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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'auteur utilise un style intéressant, il s'agit d'une interview à un avocat qui a retrouvé dans son enfance le Zarco, personnage malfamé de Gérone. le passage de la frontière de délinquants. Une amitié, une romance qui traversent les années et qui finissent par nous montrer les divers souvenirs et impressions des protagonistes. J'ai bien aimé la lecture en espagnol. J'ai surtout aimé le style fluide de sa plume, le peu de mentions cassantes ou avec de préjugés, l'auteur raconte les histoires pour nous faire comprendre un contexte historique particulier.
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« Ecrire est plus facile que parler, parce que ce qu'on dit ne peut pas être corrigé, contrairement à ce qu'on écrit. »

Décidément j'aime de plus en plus cet auteur.

J'avais déjà adoré « A la vitesse de la lumière ».
Cet écrivain, Javier Cercas, est vraiment particulier, originaire de Gérone et fervent lecteur-admirateur de Jorge Luis Borges, son écriture singulière est reconnaissable entre toutes.

Nous sommes l'été 1978 dans un quartier populaire malfamé de Gérone.

Le fantôme de Franco hante encore et toujours l'Espagne.
Zarco et sa bande de petits loubards encore adolescents s'initient aux vols à la tire et autres méfaits minables.
Zarco. né dans une baraque, en maison de redressement à sept ans et en prison à quinze.

Un dur à cuire.
Zarco et son amie Tere comme des Bonnie and Clyde en devenir…
Tere, un tee-shirt blanc, un jean et son sac en bandoulière mais toujours très belle.

Canas, seize ans, lui vient de l'autre côté de la rivière : le quartier de la classe moyenne.
Surnommé le binoclard, mal dans sa peau, en mal de reconnaissance, il va faire la rencontre qui va changer sa vie pour…toujours.
Embrigadé par Zarco et amoureux de Tere.
Il devient un membre, à part, de cette bande de petites frappes.
De braquages en braquages, Zarco commence à faire parler de lui.

C'est l'escalade.
Il finira par se faire coincer.

« Ce que nous appelons le bien n'était pas le mal et ce que nous appelons le mal n'était pas le bien ? Êtes-vous sûr que le bien et le mal signifient les mêmes choses pour tout le monde ? »

Vingt ans plus tard le binoclard est un avocat célèbre à la réputation établie.
Personne, encore, ne sait qu'il était un voyou de la bande de Zarco.

« Dans ma jeunesse j'avais appartenu à la bande à Zarco, Tere et moi avions manipulé Maria pour qu'elle épouse Zarco afin qu'il puisse obtenir sa remise de peine en liberté… »

Il va défendre Zarco qui en a pris pour trente ans.
Pour racheter le grand délinquant, symbole de sa génération ?
Pour retrouver Tere qu'il n'a jamais oubliée ?
Une entreprise d'admiration ?
La légende de Zarco l'incorrigible est née. Un nouveau de Robin des Bois ?
Presqu'un mythe avec ses reportages sur Zarco, ses films sur Zarco, ses livres sur Zarco.

« Il est donc naturel que Zarco se soit transformé en hors-la-loi héroïque qui, pour les journalistes et même pour certains historiens, incarne la soif de liberté et les espoirs déçus des années héroïques du passage de la dictature à la démocratie en Espagne. »

Ce livre est triste et désespérant mais il est beau.
Le trio Zarco, Tere et le binoclard ne vous lâchera pas de sitôt.

Je les ai quittés avec regret.

Superbe roman !

(la couverture du livre est magnifique…à l'image du livre)
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Comme dans "Les soldats de Salamine", Javier Cercas utilise comme matériau, pour nourrir l'intrigue des "Lois de la frontière", les éléments collectés par un auteur en vue de l'écriture d'un ouvrage. Et comme dans "Les soldats de Salamine", il y explore la fragilité de la limite séparant la fiction de la réalité. Ce titre est ainsi la transcription de ses entretiens avec quelques-uns de ceux qui ont connu celui qui sera au centre de son ouvrage : Zarco, grande figure du banditisme catalan des années 70.

L'essentiel de ces entretiens se déroule avec Ignacio Cañas, avocat qui, dans une ancienne vie à laquelle rien ne le prédisposait et qu'il a toujours dissimulée à son entourage, fit partie de la bande de Zarco, au sein de laquelle il était surnommé le Binoclard.

Lycéen sans histoires issu d'une classe moyenne aussi discrète que laborieuse, Ignacio fit la connaissance de Zarco dans la salle de jeux où, pour fuir le harcèlement dont il était l'objet de la part d'un de ses camarades, il avait trouvé refuge. Surtout fasciné au départ par la morgue et la beauté sans fard de Tere, inséparable amie de Zarco dont il tombe amoureux, Antonio met bientôt son apparence de jeune fils de bonne famille au service de la bande, opérant vols à l'arraché, cambriolages..., s'initiant à l'alcool, à la drogue et, dans une moindre mesure, au sexe. Jusqu'au braquage qui tourne mal, provoquant la mort d'un des leurs et l'arrestation de Zarco. Cañas parvient à s'enfuir, et ne sera jamais embêté par la police. Fin de la parenthèse, retour dans le droit chemin.

Des années plus tard, Zarco fera appel au Binoclard en tant qu'avocat, espérant atténuer sa peine (qui s'est alourdie au fil des délits qu'il a commis en détention) et obtenir des autorisations de sortie. le comportement contestataire et bravache qu'il a exhibé pendant ses années de prison l'a auréolé d'une dimension quasi mythique, fortement entretenue par les médias.

Ignacio Cañas juge cette brève période de sa vie avec ambivalence, à la fois honteux et fier d'avoir vécu cette aventure qui l'a fait se sentir étonnamment vivant. Avec le recul il analyse la fascination et l'attrait qu'exerçait sur lui cette liberté transgressive que représentaient Zarco et son milieu. Il a en effet été question pour lui de franchir une frontière, celle séparant la routine protectrice d'une existence terne mais respectable d'un univers de danger qu'il considérait, de manière quelque peu grandiloquente, d'une dimension romanesque. C'est Zarco lui-même qui, a posteriori, raillera sa naïveté en opposant à ses rêveries chevaleresques un prosaïsme peut-être brutal et amer mais éclairé : les hors-la-loi produits par la misère des ghettos que constituaient les quartiers mal famés de Gérone n'avaient aucune vocation à être des Robins des bois. Avec le recul, et le constat de ce que sont finalement devenus ces héros en rupture avec la société, il mesure être face à une génération que la drogue et le hasard d'une "mauvaise naissance" ont perdue, qui, ne sachant comment négocier la transition entre dictature et démocratie, s'est brûlée les ailes.

"Les lois de la frontière" est un roman très habile, qui enchâsse les points de vue, orchestrant une subtile mise en abyme qui prend prétexte d'un sujet pour en développer un autre (parce que c'est finalement surtout de Cañas, à travers Zarco, dont il est question), et dévoile peu à peu tous les éléments d'une intrigue complexe mais dans laquelle on ne se sent jamais perdu,

Du grand art !

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Normalement en Espagne quand un village porte un nom terminé par « de la frontera », il s'agit de la zone islamisée par les Maures puis reconquise en 1492 par les Rois catholiques. Une frontière entre deux civilisations, deux cultures, deux langues, deux croyances religieuses. Une frontière entre deux mondes qui pourtant ont cohabité pacifiquement, s'enrichissant l'un de l'autre, l'un par l'autre.

Ici aussi il s'agit de deux mondes, de part et d'autre du fleuve qui traverse Gérone, deux mondes qui ne se côtoient pas, ne s'aiment pas, ne se connaissent pas. L'un riche ou à l'aise, l'autre dans le dénuement des quartiers populaires faits de logements provisoires qui durent où s'entassent des familles sans avenir, sans espoir, là où fleurit la délinquance, les rapines puis les braquages et là où la drogue et l'alcool font partie du mode de vie.

Entre ces deux mondes, comme un trait d'union involontaire, un garçon de seize ans, Canas, adolescent souffre-douleur au lycée, en opposition à ses parents dans sa maison (mais qui ne l'est à cet âge?) et dont la seule porte de sortie sera d'intégrer la bande de Zarco. Intégrer est un bien grand mot car il se sent et se sait différent et les autres le perçoivent comme tel car lui, il habite du « bon » côté de la frontière.
Est-ce pour échapper à ses tortionnaires lycéens ou par amour pour Tere, petite délinquante au caractère déjà bien trempé et qui joue la coquette avec les garçons, toujours est-il qu'il va s'acoquiner avec les petits voyous de Gérone jusqu'à jouer un vrai rôle dans un braquage de banque – au lieu de n'être que guetteur – et il va connaître la peur de sa vie, celle d'être arrêté et jeté en prison. Là où les « durs » acceptent, voire revendiquent, le passage en prison, lui redevient un petit garçon dépassé par les événements et retrouve sa petite vie de lycéen d'avant. Et il reste des années éloigné de « la Front », cette zone interlope entre le Gérone chic et le Gérone des pauvres. Il devient un avocat connu pour sa compétence et vit tranquille jusqu'au jour où le passé le rattrape : un écrivain veut écrire sur le mythique Zarco et sa bande, Tere réapparaît et lui demande de défendre l'ancien voyou afin de le faire sortir de prison.

Au-delà de l'exotisme de l'évocation du mode de vie des ados en rupture juste après la mort de Franco, on s'intéresse à la construction du mythe du « héros » romantique Zarco, hissé à ce rang par les médias avant de tomber dans l'oubli. Surtout le roman vaut pour la mise en perspective constante des points de vue : celui de l'ancien petit voyou devenu avocat, celui du directeur de la prison qui a bien connu le truand, celui de Tere, figure amoureuse rêvée et jamais atteinte réellement amoureuse, peut-être mais de qui ?
Les discours se croisent et se répondent en de multiples dialogues menés par une sorte d'enquêteur, un écrivain supposé rédiger ensuite le roman de la vie du héros.
Un jeu amour à mort – amitié – dette d'honneur se noue entre les protagonistes, fondé sur ce que l'on est, ce que l'on croit être, ce que les autres pensent qu'on est, à l'infini et en miroir les images se font et se défont avec, en arrière-plan encore caché, un malentendu fondamental. Qui sommes-nous au juste ? Et pour qui ? Et à quel prix ? La vie est un songe, disait un autre Espagnol...

L'évocation sous-jacente de la Catalogne des années 70 à 90 se fait par petites touches sous la plume de l'auteur, citant parfois des propos dans cette langue qui chante et qui roule comme l'eau de ses gaves, ce catalan muselé par le castillan mais que parle en secret – ou par provocation - notre voyou-avocat.


Des hispanismes émaillent la traduction, par ailleurs soignée, comme ces « pourquoi non ? » suivant une phrase négative (porqué no ?, dirait un Espagnol mais pas un Français) ou bien «  si ce n'avait pas été pour lui, je ne serais jamais devenu avocat » (= sans lui...) mais le livre est agréable à lire.
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La frontière dont il est question dans le titre est celle qui sépare deux mondes, celui de la classe moyenne d'un côté, et celui des petits délinquants de l'autre. le temps d'un été, Cañas - dit le binoclard - passe d'un monde à l'autre. Tandis que, pour certains, "l'aventure" se termine par la prison ou la mort, Cañas s'en sort indemne en apparence, mais sa vie entière sera marquée de façon indélébile par cet épisode. Devenu avocat, il accepte de défendre Zarco, l'ancien chef de la bande passé au rang de mythe, et doit affronter son ancienne vie. Il y a beaucoup de mélancolie, voire de la tristesse, le binoclard se confrontant à la trahison, au mensonge et à la désillusion.
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Roman témoignage... Sur la jeunesse? Sur le fidélité? Sur la réinsertion et la spirale de l'échec... Sur de très grand termes littéraires à coup sur.
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Un avocat renommé accepte de défendre un ancien chef de bande auquel il s'était lié adolescent, dans les années 80. Il accepte, à contrecoeur, mais aussi pour se protéger d'autres gamins qui le harcèlent. Par manque de caractère, il est plutôt soumis aux uns et aux autres. Gérone, où soufflait un vent nouveau, une liberté à conquérir après la mort de Franco. était alors une ville pauvre, une frontière virtuelle séparait les quartiers mal famés des plus respectables où vivait le narrateur. Il accepte de les suivre dans de petits larcins, jusqu'au braquage d'une banque. Curieusement, il ne sera jamais inquiété, mais il reste poursuivi par la culpabilité. Différents protagonistes donnent leur version de l'énigmatique chef de bande Zarco, devenu célèbre. Les liens qui unissent les différents protagonistes sont décortiqués analysés, tout en restant flous dans une atmosphère de danger et de griserie.
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