qu'il a commis, même si je pense que chaque être humain est responsable de ses choix.

Et surtout, lorsque je suis arrivée au point final du livre, j'ai réalisé à quel point ce texte était magnifique. Je ne sais pas comment j'ai pu rater autant de détails, mais tout y est, toutes les questions qui ne trouvaient pas de réponses parce que je ne les avaient pas saisies ou pas vues, toute l'absurdité du monde et des hasards de la vie. Et je me suis enfin rendu compte à quel point Albert Camus était un immense écrivain.
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Voici un classique que l'on peut avoir l'occasion de lire durant sa scolarité
ou par le bouche à oreille

mais un livre qui ne laisse pas indifférent, qui marque les esprits de nombreuses années après.

roman intemporel, court, philosophique (certains préciseront "philosophie de l'absurde" ok pourquoi pas ?)
avec un personnage (auquel on s'attache) solitaire, étranger donc, optimiste, résigné.

à lire et à relire
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Un classique étudié au lycée qui me laisse un souvenir impérissable. Il faudrait le relire à la lueur de ma quarantaine. Qu'il est loin cet âge où on lisait du Camus au lycée. J'avais enchainé avec la peste. Je passerais pour un snob intello aujourd'hui. Mais quel bonheur ce fut. Et cette satanée manie de vouloir enfermer les romans dans des collections "Classiques", "Ados" et autres. Un ado peut "s'éclater" avec du Camus, la preuve en est faite alors que le terme classique rebute ceux qui ont peur de la poussière et des araignées que l'on trouve sur les armoires du sous sol des bibliothèques. Action jeunesse !!!!
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Pour moi l'Etranger est le roman le plus extraordinaire de toute la littérature mondiale, par sa complexité, ses différents niveaux de lecture. Son mystère.
Comme on a beaucoup commenté sur l'Absurde, et le reste, je relèverai d'autres points moins exploités, qui me semblent pourtant importants
Ainsi dans sa préface à l'édition universitaire américaine de L'Etranger, l'auteur (bien que non croyant) écrit « Meursault est le seul Christ que nous méritons ».
Figure de Christ car Meursault accuse les coups, l'incompréhension de ses juges et de la foule qui le condamnent à mort, parce que le héros est menaçant, différent, inconcevable, irrécupérable. Meursault porte sa croix et trace son calvaire et pourtant il est innocent - même s'il a tué par maladresse.
Ses dernières pensées sont les derniers mots du Christ mourant sur la croix, quand Meursault dit « pour que tout soit consommé » - cela signifie qu'il faut qu'il meure sous la guillotine, maintenant que sa vie se trouve comme parachevée, maintenant qu'il a été jugé, condamné, tout comme le Christ, honni par la foule et même flagellé, à présent que notre héros a dit la vérité rien que la Vérité. Pour sauver sa vie il aurait pu mentir. Mais non.

On relèvera dans le roman l'onomastique qui est en lien avec la religion chrétienne :
Il y a « la fiancée » Marie, le prénom de la mère de Jésus, jeune fille simple et bonne, qui aime Meursault, plaide en sa faveur, le pleure, le réconforte en prison. Il faut se rappeler aussi que cette jeune fille dans le roman porte… le nom et le prénom de la grand mère maternelle d' Albert Camus, à savoir Marie Cardona. Celle-ci mourut alors que le jeune Albert avait une dizaine d'années.
Il y a Céleste, prénom signifiant le ciel et son dérivé « divin », promesse pour les croyants d'une éternité, d'espoir de retrouver ses proches, et la passion connue de Camus pour la lumière et le soleil). Céleste est un brave homme et se montre toujours bienveillant envers Meursault.
Salamano ( le voisin qui regrette la disparition de son chien et parle en termes affectueux de la mère de Meursault, le réconforte de son deuil, lui trouve même un bon fond) est à rapprocher de « salam » qui signifie « la paix », et même de Soliman le Magnifique, connu pour son caractère épris de justice et de miséricorde.
On trouve aussi Emmanuel - L Emmanuel c'est le nom de Jésus dans la Bible - un copain de travail de Meursault, qui lui prête sa cravate de deuil, et qui lui dit cette phrase qui prend des airs de truisme, mais qui, en fait, est tout emplie de vérité et de bonté : « on n'a qu'une mère ».
Ces personnes témoigneront en faveur de Meursault, lors du procès, mais leur déposition n'aura aucun poids.

Raymond Sintès - celui par qui indirectement le drame arrive, porte le nom de famille de la mère de Camus. La mère de l'écrivain est vue aussi comme un Christ - il la décrira ainsi plus tard dans des écrits. Dans le roman comme dans la vie réelle, ces femmes portent leur croix comme leur fils, l'une en étant muette et sourde, l'autre en regardant son fils dans la solitude en attendant de finir ses jours à l'asile et d'y trouver comme dernier réconfort un fiancé. Curieuse alliance, curieuse ressemblance, Camus n'a rien laissé au hasard.
Il y aurait encore beaucoup à dire, et il est probable que je viendrai rajouter d'autres points de détails prochainement.

Je voudrais néanmoins rappeler combien Albert Camus a voulu ressusciter et immortaliser sa propre famille en l'immisçant dans un grand nombre de ses ouvrages et lors de ses propos publics —- et les spécialistes ou lecteurs qui ont pris le soin, la curiosité et l'intelligence de s'intéresser à ce génie littéraire que fut Camus, d'ailleurs critiqué actuellement par une frange d'individus qui ne recherchent que la démolition de notre culture et notre société —- ces personnes cultivées et honnêtes partageront mon avis.

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Nous suivons Meursault, de l'annonce de la mort de sa mère à son exécution pour homicide, il a tué un homme "parce qu'il faisait chaud".

Meursault, nous raconte son histoire, d'un ton laconique, tout glisse sur lui, pas de chagrin à la mort de sa mère, sa relation amoureuse avec Marie, qu'il l'épouse ou pas l'indiffère. Il est "Etranger" à tout ce qui l'entoure. Il ne sait pas mentir, ni pleurer et encore moins aimer, c'est ce qui le mènera à sa perte.

Un classique incontournable

Préface à l'édition américaine de L'Étranger (1958)

« J'ai résumé L'Étranger, il y a longtemps, par une phrase dont je reconnais qu'elle est très paradoxale : “Dans notre société, tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.” Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu'il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société où il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle. Et c'est pourquoi des lecteurs ont été tentés de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage, plus conforme en tout cas aux intentions de son auteur, si l'on se demande en quoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple, il refuse de mentir. »
Albert Camus, préface à l'édition américaine de L'Étranger [1958], dans Oeuvres complètes, tome I, Gallimard, « La Pléiade », 2006
Lien : https://monjardinleslivres.b..
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L'étranger de Camus est indissociable pour moi de « La nuit juste avant les forêts » de Koltès. Ces deux humains, seul tente de « prendre avec », comprendre leur cosmos.
Ce sont des textes qui nous renvoient à la solitude, à l'autre, à l'eau de nos larmes. « Un homme, ça s'empêche » comme disait le père de Camus, mais ici on sent au-delà du tragique, on plonge au coeur de Phèdre, on ne fait plus que la regarder.
Dans une vie, un humain rencontre Camus, ma plus belle rencontre avec lui est dans l'étranger !
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