Je replonge dans la SF, une SF, terriblement en rapport avec notre vie humaine ordinaire, la vie d'Andréa Cort.
Le nombre de livres de la collection Albin Michel Imaginaire commence à prendre de plus en plus de place dans ma bibliothèque, moi qui avait délaissé la SF, la fantasy, l'anticipation et qui trouvait que depuis des années,
Stephen King ne produisait plus rien de bon (oui, je suis exigeante, mais j'aime quand ses écrits sont bons) à ma grande tristesse et j'en étais réduite à relire ses premiers romans. Bien sûr, il y a aussi d'excellentes séries d'anticipation télévisées comme "Dark", "The haunting of Hill House", "The haunting of Bly Manor" qui sont pour les dernières de très belles constructions à partir des écrits de
Shirley Jackson et
Henry James, ou "Castle Rock" qui s'inspire de l'univers de
S. King, mais "le roman" me manquait, celui qui laisse place à l'imaginaire (au mien) et j'ai vraiment apprécié "Emissaire des morts".
Premièrement, le personnage principal est une femme qui ne s'en laisse pas conter, à l'intelligence affûtée, trop parfois : il m'a toujours semblé qu'être intelligent doit être une souffrance au quotidien face à l'imbécilité des autres, une fatigue face à leur incapacité à comprendre ce qui semble évident. La communication peut devenir un vrai problème et accroître la distance avec l'autre.
Andréa Cort est une femme, une belle femme avec une mèche unique longue noire sur une coupe courte. C'est une solitaire : son enfance s'est terminée brutalement, lorsqu'elle a été la seule rescapée d'un massacre totalement inexpliqué entre les deux tribus de la planète où elle vivait avec sa famille, massacre au cours duquel, la petite Andréa a dû tuer son père adoptif pour se défendre. Lorsque Andréa a été récupérée par les autorités compétentes, elle a subi un parcours pesant de prison, institutions psychiatrique telles qu'elles existent à son époque (fort, fort lointaine). Ses nuits sont de vastes cauchemars où elle revit des souvenirs parcellaires des évènements. Andréa cherche des réponses à son passé, mais ne les trouvent pas. Elle est "le monstre", l'enfant qui a tué (pourtant en état de légitime défense), celle qui est différente et dont la structure mentale fait peur. Sa situation, sa vie me font penser à celle à laquelle
Gitta Sereny a consacré un livre passionnant, Mary Bell, qui a tué un petit garçon à l'âge de 11 ans ("
Une si jolie petite fille")
Andréa trimballe cette étiquette, comme la fleur de lys de Milady de Winter, dans "Les 3 mousquetaires" d'
Alexandre Dumas : une flétrissure, mais aussi le signe d'une femme qui ne se laisse pas faire et sait se défendre.
"Emissaire des morts" comprend différentes enquêtes de celle qui est devenue l'assistante du procureur au sein du corps diplomatique, MaÎtre André Cort : "
Avec du sang sur les mains","Une défense infaillible", "Les lâches n'ont pas de secret", "Démons Invisibles" et "Emissaire des morts". Chacune de ses enquêtes est un petit bijou de réflexion : elles se passent sur différentes planètes, dans différents univers, différentes cultures, nous parlent de connaissance de l'autre, des rites, de l'isolement, du bonheur. Ces enquêtes ont beau avoir lieu "ailleurs", elles sont "here, there, everywhere" : ici, là-bas, partout. Elles posent des questions universelles, remettent en question les valeurs, nous invitent à nous questionner. J'attends avec impatience la suite des aventures d'Andréa qui a progressé sur le chemin de l'acceptation de soi. Néanmoins, qu'
Adam Troy Castro prenne tout le temps nécessaire pour imaginer de nouveaux défis pour son héroïne : il faut du temps pour créer de belles histoires, comme il en faut pour créer un tableau, une armoire, un sac qui dure dans le temps.