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sur 2439 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Les errances de Limonov sont le reflet de plusieurs époques qui se succèdent. Même si je ne comprends pas la fascination obsessionnelle de l'auteur pour cet illustre inconnu, qui s'avère franchement n'être qu'un paumé fasciste, ni son obstination à vouloir nous le faire voir comme un homme qui aurait pu, s'il avait eu moins de malchance, compter dans l'histoire (voire être Poutine à la place de Poutine), je me suis laissée accrocher par le style, l'écriture, les faits historiques et la plume coup de poing d'Emmanuel Carrère. Limonov semble avoir eu un charisme incroyable auprès de son biographe, probablement mal récompensé en retour de son intérêt. Nous faire découvrir la Russie de l'intérieur, celle qui regrette le communisme, et la complexité des changements vécus à cette époque en démontant nos à priori d'Occidentaux est un challenge intéressant et audacieux. le parcours de Limonov devient plus difficile à suivre sur la fin, mais l'ensemble est une fresque assez convaincante.
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Je ne suis pas une grande admiratrice de l'auteur, je trouve son style trop journalistique, mais pour le coup je l'ai trouvé au meilleur de sa plume, galvanisé peut-être par le destin extraordinaire de l'homme qu'il décrivait.
Emmanuel Carrère nous dresse un portrait passionnant du poète maudit Limonov (que je ne connaissais pas du tout), et même si il tente de nous expliquer et de se persuader à toutes les pages que c'est un sale type violent et alcoolique qui est près à écraser la terre entière pourvu qu'il y gagne un peu en reconnaissance et en pouvoir, on ne peut s'empêcher d'éprouver de la sympathie pour le bonhomme. C'est aussi un petit bout de la grande Histoire qui nous est contée, celle de l'URSS et de sa chute, à nos jours.
Juste un petit bémol: l'auteur aurait pu nous épargner les anecdotes sur sa propre vie.
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Difficile de résumer cette biographie d'un homme lui-même difficile à cerner. Édouard Limonov (71 ans actuellement) a vécu plusieurs vies, écheveau où l'on a du mal à distinguer un fil directeur. S'il fallait à tout prix définir ses raisons d'être en quelques mots, on pourrait dire qu'il a constamment aspiré à être reconnu soit comme un grand écrivain, soit comme un héros.
Emmanuel Carrère, logiquement, a découpé son livre en chapitres correspondant aux grandes périodes de la vie de Limonov : enfance et adolescence en Ukraine (qui fait alors partie de l'URSS, mais Limonov est russe et fier de l'être) où, à la fois jeune voyou et poète maudit, il échappe à la prison et part pour Moscou. La lourde ambiance brejnévienne le pousse à s'exiler, avec sa compagne du moment, en 1974 et définitivement pense-t-il, aux États-Unis où il passera huit années, dont les premières dans l'indigence. Au début des années 80, il s'installe (avec sa compagne du moment encore, mais ce n'est plus la même) à Paris ; il y fréquente sans complexe le microcosme littéraire de gauche et de droite, écrit des articles à la fois pour "l'Huma" et pour "l'Idiot international" de Jean-Edern Hallier, ce qui ne facilite pas l'appréhension de sa pensée par l'observateur lambda, et ce ne sont pas les photos où on le voit discutant avec les militaires serbes au-dessus de Sarajevo bombardée qui contribuent à redorer son blason auprès de l'intelligentsia occidentale. Mais le Mur est tombé, Limonov rentre en Russie et consacre le gros de son énergie, désormais, à l'activisme politique, qui le mènera en prison. Ses deux années de détention sont un titre de gloire pour lui qui ne s'est jamais vu en écrivain "de bureau" ; la plupart de ses livres sont autobiographiques et son écriture ne s'embarrasse pas de périphrases.
Le style adopté par Emmanuel Carrère dans cette biographie emprunte à son sujet une certaine crudité qui m'a parfois un peu gêné car si elle cadre bien avec la violence naturelle de Limonov, elle n'apporte rien à un récit somme toute distancié.
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Son biographe disait de lui que « sa vie symbolise bien les rebondissements de la seconde partie du XXème siècle ». Limonov, c’est l’homme qui a tout vécu, celui dont on envie les aventures, même si finalement, au bout du chemin, on n’arrive plus tellement à se souvenir de tout ce qu’il lui est arrivé. Parce que ces quelques pages sont pleines de rebondissements, certains plus développés que d’autres, tous complètement différents, même carrément opposés. La seule chose qui relie ces aventures entre elles, c’est ce héros franchement étrange: Limonov. Qui ne s’appelle même pas vraiment Limonov en fait, mais Edouard Savenko.

Il y a de quoi s’y perdre dans cette histoire sans dessus dessous, avec tous ces personnages qui s’entremêlent, certains plutôt familiers, et puis d’autres franchement inconnus qu’on recroise au hasard des chemins, et dont on a tout oublié entre temps.

Heureusement, dans cet enchevêtrement de gens, aventures, lieux, il y a la voix apaisante, logique et sincère d’Emmanuel Carrère. Il ne fait pas que nous raconter l’histoire de Limonov, il ne fait pas que nous livrer sa vie sur un plateau, il y mêle ses propres réflexions. Qu’est-ce qu’on doit penser de ce personnage? Ce n’est franchement pas évident à tirer au clair. Mais l’auteur nous livre ses pensées, sa façon à lui de le voir, ce qu’il a appris de cette vie inhabituelle. Cela nous aide à faire le tri, à faire la part des choses. On sent qu’Emmanuel Carrère a essayé de se rapprocher au maximum de cet homme énigmatique et contradictoire, qu’il a fait des parallèles entre leurs vies, leurs idées et leurs aspirations. Il nous donne tout ça, sans enrobage, avec un vocabulaire direct et franc. Et ça fait son petit effet.

C’est le genre de biographies qui vous donne l’impression de n’avoir rien vécu. On finit ce livre, un peu déçus peut-être que Limonov n’ait pas concrétisé ses rêves, mais toujours envieux de toutes ses expériences, de sa force de caractère qu’il a pu mettre à l’épreuve dans les conditions les plus difficiles. Et nous, on est là, dans notre canapé, à lire tout ça, et à se demander si nous on aurait pu faire ça. Et bien non, on n’aurait pas pu. Et je pense que c’est pour ça qu’Emmanuel Carrère a voulu faire cette biographie. Parce qu’elle n’est juste pas croyable, pas réalisable. Et que n’importe qui n’aurait pas pu faire ça. Limonov, sans son égoïsme primaire, n’aurait jamais pu vivre tout ça. C’est tout ce qu’il est, tout ce en quoi il croit qui fait de lui cet aventurier instable, irrespectueux les règles et les conventions.

On n’a beau ne pas savoir quoi penser de cet homme, pour sa personnalité imbuvable, pour ses opinions politiques, pour sa violence et ses convictions, mais on ne peut pas s’empêcher de l’admirer, de l’envier.
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Destin hors normes que celui d'Edouard Limonov. Emmanuel Carrère ne s'y est pas trompé, qui restitue ici la vie du baroudeur russe sous forme de roman, après de nombreuses années d'enquête auprès des figures incontournable de son existence. Mais qui est donc Limonov ? La dernière page du livre tournée, difficile encore de se faire une idée précise et arrêtée du personnage. Même Carrère, qui le connut pourtant lorsqu'il était l'écrivain à la mode du Paris des années 1980, conclut sur d'endémiques interrogations. C'est qu'avant de devenir un des opposants politiques emblématiques à Poutine, Limonov fut tour à tour poète raté, clochard, valet d'un richissime Américain, auteur reconnu, pour finir par aller faire le coup de feu dans les Balkans au côté des ultranationalistes serbes. Ce dont on peut être sûr, au final, c'est que Limonov, « on ne l'achète pas, on ne le domestique pas. Il est un bandit de grand chemin (…). » de manière parfois crue, à l'image de ses frasques sexuelles et des [...]
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Cette biographie racontée avec fougue est un grand plaisir de lecture. J'ai apprécié surtout la deuxième moitié, où la vie de Limonov épouse l'histoire de la Russie des années 90.

Carrère s'interroge : pourquoi les russes aiment Limonov, ce voyou ? En bon connaisseur de la Russie, Carrère est capable de creuser cette question et de nous faire réfléchir sur l'histoire.

Le romancier pose sur son héros un regard où se mêlent fascination et rejet. C'est cette ambivalence qui fait la grandeur de ce roman-biographie. Sans cela, il aurait pu tourner au manichéisme. Singulier mélange de sublime et de ridicule, ce Limonov ! le mélange de genres qu'il pratique est explosif et le voue à l'échec.

Passionnant, le parallèle entre l'engagement de Soljenitsyne et celui de Limonov. (Petit rappel : Soljenitsyne, le plus grand écrivain russe de son temps, était interdit de publication en URSS dans les années 70, juste avant son départ vers les USA). Cela touche au coeur des contradictions de l'histoire russe. D'ailleurs, cette contradiction, on la retrouve dans l'épigraphe signé Poutine : „Celui qui veut restaurer le communisme n'a pas de tête ; celui qui ne le regrette pas, n'a pas de coeur”.
Les pages où l'intrigue se déroule en Roussie sont les plus réussies, les épisodes en USA et en France ont moins de relief.

J'ai envie de comparer ce livre à Hammerstein de H M Enzensberger. Dans Hammerstein, l'écrivain allemand enquête sur l'exceptionnel destin d'une famille sous Hitler et nous fait réfléchir sur l'histoire. Cependant, l'évocation de H M Enzensberger est beaucoup plus concise. Chez Carrère pas d'économie de moyens. Mais, grâce à la clarté de son propos, l'intérêt du lecteur reste éveillé, on suit sans peine le fil rouge. En refermant le livre, je me suis dit : c'est un coup de maître !
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Finalement, ce n'est pas avec l'Adversaire mais Limonov que j'ai continué ma découverte des livres d'Emmanuel Carrère. J'avais été très déçue par la lecture d'Un roman russe, mais je suis entêtée et je n'avais pas envie de rester sur cette note amère. le hasard a fait que Limonov est tombée entre mes mains.
Et, du point de vue de mon appréciation de lectrice, il est aux antipodes d'Un roman russe. Je l'ai lu pendant que nous étions au Japon et l'ai terminé très vite.
Bravo Emmanuel. Je m'adresse à nouveau à toi avec mon tutoiement insolent à ton égard, mais après cet article, promis, j'arrête.

Offrir un résumé de l'enquête que tu as mené sur Limonov, tour à tour petite frappe, poète en Russie et en France, majordome aux Etats-Unis, mercenaire en Serbie, écrivain et homme politique, ne serait pas pertinent. Limonov, c'est l'histoire d'un auteur qui part à la rencontre d'un homme impénétrable, fascinant et repoussant à la fois, pour tenter d'en savoir plus sur lui, mais aussi sur notre très court et très lourd XXe siècle.

Ma mère est polonaise. Elle est partie en France à la fin des années 70, pour des vacances à la base. Elle n' est retournée à Varsovie qu'en 1989, avant la chute du mur, mais quand tout le monde sentait déjà que la machine soviétique allait s'écouler. Comme tu le vois, j'ai des raisons très personnelles qui font que j'ai toujours porté un intérêt fort à la guerre froide, aux pays de l'Est et surtout à ces destins compliqués qui réussissaient non sans séquelles à passer de l'autre côté du rideau de fer.
Mais compliqué n'est même pas assez fort pour décrire Limonov. On referme le livre en se disant que cet homme reste un mystère.

J'ai adoré ton récit, la force de tes investigations, les émotions que tu as ressuscitées en lui, qui ensemble nous plonge dans ses souvenirs, avec sa famille, sa Natacha, nous emmène avec Boris Elstine et tous les autres. La trame géopolitique et historique est parfaitement intégrée, se fond sans anicroche dans le déroulé de la vie de Limonov. C'est une période récente, mais je n'étais même pas entrée à l'école primaire quand l'URSS s'est effondrée. On a, à mon sens, mis longtemps à l'insérer (intelligemment) dans les programmes scolaires. Dans ma génération, je n'en connais pas beaucoup qui comprennent vraiment les rouages de la grandeur et de la décadence de l'empire soviétique. Tu en relates bien les grands pans, avec de l'humour parfois, ce qui ne gâche rien. J'ai aussi aimé, et là tu touches à l'historienne qui est en moi, ton recul, ta volonté de ne présenter Limonov ni comme un héros complet ni comme un s*** accompli. Pourtant, il y aurait de quoi, à tous points de vue. Tu restes assez neutre, même si on comprend ta prise de distance, ta gêne à certains moments par rapport à certains de ses choix.

Tu m'as permis d'en apprendre plus sur la politique muselée de la Russie actuelle, où des grou(puscule)s – pas toujours des enfants de choeur – existent et entendent dénoncer le renouveau du tsarisme. Bien sûr, tu nous parles toujours un peu de toi, mais cette fois, je n'ai pas trouvé ça nauséabond, je dois m'habituer à ta marque de fabrique.

On voyage avec les souvenirs de Limonov en Asie centrale, dans la froide Russie, dans les luxueuses résidences américaines mais aussi avec lui en prison. Et on chemine dans sa tête, on suit l'évolution de ses opinions, de ses convictions, de ses choix spirituels. On revit l'enfance d'un petit garçon fier de son père militaire, la décadence d'un homme qui vieillit et qui devient cynique, désabusé par un monde qu'il pensait voir renversé et qui n'a que fait tomber des dictatures pour en ériger d'autres, bénies et joliment vernies.

L'exemple que j'aimerais citer pour finir, c'est quand tu évoques le débat sur les droits de l'Homme. Tu expliques au début de ton livre que lors d'échanges avec des expatriés français à Moscou, beaucoup te disent que les Russes s'en moquent des droits de l'Homme, qu'ils adorent Poutine et que personne ne lisait la « feuille de chou » de Politovskaïa. Que les occidentaux, avec leur morale bienpensante, veulent implanter la démocratie partout en oubliant qu'il faut d'abord remplir le ventre de ceux qui ont faim. Et tu relates une conversation, qui, je l'avoue, m'a fait bien rire, entre Limonov et sa mère : lui disant de couper le gaz qu'elle laisse allumé toute la journée et lui expliquant que cela lui coûterait une fortune s'il faisait ça en France, sa mère, interloquée, n'en revient pas : les capitalistes sont radins au point de faire payer le gaz à leur peuple !
Je suis profondément attachée à la défense des droits de l'Homme et à la démocratie. Mais il est vrai que ton livre fait penser à l'Östalgie et permet de comprendre – sans aller jusqu'à l'approuver – pourquoi une tranche de la population de ces pays regrette l'époque où l'Etat, certes oppresseur et dictatorial, leur fournissait un travail et le minimum vital à tous, gratuitement.

Au final, Limonov, c'est un homme qui a voulu faire des choses bien et qui en a fait beaucoup de mal. C'est plus qu'un roman, c'est un témoignage, le portrait sociologique d'un être mais aussi de nos sociétés aisément amnésiques.

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Un bon Carrère, un bon personnage, une fresque historique, tous les ingrédients sont là pour faire de "Limonov" un livre très plaisant
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Un livre accrocheur que l'on dévore de par la diversité des lieux, des époques et de l'évolution du fascinant personnage qu'est Limonov.
Ce récit m'a permis de mieux cerné ce personnage controversé mais aussi de mieux appréhender l'histoire de la Russie.
Un livre enrichissant mais aussi trépidant...Les péripéties et la complexité du personnage en font un véritable roman d'aventure...Voir éthique, politique, philosophique. Un livre qui m'a fait beaucoup réfléchir sur l'existence humaine : le temps, l'histoire, les choix...
Je vous le conseille en urgence !
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Long ! Mais passionnant ! La découverte d'un homme et de son pays par l'intérieur même de son âme. Et en même temps, après cette longue analyse, quelque chose nous échappe encore, sur l'homme, sur la Russie...
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