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« Même si c'est rassurant de trouver une explication à ce qu'on fait, la plupart de nos actes n'ont pas qu'une seule explication, à supposer même qu'ils en aient une »

Tout, je dis bien absolument tout ce qui est raconté dans ce roman est en accord avec cette citation.
Car le héros Ignacio Cañas, surnommé « le Binoclard » (mais qu'est-ce qu'un héros ?) a été un jeune homme de 16 ans, fils de famille honnête et travailleuse, et s'est retrouvé, l'espace d'un été, membre d'une bande de délinquants.
Ses raisons ? Il n'y en a pas qu'une, à supposer même qu'il y en ait une...
Et des années plus tard, sous la forme d'un entretien avec un écrivain voulant parler de Zarco, le chef de la bande, il essaie de retrouver la vérité, sa vérité et celle des autres.

Et donc il y a Zarco, ce jeune blond charismatique n'ayant peur de rien, petite frappe spécialiste des vols de sac à l'arraché, des vols de voitures et des braquages de banques. Zarco et Tere, la « plus belle fille du monde » selon le Binoclard, secrètement amoureux.
Qu'ont-ils à faire de la vie, ces deux-là ? Pourquoi ont-ils accepté le Binoclard dans leur bande ?
Leurs raisons ? Il n'y en a pas qu'une, à supposer même qu'il y en ait une...

Si, « à 16 ans, toutes les frontières sont poreuses », l'été tourne sot, l'attaque d'une banque tourne court , et le Binoclard repasse la frontière, celle marquée par le parc de la Devesa, à Gérone, entre le territoire des besogneux, des miséreux, s'abritant dans des logements provisoires et celui des « honnêtes gens », vivant dans des appartements et des maisons confortables.
Et pourtant, il y croyait, Ignacio alias le Binoclard, malgré ce que lui avait dit Zarco :
« T'es pas comme nous.
Parce que tu vas à l'école et pas nous. Parce que t'as une famille et pas nous. Parce que t'as peur et pas nous. Tu penses la peur, pas nous. T'as des choses à perdre, pas nous.
Laisse tomber. Casse-toi, mec. Retourne à ta famille, reprends l'école et ta vie d'avant.
J'ai passé en taule quelques mois, mais toi, la taule te passera dessus. Aussi dur et fils de pute que tu veuilles être. A cause de ça aussi, t'es pas comme nous.
En plus nous avons que cette vie, alors que toi, t'en as une autre. Fais pas le con, laisse tomber. »

C'était la fin des années 70, encore blessées par les reliquats de la dictature morte en 75.
Et puis nous voilà fin des années 90. Zarco, Tere et Cañas se retrouvent. Cañas est un avocat renommé, Zarco est en prison.
Pourquoi se retrouvent-ils ?
Leurs raisons ? Il n'y en a pas qu'une, à supposer même qu'il y en ait une...

J'ai beaucoup apprécié l'écriture de Javier Cercas, mêlant l'intime et le social, décortiquant la psychologie et le coeur de quelques-uns et les brassant avec la vie d'une ville et d'une région.
Ce roman se lit lentement, car tout, je dis bien absolument tout, a une portée qui dépasse les apparences.
L'échec, la fidélité au passé, l'aide gratuite, le bien et le mal, l'amour, la vérité : tout ceci s'entremêle et nous fait réfléchir, à travers les entretiens menés par l'écrivain où Cañas s'épanche, mais où le policier ayant mené l'enquête dans les années 70 et le directeur de la prison de Gérone donnent aussi leur propre version des faits.

Alors, Cercas nous a-t-il raconté des faits divers ? Peut-être, car j'y ai cru ! Je suis même allée voir sur Google si la bande à Zarco avait existé...
Mais au-delà du fait divers, il a touché l'universel.
Pourquoi ai-je aimé ?
Mes raisons ? Il n'y en a pas qu'une, à supposer même qu'il y en ait une...
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Cercas replonge dans les années post-franquistes et nous offre un beau roman qui serait le pendant juvénile de son oeuvre, Anatomie d'un instant consacrée au 23 F, un roman fort sur le fin de l'enfance, sur l'adolescence et l'intensité des liens que l'on peut nouer ces années là.
L'image de la movida madrilène a tellement pris le pas dans l'inconscient collectif sur la réalité de l'Espagne de la fin des années 70 - "Franco était mort depuis trois ans , mais le pays, régi encore par les lois franquistes, avait l'exacte odeur du franquisme: il puait la merde."- qu'on a oublié la misère qui y régnait alors, et l'explosion de la violence et de la drogue qui en découla.
En 1978, à Gerone, un gamin de la classe moyenne, Ignacio Cañas alias le Binoclard, se lie par hasard d'amitié avec El Zarco, un jeune voyou charismatique des bidonvilles d'à côté, et tombe amoureux de sa petite amie Tere. Les braquages, la drogue et l'argent facile deviennent son quotidien jusqu'à ce que leur route se sépare brutalement. Cañas, qui avait "franchi la frontière", tait sa complicité avec la bande, retrouve le droit chemin et devient un avocat prospère, tandis qu'El Zarco, sorte de Robin des bois héroïnomane aux yeux de l'opinion publique, est le prisonnier le plus célèbre d'Espagne. Vingt ans plus tard, Cañas accepte de défendre un Zarco au bout du rouleau et renoue avec son passé.
L'habileté de Cercas à déboulonner le mythe du braqueur au grand coeur est telle que je réalise au bout de la centième page (!) par une allusion aux chansons des Los Chichos et des Chunguitos, que le personnage del Zarco ressemble étrangement à Juan José Moreno Cuenca, El Vaquilla, un des délinquants les plus emblématiques de l'époque. C'est un pan de la littérature et du "cine quinqui" (Los últimos golpes de El Torete ,Yo, "El Vaquilla", El lute...) qui resurgit, des noms de types morts d'overdose, du sida ou sous les balles, toutes ces histoires de perros callejeros qui ont nourri les chansons flamencas et les récits tirés "de faits rééls" à la fin des années 70.
Avec Les lois de la frontière, Cercas fait revivre ceux que l'on appelle "la génération perdue de l'héroïne". C'est avec beaucoup de lucidité sur le contexte économique et social de l'époque, sans aucune fascination pour cette jeunesse avide de liberté et en rupture totale avec la société que Javier Cercas exhume pour le lecteur une Espagne qui commençait sa mutation dans la douleur.
Quand vingt ans plus tard, à travers le parcours del Zarco, le Binoclard pointe sous Cañas et que l'homme mûr se confronte enfin aux protagonistes les plus importants de sa jeunesse, il ne peut énoncer une seule vérité sur les choix qui marquèrent cet été 1978, ni sur les lois de la frontière.
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Gerone, été 1978. Ignacio Cañas vient de vivre une année scolaire difficile, souffre-douleur de certains élèves de sa classe. Les congés scolaires sont une libération. Il évite la bande qui le maltraite en se réfugiant dans une salle de jeux. C'est là qu'il rencontre Zarco et Tere, deux voyous culottés qui vivent dans les quartiers populaires, de l'autre côté du fleuve. Subjugué par Tere qui le rebaptise le Binoclard, il entre dans la bande à Zarco, devient le complice de leurs larcins, vols de voitures, cambriolages, braquages de banque, découvre l'alcool, la drogue, les prostituées. La fin de l'été sonne le glas de sa carrière de délinquant. Dénoncée, la bande tombe dans un guet-apens de la police. le Binoclard s'en sort de justesse, retrouve le chemin du lycée et plus tard des études de droit. Pendant ce temps, Zarco est devenu l'icône de la jeunesse espagnole, bandit sans peur et sans reproches, il est Robin des bois, il est celui qui défie l'Etat, la police, le personnel pénitentiaire. Les braquages, la violence, la drogue n'entachent en rien sa légende. Avocat respecté, Ignacio a toujours suivi les ''exploits'' de son ancien ami et quand, bien des années plus tard, Tere vient lui demander d'obtenir la libération conditionnelle d'un Zarco vieillissant et repentant, il accepte sans trop se faire prier.


Interviews fictives d'un écrivain préparant un livre à propos de Zarco et s'adressant à Cañas mais aussi au directeur de la prison de Gerone et au policier qui a arrêté la bande en 78, le récit de Javier Cercas commence dans l'Espagne post-franquiste, moment-clé dans l'histoire du pays qui entame sa marche vers la démocratie. Après des années de dictature, le processus est lent, les vieilles (et mauvaises) habitudes sont profondément ancrées dans les mentalités. La jeunesse, trop longtemps bridée, se cherche, teste les limites, joue avec le danger, franchit les frontières, entre le bien et le mal, entre les classes sociales, entre petite délinquance et grand banditisme. Dans cette nouvelle société qui se cherche des modèles, le personnage de Zarco apparaît comme un voyou au grand coeur, légende fondée sur rien, sinon les élucubrations journalistiques et les rumeurs populaires. C'est pour rétablir la vérité, ou tout du moins ses vérités, que Cañas accepte de participer à un livre sur Zarco. C'est aussi l'occasion pour lui de s'interroger sur son passé de délinquant, qui fut court mais marquant. Il analyse ses motivations, ses sentiments, ses rapports avec Zarco et Tere et aussi les choix, les chances, les rencontres qui ont décidé de son avenir. de cet été, il a gardé toute sa vie la trace et trente ans après il parle encore avec émotion de Tere et Zarco qui le fascinaient. Pourtant cette génération post-franquiste, sacrifiée, abandonnée, a connu plus d'échecs que de prestige, tombée sous les balles, terrassée par la drogue ou le sida. Pour l'avocat qui s'en est bien sorti, ce retour en arrière se fait dans la douleur et pour le lecteur, c'est l'occasion de découvrir une période de l'Histoire espagnole bien loin de l'euphorique et médiatique Movida.
Un roman beau, triste et désenchanté, comme un air de flamenco.
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Après trente ans d'un régime phalangiste, l'Espagne en pleine agonie passe d'une dictature à une démocratie. Franco est mort depuis trois ans, les espagnols à genoux se relèvent peu à peu. Nous sommes en 1978, dans le petit village de Gérone, deux quartiers sont opposés. Celui d'Ignacio, garçon de famille modeste et celui de Zarco, le caïd, et sa bande de loubards. Les lois de la frontière les séparent mais leur chemin se croise et son destin en sera à tout jamais bouleversé.

Zarco, la sulfureuse Tere et la bande sont les terreurs de la ville. Ils vivent de petits deals, vols, braquages de banques, d'amour et ont soif de liberté. Alors quand Ignacio, cet adolescent timide et introverti, va croiser le charismatique Zarco et que la belle Tere va lui faire découvrir les prémices de l'amour, Ignacio ne voit là qu'une bouffée d'oxygène lui si engoncé dans sa petite vie conventionnelle et sécurisée.

L'été 78 sera l'été de tous les changements. Zarco initie le jeune à la délinquance et à l'adrénaline. Malgré la ligne franchie, Ignacio n'est pas du même bord, le sang de la révolte ne coule pas dans ses veines et la voix de la sagesse se rappellera à lui. La police ne les lâche plus, l'étau se resserre jusqu'à l'ultime dénouement.

Dans la première partie nous marchons pas à pas au côté d'Ignacio. Nous suivons le déroulement de ce qui le mène à défier les lois, franchir la frontière entre le bien et le mal, la justice et l'injustice. Son intégration auprès de la bande sera difficile et les liens qui le soudent à Zarco bouleverseront la vie du jeune étudiant et celle de sa famille.

La deuxième partie s'étalera sur une trentaine d'année. Ignacio, malgré son passé troublant devient un avocat réputé et respecté de tous. Il va suivre pas à pas, année par année, le mythe Zarco. La presse le suit et le cinéma l'idolâtre. Condamné à 150 ans de détention, toutes peines confondues, Zarco vient de passer plus de la moitié de sa vie en prison. Alors, Tere revient vers Ignacio et lui demande de défendre l'illustre récidiviste. La passion non assouvie entre ses deux êtres jaillira de plus belle et leur révèlera les années perdues.

Durant 346 pages, j'étais en immersion totale dans la vie d'Ignacio et Zarco. J'ai franchi ces lois, j'étais dans la fascination d'un être que rien n'arrête. Ce livre parle d'une forte amitié, du regard d'un père, du mutisme protecteur d'une mère, mais aussi du silence et des non-dits qui étouffent et éloignent alors qu'un seul mot suffit pour réunir deux être qui s'aiment violement. Javier Cerca connait bien le sujet dont il parle. Il décrit superbement un pays qui vient de subir des décennies de fascisme, avec cette difficile transition que fut le passage de l'oppression à la liberté, de ceux qui ont su profiter d'un régime franquiste et les autres encore dans la douleur de la perte et de la souffrance. Cette histoire me parle et me touche car il me renvoie à mes racines, à ma famille, les opprimés. Ce roman déborde d'amour, de tolérance. Il raconte les bas-fonds de l'Espagne, de la révolte, des lois immuables de la vie, de la mort, des erreurs qui nous rendent plus fort, des choix qui nous poussent à certains renoncements et du Pardon.

Les lois de la frontière … la ligne est franchie…Merci !

Lien : http://marque-pages-buvard-p..
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Par désoeuvrement peut-être ou par intérêt pour Tere sans doute, par fascination pour Zarco probablement, celui qu'ils surnomment le Binoclard les rejoint.
Avec Zarco et Tere, il va former un trio soudé par une amitié, qui les liera à la vie et à la mort.
Durant un été, ils vont sévir dans le Nord Est de l'Espagne sans avoir vraiment conscience de ce qu'ils font : cambriolages, braquages, consommation de drogue, tout y passe. Ce n'est que lorsqu'ils se font arrêter que le jeune adolescent, après un ultime braquage manqué, se rend compte qu'il est en train de risquer tout son avenir.
Or, tout sépare Zarco et Ignacio : leurs origines, leur passé, leurs enjeux. Zarco n'a absolument rien à perdre, Ignacio pourrait reprendre un cours de vie dit normal. Entre les deux, un trait d'union : la mystérieuse Tere, qui fascine Ignacio.
C'est plusieurs années plus tard que commence le roman lorsque, épargné miraculeusement par la police, Ignacio est devenu avocat et croise à nouveau son ami Zarco dans des circonstances bien différentes de celles de l'été 1978 – pour le défendre et le faire sortir de prison, lui qui est devenu la coqueluche des médias et une icône pour une jeunesse en quête de symbole.

L'originalité de ce récit tient à sa forme : sous couvert d'entretiens avec Ignacio ou avec le policier en charge de l'enquête sur la bande, ou encore avec le Directeur de la prison où a été enfermé le caïd, un écrivain (dont on ne saura rien) a pour mission de reconstituer l'épopée de Zarco et de sa bande, symbole d'une époque particulière. L'interview dévoile peu à peu l'histoire d'Ignacio, sa fascination pour le chef de bande, et le rôle trouble joué par Tere, dont Ignacio ne sait toujours pas quelle place elle occupe auprès de Zarco.

Et puis il y a la question de la frontière.
Celle qu'Ignacio traverse à chaque fois qu'il rejoint la bande : une frontière invisible qui sépare le monde de la classe moyenne et le monde de la délinquance. Une frontière bleue aussi, celle d'une série télévisée que les jeunes de cette époque regardent avec passion et qui évoque une histoire de Robin des Bois version asiatique. Et une frontière temporelle : le passé peut-il s'oublier et la page se tourner définitivement ?
Mais aussi la frontière entre le bien et le mal, avec cette question de savoir jusqu'où on est prêt à aller par amitié. Que s'est-il passé précisément ? Zarco était-il un idéaliste ? ou un mythomane ? Tere était-elle une manipulatrice ou une manipulée ? Ignacio a-t-il couru derrière une ombre ? La rédemption existe-t-elle ?

Tout le mérite de Javier Cercas est de maintenir l'ambiguïté pour inciter le lecteur à se forger sa propre opinion.
Tous les personnages sont intéressants, y compris les personnages secondaires : Maria Vera par exemple, la compagne officielle de Zarco (qui va se faire appeler désormais Gamallo), qui manipule les médias tout autant qu'elle se fait manipuler. En se rebaptisant Gamallo, le malfrat tente de faire oublier Zarco, mais Zarco ne veut pas non plus disparaître des radars des médias, ce qui l'amène à un comportement chaotique, parfois incohérent, dans une sorte de course en avant dans laquelle il entraîne son avocat – au risque de les faire chuter tous les deux, si Ignacio n'y prend pas garde.

Avec beaucoup de maîtrise, Javier Cercas brouille donc les cartes habituelles : pas de prêchi-prêcha sous forme de morale pour nous expliquer qu'il faut préférer une vie de classe moyenne à une vie de délinquant.
Un récit qu'on ne lâche pas jusqu'à la dernière minute qui restitue l'atmosphère d'une époque dite de démocratie et de prospérité – mais qui fait bien ressortir aussi son miroir aux alouettes.


Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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Une frontière.

Une ligne de démarcation invisible, comme celle séparant les quartiers de deux bandes rivales dans le feuilleton chinois que les jeunes espagnols des années 1978 regardent à la télévision.

La frontière bleue.

Matérialisée , à Gérone, par deux fleuves séparant les quartiers de la bourgeoisie moyenne et les quartiers mal famés.

Le quartier du Binoclard, adolescent timide et harcelé cruellement par ses camarades de bahut et le quartier des logements sociaux et des taudis, habités par Zarco et sa bande. Et par la belle et mystérieuse Tere.

Pour avoir franchi cette frontière- tant pour fuir son statut de victime que pour connaître avec Tere les premiers frissons du sexe et de l'amour- Ignacio Canas, dit le Binoclard,va voir toute son adolescence d'enfant sage basculer d'un coup. Le voilà "on the dark side" lui, le petit bourgeois timide et bon élève. Et les choses vont très vite, quand on rentre dans la bande de Zarco...Le temps d'un été...

Pourtant, son père et un flic intelligent le sauvent du grand plongeon et une deuxième chance lui est offerte. Le Binoclard devient avocat. Mais la frontière bleue là aussi le rattrape: est-ce sa fascination pour le héros noir, Zarco, son attirance toujours irrépressible pour Tere, ou son désir fou de comprendre ces trois mois d'été qui ont à jamais marqué leur brûlure sur son adolescence et sur sa vie d'adulte? Il se spécialise dans la défense des causes perdues, des "rebells without a cause"..et retrouve ses anciens héros, ses anciens démons...

Il cherche à comprendre, avec l'aide d'un écrivain en quête d'un nouveau regard sur le mythique Zarco. Mais la vérité est un exercice difficile...

Peut-être, finalement, qu'on ne comprend jamais ce qui nous pousse à franchir le pas, ce qui nous fait perdre pied et tanguer, vaciller dangereusement sur cette ligne de partage des eaux...

Aussi objectif et intransigeant que "les Soldats de Salamine", plus romanesque , moins historique, mais aussi très ancré socialement dans cet après-franquisme qui a vu l'Espagne basculer ,après la dictature, dans une permissivité débridée, le récit de Cercas est comme cadré par le procédé de l'interview, qui lui donne l'accent de la vérité et un recul critique évitant tout romantisme noir.

On garde la tête sur les épaules,on mesure toute l'ambiguïté des sentiments et le parcours erratique des actes. Les lois de l frontière gardent donc l'équilibre, laissent au mystère des passions et des mobiles tout leur poids, mais l'empathie envers les personnages s'en trouve bridée: j'ai préféré Les Soldats de Salamine, à cause du personnage de Mirallès, qui fusionne tellement avec sa personne que nous perdons soudain toute réserve critique et toute distance, pour une tendresse subjective et bouleversée .

Rien de tout cela ici: Cercas garde sang-froid et maîtrise même si ses personnages perdent leur aura ou leur légende et si leurs personnes se dégradent, se détruisent et sont renvoyées au néant.

Un regard décapant et sans aucun soupçon de romantisme facile sur les années dites de la Transition..
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Eté 1978, à Gérone en Espagne, un adolescent de la classe moyenne, pour échapper à la malveillance d'un de ses camarades de classe, rejoint une bande de voyous menée par le charismatique Zarco et son amie Tere. A leur côté, il participe à une série de cambriolages, de vols de voitures et d'attaques de banques durant tout l'été.
Trente ans plus tard, devenu un avocat pénaliste reconnu, il raconte son histoire à un écrivain, essayant de décrypter les motifs de son engagement dans la bande de Zarco et les raisons pour lesquelles il s'est occupé de sa défense, celui-ci étant devenu entre-temps un bandit multi-récidiviste condamné à la prison à vie et un héros national.
La force de ce roman ne réside pas uniquement dans le portrait réaliste de la société espagnole dans les années suivant la mort de Franco mais aussi et surtout dans la mise en perspective d'une vie d'homme avec ses parts d'ombre et ses ambiguïtés et la difficulté de relire son passé à partir de l'instant présent.
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Très bel ouvrage fort bien écrit et agréable à lire sur la période du post-franquisme sur le thème de la jeunesse et du sens de la loyauté mais aussi de la liberté. Par l'auteur de "Soldados de Salamina".
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Formidable livre qui démonte au fil des pages le mythe du voyou au grand coeur adulé d'une génération qui sortait tout juste du Franquisme.
A travers la voix de trois antagonistes de cette histoire qui aurait pu être romanesque mais reste celle d'une catégorie sociale condamnée ou l'ambiguïté des relations entre ce trio explosif est aussi tendu que cette nouvelle démocratie en forme d'illusion.
La liberté n'est finalement qu'un leurre et les sentiments empreints d'un doute permanent.
C'est poignant, remarquablement écrit et documenté, la psychologie des personnages est aussi incertaine que leurs confession, le lecteur est sans arrêt ballotté entre ses propres contradictions et le tout donne un sentiment de gâchis doublé d'une mélancolie de ce qui ne pas être.
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Un roman étrange qui narre, par le biais de regards de personnes (surtout une) qui l'ont entouré, l'histoire d'un voyou espagnol, depuis la fin des années 70 jusqu'à aujourd'hui. Après une première partie "adolescente", qui fait très roman initiatique, les affres de la justice et les impasses de la société sont bien soulignées. le narrateur principal est vrai, touchant. L'écriture est très belle, c'est assez lent car l'introspection obtient la part belle de ce roman. J'ai aimé le parti pris narratif (comme si les narrateurs se confiaient à un écrivain retraçant l'histoire du bandit Zarco), mais aussi le style et l'ambiance. Beaucoup de pudeur, un peu d'action, de l'émotion, bref, un chouette roman assez inattendu et inclassable.
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