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4,29

sur 1712 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Autant que Balzac, Céline aurait pu appeler l'ensemble de son oeuvre "La comédie humaine". Y 'en a pour tout le monde, braves gens ne vous battez pas : parents hystériques,bourgeois mesquins,commerçants malhonnêtes,cantatrice psychédélique (avant l'heure), inventeurs mythos, directeurs d'école ratés, anglaises aux dents longues, et j'en passe. Heureusement qu'au bout du compte le tonton sauve l'affaire et nous réconcilierait presque avec le genre humain.
Et fichtre, quelle margoulette, quelle richesse de vocabulaire ! Il m'aurait fallu un dico à certains moments, genre "la méthode à Mimile".... Emporté par un rythme dément, on ressort ahuri, époumonné, bluffé, confondu, au bout de 600 pages qu'on n'a pas vu passer.
Un bémol toutefois : on a parfois l'impression que Céline s'auto-parodie tellement il en fait, et ce surtout dans les quarante premières pages. Si j'osais je comparerai à... Proust (si si) : c'est le début qui est dur, une fois rentré dedans on ne peut plus lâcher. J'ai beaucoup aimé, même si j'ai préféré "Voyage au bout de la nuit" que je trouve plus analytique sur cette fameuse condition humaine justement.
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" Qu'est-ce que vous vous voulez savoir ?... Ma jeunesse ? Mais ça n'intéresse personne... ça a si peu d'importance. Ce n'est rien, ma jeunesse, ça n'existe plus... Vous feriez mieux de demander à d'autres... ça leur ferait plaisir de parler d'eux... Ils ont une carrière à faire, ils y croient... l'Académie... Moi, aujourd'hui on ne m'aime pas... Et puis c'est triste, ma jeunesse... Vos lecteurs, ils veulent des choses gaies, le monde est bien assez moche comme ça... Alors, inventez, c'est pas moi qui vous contredirai... "
(Entretien avec Claude Bonnefoy, 1961).

Louis Ferdinand Céline était un salaud qui se savait salaud et en rajoutait une couche.
Mais il a d'abord laissé cet incipit de « Mort à crédit » :
« Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste… Bientôt je serai vieux. Et ce sera enfin fini. Il est venu tant de monde dans ma chambre. Ils ont dit des choses. Ils ne m'ont pas dit grand-chose. Ils sont partis. Ils sont devenus vieux, misérables et lents chacun dans un coin du monde.
Hier à huit heures Madame Bérange, la concierge, est morte. Une grande tempête s'élève de la nuit. Tout en haut, où nous sommes, la maison tremble. C'était une douce et gentille fidèle amie. Demain on l'enterre rue des Saules. Elle était vraiment vieille, tout au bout de la vieillesse. Je lui ai dit dès le premier jour quand elle a toussé : « Ne vous allongez pas, surtout !… Restez assise dans votre lit ! » Je me méfiais. Et puis voilà… Et puis tant pis.
Je n'ai pas toujours pratiqué la médecine, cette merde. Je vais leur écrire qu'elle est morte Madame Bérange à ceux qui l'ont connue. Où sont-ils ? »
Une histoire ? : Oui, oui, il y a une histoire. Souvenirs d'enfance et de jeunesse dans un délire fiévreux. « Alors, j'ai bien vu revenir les mille et mille petits canots au-dessus de la rive gauche…ils avaient chacun dedans un petit mort ratatiné dessous sa voile... Et son histoire…ses petits mensonges pour prendre le vent. »
Et pourtant il y a l'oncle Édouard.
Des Personnages ? : À foison, ça en pleut dans tous les coins, décrits, faut voir … ! Des secondaires et des principaux, mélangés. le Ferdinand, bien sûr, celui qui nous parle .Des Ratés et inadaptés, émouvants, tragiques autant que ridicules ; figures géniales : enfin… ce ne sont pas les personnages mais la façon de les décrire. Des « tètes » à la « frères Joël et Ethan Coen » mais en moins caricaturales, plus tragiques, plus agitées, plus…
Mais tendresse aussi de Céline pour ses personnages. La grand-mère Caroline qui meurt: « elle a voulu me dire quelque chose,……travaille bien mon petit Ferdinand, qu'elle a chuchoté…j'avais pas peur d'elle. On se comprenait au fond des choses. Apres tout, c'est vrai, en somme, j'ai bien travaillé…ça regarde personne »
Et il y a l'oncle Edouard et son tricycle mono cylindre
Un style ? : La « fameuse musique » de Céline. Descriptions collectives hallucinées. L'argot y devient
une création littéraire musicale et lyrique, qui passe outre toutes les règles grammaticales.
Et le correcteur orthographique de « Word » ne veut pas !!!
Les points d'exclamations scandent les fureurs et des horreurs.
Et pourtant, il y a l'oncle Edouard qui est toujours là quand il faut.

Pour quelles raisons pourrait-on ne pas aimer ce livre ?
Pour les mêmes raisons qu'il peut nous époustoufler.
C'est du genre bavard bien sûr, parce que même dans les descriptions, on entend le Ferdinand qui parle.
Essayez, vous verrez. Si vous « ne rentrez pas dedans » ce n'est pas grave.
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Décapant, décoiffant, cruel, cru, féroce, éblouissant, saisissant, je ne sais quel qualificatif donner à ce roman.
Je vais retenir saisissant …

Saisissant par le style inédit ; je n'avais jamais lu un truc pareil (il faut dire que c'est mon « premier Céline »).
C 'est l'argot à l'Académie Française, c'est une trombe, un orage avec ses éclairs et sa foudre, une avalanche.
Les pages vibrent, le livre fume sous l'intensité du verbe.
On en sort fatigué, mais de cette saine fatigue qu'on éprouve au retour d'une longue randonnée sur des chemins difficiles.

Saisissant par la rage qui s'en dégage. Tout un monde est broyé méthodiquement, une certaine culture, la petite bourgeoisie, les paysans, la famille, les « élites » (autoproclamées), bref toutes les classes sociales.
Il y a peu de rescapés à l'issue de cette entreprise systématique de démolition (l'oncle Edouard, la grand-mère, Irène, ... peut-être ... et en creux).

Saisissant par la justesse et la profondeur de la description des affres d'une enfance et d'une adolescence mise au rebut, en proie à l'égoïsme et l'aveuglement confit de parents qui semblent ne pas discerner la nuance entre éducation et élevage.
Entre le masochisme sacrificiel d'une mère ( ? … plus épouse que mère …), et les délires d'un père qui tente de masquer sa lâcheté intrinsèque dans des boursouflures de tyran domestique.

Saisissant car, sans verser dans la psychologie à deux balles, on ne peut pas s'empêcher de rechercher dans ce récit quasi-autobiographique, les sources des délires antisémites et des bassesses intellectuelles dans lesquelles Céline s'est ensuite vautré.
Peut-être ce syndrome des enfants battus qui deviennent (pour certains) eux même des bourreaux d'enfant … On ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec la paranoïa du père et sa haine proclamée des franc-maçons et des juifs.
De même que l'écriture torrentielle de Céline pourrait être rapprochée des éructations paternelles (mais avec le talent en plus).

Saisissant parce qu'au milieu de ce jeu de massacre, il est parfois possible de percevoir, au détour d'une phrase ou d'une expression, une certaine tendresse, une mélancolie pour « ce qui aurait pu être ».
La férocité n'est-elle pas ici à la fois l'expression d'une colère, et le masque d'une certaine tristesse.

J'ai longtemps hésité à lire Céline. Son côté sulfureux, et le caractère immonde de certains de ses écrits ont fait que j'avais jusqu'ici pratiqué l'auto-censure.
Je ne regrette pas cette incursion. Céline est un immense écrivain.
Et pour « le reste » autant admettre que le talent littéraire et la rectitude morale ne sont pas obligatoirement des phénomènes jumeaux ….
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Voyage au bout de l'enfance...

Préquel de "Voyage au bout de la nuit", ce roman traite de l'enfance affreuse de Louis-Ferdinand Céline au sein de sa pitoyable famille de petits bourgeois plus que médiocres. La médiocrité, associée à la vilenie des comportements, est partout présente dans cet échantillon parisien d'une classe moyenne difficilement émergeante. La veulerie morale semble avoir gangrénée cette société des années trente où notre petit Céline semble bien empêtré et en mal de se faire une place...!
Une famille désargentée, où un père petit employé d'assurance est malmené et du coup malmène les siens; où une mère, tenant boutiques à articles à bourgeois se démène à en perdre la santé...
Transbahuté de petits boulots en turbins foireux parmi les requins d'un capitalisme encore sauvage...
Envoyé en séjour "linguistique "dans une Angleterre à la société tout aussi décadente... Puis placé auprès d'un inventeur loufoque, le menant d'aventures rocambolesques à la faillite totale...
Quelle enfance aux tournures infernales !
Le tout porté par un langage des plus expressifs, tout aussi infâme que l'enfer décrit...!
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J'ai moins aimé Mort à crédit que le Voyage, (Mais 4 étoiles quand même) et je me disais : "C'est bizarre, j'ai l'impression qu'il s'est caricaturé lui-même (Céline)(en parlant du style), mais caricaturé en cédant à la facilité, c'est à dire en supprimant toute poésie et profondeur qu'il y avait dans "Voyage au bout de la nuit". Un exemple, parmi 1000 autres, la phrase, dans le voyage : "C'était comme une plaie triste la rue qui n'en finissait plus, avec nous au fond, nous autres, d'un bord à l'autre, d'une peine à l'autre, vers le bout qu'on ne voit jamais, le bout de toutes les rues du monde." de la pure poésie, certes rude, ouvrière, les muscles fatigués et les yeux cernés, les poches vides aussi, mais dans une même phrase injecter ce mélange de concret et d'abstrait pour exprimer l'improbable destinée de tout être, avec cette perspective du vide et cet écrasement, chapeau bas ! Dans Mort à crédit, Céline ne semble pas être allé au bout de lui-même et aurait tranché sa belle phrase en plusieurs morceaux séparés de points de suspension...
Quant au Voyage, pour ma part, bien sûr j'ai plus aimé certaines parties que d'autres, mais toutes les péripéties et personnages plus ou moins lamentables de la partie "banlieue" valent aussi leur pesant d'or, malgré quelques longueurs. Mais c'est normal, quand le génie s'exprime, ça déborde forcément de partout.
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d'une richesse et d'un achèvement littéraire à couper le souffle!
Lecture ardue, mais d'une puissance telle que ça en vaut la peine à chaque ligne.
Mort à Crédit m'a fait tout de même un peu moins d'effet que le Voyage... peut-être parce que le style n'était plus une découverte.

peu importe le sujet (récit assez autobiographique de l'enfance de l'auteur)
"Des histoires, il y en a tous les matins dans les journaux, mais le style, ça c'est important le style!", disait L.F. Céline
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Première édition française :

1936

Temps de lecture :

un peu moins de 13 h 00 pour un lecteur moyen (300 m/m)

Un mot sur l'auteur :

Difficile de résumer qui est Céline en quelques mots. Auteur français né en 1894 et mort en 1961. Il est certainement l'un des auteurs les plus influents (et controversés) du XXème siècle. J'y reviendrai dans ma conclusion...

Synopsis :



Que faut-il en retenir ?

Ceux qui connaissent Céline savent à quel point il détestait Proust, l'auteur le plus influent juste avant lui. Céline reprochait à Proust de n'évoquer que la vie de la « haute », tous ces bourgeois, avec leurs problèmes de riches. Céline voulait parler de la vie de ceux d'en bas.
Pourquoi je parle de Proust ? Car étonnement, la structure de « mort à crédit » m'a fait penser à « du côté de chez Swan ».
Ferdinand est adulte, il est médecin dans sa banlieue, dans son quotidien merdeux. Il est, à peu de chose près, là où on l'a laissé à la fin du « voyage... », sauf qu'on ne l'appelle plus Bardamu, juste Ferdinand.
Il est alors « projeté » dans son enfance, où l'on va le suivre dans ses pérégrinations. Pour Proust, la machine à voyager dans le temps à la forme d'une madeleine. Pour Céline, c'est une grosse fièvre.
Nous voilà alors dans la prime enfance épouvantable, crasseuse, violente du petit Ferdinand. Il s'agit d'une autofiction, mais bien des traits de l'enfance de Céline transpirent dans ce récit.
Si le « voyage » était nihiliste, « mort à crédit » bascule dans l'épouvante de la cruauté humaine. le récit est violent, illustré par bien des anecdotes. Et puis, d'un point de vue stylistique, puisque Céline c'est avant tout ce style inimitable, il enfonce le clou du « voyage ». Les phrases sont de plus en plus courtes, comme parlées staccato. Les scènes de sexes sont très explicites (on est en 1936!) et Céline montre une certaine appétence pour le « vomi » et le « scato ». C'est une plongée profonde dans la pauvreté du début du XXeme siècle, sans chichi et sans flafla.


Pour conclure :

C'est quand même, à mon sens, un peu en dessous du « voyage... », bien que cela reste du très grand art.
Mais je dois confesser que je ressens toujours le même malaise quand il s'agit de Céline.
J'ai lu, dans ma vie, un nombre assez important de livres. Très important même. Mais je m'étais toujours refusé de lire Céline, du fait de son histoire.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu en France, des gens qui ont montré une certaine complaisance pour le nazisme. Ces gens, on les désigne sous le doux vocable de « collabos ». Céline n'était pas de ceux-là. Il était bien pire. Céline a été un fervent partisan du nazisme. Il se dit même qu'il aurait été un agent important de ce régime.
Céline était un antisémite. Pas un petit qui marmonne dans sa barbe quelques blagues racistes, non, lui c'était un véritable activiste, un pamphlétaire.
Il a fui avec les nazis lors du débarquement. Il a été condamné et « embastillé » au Danemark.
Céline c'est ça aussi.
Et donc, j'avais toujours refusé la lecture de cet homme ignoble.
C'est en lisant Kerouac, que j'aime beaucoup, que je me suis rapproché de Céline. Céline était, pour Kerouac, le plus grand auteur de tous les temps.
Alors que j'avais une discussion avec un ami prof de français, maintenant retraité, sur les auteurs de la « beat génération », celui-ci a fini par me convaincre de sauter le pas et d'ouvrir « le voyage au bout de la nuit ». J'avais 38 ans…
J'en ai maintenant 43 et je relis « le voyage... » au moins deux fois par an, tant ce roman a été une révélation pour moi. Un style unique et inimitable et une vision très sombre de ce que l'humain est capable.
Mais, comme je l'ai dit plus haut, je ressens toujours le même malaise. Et je crains qu'à l'avenir, Céline, l'auteur, ne soit crucifié pour les agissements de Céline le pamphlétaire. Je pense que cela serait dommage et dommageable.
Peut-on écouter la musique de Bertrand Cantat, alors qu'il a tué sa femme à coups de poing ? Doit-on brûler ses disques ? Peut-on regarder un film de Polanski alors qu'il a drogué puis violé une fillette de 14 ans ? Immoler ses bobines ?
L'artiste est-il dissociable de l'homme ?
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C'est l'histoire d'un gamin solitaire dans le Paris d'entre deux guerres, élevé par des bourgeois pauvres, bêtes, fermés sur le monde, prétentieux qui voulaient avoir l'air d'être ...
Tout ce petit monde évolue sous l'oeil et la plume de Céline avec sa férocité et son humour qui sont des constantes dans presque toutes ses oeuvres.
Il passe naturellement de l'horreur au grotesque, il écrit comme il parle ou plutôt comme il pense, va d'une phrase à l'autre sans attendre, presque sans respirer.
Pour finir, un vrai chef d'oeuvre au même titre que " Voyage au bout de la nuit "
A lire absolument.
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N°839 – Décembre 2014.

Mort à crédit - Louis-Ferdinand CELINE – Gallimard.

« Voyage au bout de la nuit », le premier roman de Céline qui avait manqué de peu le prix Goncourt fut cependant un succès. Dans sa quête de mémoire, l'auteur choisit de nous livrer son enfance mais Bardamu qui avait été le personnage central du « Voyage » perd son nom mais se prénomme toujours Ferdinand. Cela n'en est par moins un roman autobiographique mais où il choisit des épisodes particuliers en leur donnant une dimension dramatique et en en bouleversant la chronologie. Il commence par évoquer son rôle de médecin, puis, assailli par la fièvre replonge dans son enfance  et son adolescence, celles d'un fils de boutiquier parisien des année 1900, marquées par l'échec au niveau familial et professionnel. Son père, Auguste, est employé de bureau chez un agent d'assurances et sa mère Clémence ouvre une boutique de dentelles dans le « Passage des Bérésinas». Leurs relations sont difficiles et parfois violentes. Il insiste sur cette « Belle époque », qui ne l'a pas été pour tout le monde et spécialement pour les petites gens guettés par l'endettement et finalement par la misère. le progrès technique qui caractérise ces années ne leur profite pas. Et lui de conclure que vivre c'est acheter sa mort à crédit, ce qui donne son titre au roman.
Le style est à peu près semblable à celui du « Voyage » fait de points de suspension, de phrases parfois hachées ou laissées en suspens qui veulent sans doute évoquer le délire qui a caractérisé sa manière de s'exprimer. Quant aux descriptions, elles ont plus élaborées mais prennent parfois une dimension scatologique et nauséeuse. Elles sont insistantes et parfois dérangeantes. L'argot, quant à lui est toujours présent mais le délire verbal, les propos de l'auteur parfois obscènes autours du sexe reste sa caractéristique, un peu comme une obsession..
Les personnages sont des inadaptés, des gens qui vivent en dehors de leur époque, ses propres parents d'abord mais aussi le père Gorloge, M. Merriwin, Roger-Martin Courtial des Pereires, inventeur farfelu et un peu escroc. L'oncle de Céline, Édouard qui lui vient en aide à plusieurs reprises et Caroline, la grand-mère de Céline représentent pour l'enfant une manière de s'échapper de ce contexte familial difficile. L'école ne réussit guère au jeune Ferdinand qui accompagne sa mère sur les marchés. Il devient ensuite commis puis employé chez le bijoutier Gorloge mais malheureusement pour lui cela tourne mal. Son séjour en Angleterre, chez les Merriwin est aussi un échec et l'ambiance délétère qui règne chez ses parents à cause de la misère qui s'y installe détermine son oncle Édouard à recevoir Ferdinand chez lui. C'est grâce à lui qu'il rencontre Courtial, génial inventeur mais complètement marginal et dont l'expérience d'agriculture tellurique tourne au fiasco. Son séjour chez lui quelque peu chaotique se termine par le suicide de son protecteur, le retour de Ferdinand à Paris et son engagement dans l'armée. On peut y voir une référence à son premier roman de même que son évocation de son rôle de médecin.
La mort est omniprésente dans ce texte, celle de Mme Berenge, celle de la grand-mère, le suicide de Nora Merriwin et celui de Courtial. Il y a aussi de la vie, à travers les expériences sexuelles décrites par Céline ce qui en fait un roman différent du « Voyage ». le texte évoque l'immense malheur du monde et le lecteur a l'impression que la vie de Ferdinand est un cauchemar tout juste adouci par son séjour chez les Courtial et par la présence de son oncle.
Comme toujours chez Céline, la relation est un peu décousue. Il fut beaucoup moins bien accueilli que « Voyage au bout de la nuit », fit scandale et subit même des censures, ce qui perturba Céline qui y vit une injustice. Il a sans doute voulu parler en le grossissant du malheur de l'humanité mais la dimension sexuelles du texte a sûrement dérangé le lectorat de l'époque et choqué la morale publique. Ferdinand est un personnage souffrant, victime de la malchance..
Je reste fasciné par le verbe de l'auteur, « cette petite musique célinienne »par sa compassion pour la misère humaine. Derrière les anecdotes, j'y ai surtout lu un profond désespoir. Ce roman publié en 1936 est le premier d'une trilogie autobiographique qui se poursuivra par « Casse-pipe » , inachevé, et « Guignol's band ».

©Hervé GAUTIER – Décembre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Louis Ferdinand Destouches (1894-1961), dit Louis-Ferdinand Céline, connu sous son nom de plume généralement abrégé : en Céline, est un écrivain et médecin français. Il est notamment célèbre pour son roman Voyage au bout de la nuit (1932) récompensé par le prix Renaudot. Considéré, à l'instar de Faulkner et de Joyce, comme l'un des plus grands novateurs de la littérature du XXe siècle, Céline introduit un style elliptique personnel et très travaillé qui emprunte à l'argot et tend à s'approcher du langage parlé. Céline est hélas, aussi connu pour son antisémitisme avec des pamphlets virulents dès 1937 et sous l'Occupation durant la Seconde Guerre mondiale il est proche des milieux collaborationnistes et du service de sécurité nazi.
Mort à crédit second roman de Louis-Ferdinand Céline paru en 1936 est un texte autobiographique mais très largement bricolé et arrangé. le roman se découpe en trois parties pour le lecteur :
Acte 1, Ferdinand est médecin dans la banlieue parisienne dans un dispensaire, suite à diverses péripéties, ses problèmes de sommeil et de bourdonnements d'oreilles, il est pris d'hallucinations et d'un délire très célinien par son écriture qui explose, en venant à revivre ses souvenirs d'enfance, et le roman de débuter. Nous sommes au début du XXème siècle, avant la Grande guerre, Ferdinand végète entre ses parents commerçants à qui il en fait voir de toutes les couleurs, ratant tout, rejeté de tous, dégouttant et répugnant, menant ses géniteurs à la ruine pour son éducation. Cette partie est très dure et très triste.
Acte 2, le gamin est expédié en Angleterre sur les conseils de l'oncle Edouard (seul personnage ayant un minimum d'affection pour le gamin dans le roman) pour parfaire son éducation et s'initier à l'anglais, déjà devenue la langue qui vous pose un commercial, ce qui devrait lui ouvrir les portes du marché du travail à son retour. Cette partie m'a beaucoup amusé avec entre autres une grandiose scène burlesque de vomi.
Acte 3, Ferdinand revenu en France (sans rien n'avoir appris de l'anglais) s'évertue mollement à trouver un boulot au grand désespoir de ses parents, il en viendra à se battre avec son père (dur, dur !) et c'est encore l'oncle Edouard qui l'aide. Finalement il trouve un job auprès d'un « savant » farfelu, aux idées saugrenues, et après de multiples échecs, embarque sa femme et Ferdinand dans une aventure encore plus extravagante, créant un phalanstère à la campagne, pensionnat pour gamins (en escroquant les parents) et technique moderne autant que foireuse de culture des pommes de terre ! Un final dramatique pour le « savant » et Ferdinand se retrouve à la rue, ne pouvant que retourner chez son oncle qui une fois de plus se propose de l'héberger et l'aider, mais Ferdinand désire s'engager dans l'armée… sujet d'un prochain roman.
Le roman est trop long pour mon goût mais à part ça, quelle claque ! On dira tout ce qu'on voudra de l'écrivain (je ne parle que de littérature ici) mais ce mec à inventé une autre langue ! Rappelez-vous que nous sommes en 1936 ! Pour paraphraser une célèbre réplique des Tontons flingueurs, Céline, la langue française « Aux quatre coins d'Paris qu'on va la retrouver, éparpillée par petits bouts façon puzzle... Moi quand on m'en fait trop j'correctionne plus, j'dynamite... j'disperse... et j'ventile...", certains passages sont ahurissants, une gouaille extravagante faite de démesure et d'exubérance, argot et néologismes (« Il a fallu que je m'onguente ») ; le récit drope, cavale à tout berzingue, le lecteur peine à suivre, submergé, doit faire des pauses, se demandant même parfois si ce qu'il lit est écrit en français ?
Bien entendu il y a du sexe, de la scatologie et diverses horreurs, on enrage devant ce Ferdinand qui tue à petit feu ses parents et dont la règle de vie semble être « Je retournerais plus charogne qu'avant ! Je les ferais chier encore d'avantage ! ». Au début du roman, Ferdinand adulte, est médecin mais aussi écrivain en devenir et travaille sur « La Volonté du Roi Krogold », nous en livrant de larges extraits, un bouquin qui n'est paru qu'en cette année 2023 !
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