Première édition française :
1936
Temps de lecture :
un peu moins de 13 h 00 pour un lecteur moyen (300 m/m)
Un mot sur l'auteur :
Difficile de résumer qui est Céline en quelques mots. Auteur français né en 1894 et mort en 1961. Il est certainement l'un des auteurs les plus influents (et controversés) du XXème siècle. J'y reviendrai dans ma conclusion...
Synopsis :
l'histoire du jeune Ferdinand depuis sa sortie d'école, ses frasques en tant qu'apprenti, l'Angleterre, puis son aventure avec Courtial, un inventeur facétieux.
Que faut-il en retenir ?
Ceux qui connaissent Céline savent à quel point il détestait
Proust, l'auteur le plus influent juste avant lui. Céline reprochait à
Proust de n'évoquer que la vie de la « haute », tous ces bourgeois, avec leurs problèmes de riches. Céline voulait parler de la vie de ceux d'en bas.
Pourquoi je parle de
Proust ? Car étonnement, la structure de «
mort à crédit » m'a fait penser à « du côté de chez Swan ».
Ferdinand est adulte, il est médecin dans sa banlieue, dans son quotidien merdeux. Il est, à peu de chose près, là où on l'a laissé à la fin du « voyage... », sauf qu'on ne l'appelle plus Bardamu, juste Ferdinand.
Il est alors « projeté » dans son enfance, où l'on va le suivre dans ses pérégrinations. Pour
Proust, la machine à voyager dans le temps à la forme d'une madeleine. Pour Céline, c'est une grosse fièvre.
Nous voilà alors dans la prime enfance épouvantable, crasseuse, violente du petit Ferdinand. Il s'agit d'une autofiction, mais bien des traits de l'enfance de Céline transpirent dans ce récit.
Si le « voyage » était nihiliste, «
mort à crédit » bascule dans l'épouvante de la cruauté humaine. le récit est violent, illustré par bien des anecdotes. Et puis, d'un point de vue stylistique, puisque Céline c'est avant tout ce style inimitable, il enfonce le clou du « voyage ». Les phrases sont de plus en plus courtes, comme parlées staccato. Les scènes de sexes sont très explicites (on est en 1936!) et Céline montre une certaine appétence pour le « vomi » et le « scato ». C'est une plongée profonde dans la pauvreté du début du XXeme siècle, sans chichi et sans flafla.
Pour conclure :
C'est quand même, à mon sens, un peu en dessous du « voyage... », bien que cela reste du très grand art.
Mais je dois confesser que je ressens toujours le même malaise quand il s'agit de Céline.
J'ai lu, dans ma vie, un nombre assez important de livres. Très important même. Mais je m'étais toujours refusé de lire Céline, du fait de son histoire.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu en France, des gens qui ont montré une certaine complaisance pour le nazisme. Ces gens, on les désigne sous le doux vocable de « collabos ». Céline n'était pas de ceux-là. Il était bien pire. Céline a été un fervent partisan du nazisme. Il se dit même qu'il aurait été un agent important de ce régime.
Céline était un antisémite. Pas un petit qui marmonne dans sa barbe quelques blagues racistes, non, lui c'était un véritable activiste, un pamphlétaire.
Il a fui avec les nazis lors du débarquement. Il a été condamné et « embastillé » au Danemark.
Céline c'est ça aussi.
Et donc, j'avais toujours refusé la lecture de cet homme ignoble.
C'est en lisant Kerouac, que j'aime beaucoup, que je me suis rapproché de Céline. Céline était, pour Kerouac, le plus grand auteur de tous les temps.
Alors que j'avais une discussion avec un ami prof de français, maintenant retraité, sur les auteurs de la « beat génération », celui-ci a fini par me convaincre de sauter le pas et d'ouvrir « le
voyage au bout de la nuit ». J'avais 38 ans…
J'en ai maintenant 43 et je relis « le voyage... » au moins deux fois par an, tant ce roman a été une révélation pour moi. Un style unique et inimitable et une vision très sombre de ce que l'humain est capable.
Mais, comme je l'ai dit plus haut, je ressens toujours le même malaise. Et je crains qu'à l'avenir, Céline, l'auteur, ne soit crucifié pour les agissements de Céline le pamphlétaire. Je pense que cela serait dommage et dommageable.
Peut-on écouter la musique de
Bertrand Cantat, alors qu'il a tué sa femme à coups de poing ? Doit-on brûler ses disques ? Peut-on regarder un film de
Polanski alors qu'il a drogué puis violé une fillette de 14 ans ? Immoler ses bobines ?
L'artiste est-il dissociable de l'homme ?