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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
ENORME COUP DE COEUR

Une fois de plus Sorj Chalandon m'a tiré des larmes, m'as prise par les tripes, m'a donné envie de vomir parfois. de son écriture qui coule toute seule il m'a emmené me révolter sur ces bagnes d'enfants qui existaient il y a encore moins de 100 ans.

Les colonies, les bagnes d'enfants, ont vu se succéder des milliers d'enfants, des caïds, des petites frappes, mais aussi des enfants innocents, abandonnés ou orphelins. Là pas d'éducation, ou très sommaire, mais des conditions de vie éreintantes, où les enfants pouvaient travailler jusqu'à 15 heures par jour. Ils étaient traités comme de véritables prisonniers, recevaient des coups, étaient privés de nourriture, étaient aussi violés parfois. Les gamins arrivaient dans ces maisons dès l'âge de 5 ans...

Ces "Colonies" furent démantelées à la fin de la guerre en 1945, mais le gouvernement français avait déjà pris des mesures suite à un événement tragique survenu en 1937 : la révolte de la colonie de Belle-île en mer. Les enfants ont réussi à s'échapper, mais dans l'île fut organisée une véritable chasse à l'homme pour retrouver ces malheureux enfants.

C'est l'histoire de cette révolte que nous raconte Sorj Chalandon. Il ne nous la raconte pas de l'extérieur mais bien au travers des yeux d'un de ces miséreux : Jules Bonneau, alias la Teigne.

Jules ce n'est pas un tueur, pas un violeur. Il a été abandonné par sa maman à 5 ans, qui a préféré un accordéoniste, son père et son grand-père s'en sont débarrassés dès que l'occasion s'est présentée. Il est devenu la Teigne pour survivre dans le bagne. Vous allez souffrir avec lui, dans sa chair, par ses yeux qui voient l'inadmissible.

Sur un fond de France où se mêle montée du fascisme et communisme, où le manque d'empathie rejoint l'inhumanité, où les droits des femmes sont bafoués, où les droits des enfants n'existent pas, revivez avec Jules un de ces pans de l'histoire noire de la France.

Jules Bonneau, mort pour la France en 1942, patrie qui n'a jamais voulu de lui.
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Terriblement poignant et émouvant !

Même lorsque l'on connaît l'existence de ce bagne d'enfants de Belle-Île, déjà croisé dans d'autres romans, on ne peut qu'éprouver une immense compassion pour ces gosses, que la malchance et la pauvreté aura livrés aux autorités et littéralement déportés dans cette île pour leur plus grand malheur. C'était dans les années 30, il y a presque cent ans, même avec le recul et en considérant l'ignorance de fondamentaux éducatifs, c'est un manque flagrant d'humanité qui motivait les traitements abjects infligés aux enfants. La meilleure preuve en est la compassion éprouvée par quelques rares personnages, qui refusent de rejoindre la vindicte populaire ou de se laisser prendre par l'appât du gain.

C'est donc l'histoire de Jules Bonneau, homonyme malheureux, aussi dénommé la Teigne, qui se retrouve à 16 ans prisonnier, s'endurcissant peu à peu, seul, sans espoir si ce n'est celui d'une possible évasion . Ce qu'il adviendra de Jules m'a arraché des larmes…

Ce roman de Sorj Challendon se démarque des précédents : pas de pays en guerre, pas de souvenirs personnels douloureux, mais un nécessaire devoir de mémoire pour ce lieu funeste qui a détruit tant d'enfants.

Le sujet a été bien documenté, j'en veux pour preuve les détails géographiques faciles à identifier quand on connaît bien la région bretonne (et pas seulement l'île). J'ai même fait un petit pèlerinage à la chapelle Saint Vendal !


Pas besoin de le préciser : j'ai adoré ce roman qui m'a littéralement bouleversée.

416 pages Grasset 16 août 2023
#LEnragé #NetGalleyFrance

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Belle île en mer ,1934.Des enfants sont prisonniers , même si le mot est tabou. Plus que prisonniers,ils sont esclaves .Des vrais.Exploités, battus, humiliés.
Ils sont là, estampillés pupilles de la nation,en attendant leur majorité.Jules est l' un d'eux, arrivé sept ans plus tôt de Mayenne,orphelin de mère, abandonné par son père , livré par ses grands parents. Mais un jour, l'opportunité de s 'échapper se présente à lui.

Belle histoire, très bien livrée par Sorj Chalandon dont la plume magnifie les rouges et dégomme la bourgeoisie. C' est peut être le seul reproche à ce roman, ce côté binaire, les gentils, les méchants.
Parce que sinon, le récit de cette triste page de notre histoire est remarquable, tant par son côté émotionnel, sociétal ...
Les personnages sont superbement 'mis en scène ', constants dans leurs actes et leurs états d âme. Ils sont tiraillés, la prudence et leur propre intérêt sont souvent en conflit avec leurs idées, leur sens de l'honneur et leur vérité,souvent centrée sur l' humain.
L 'humain est clairement au coeur de ce roman, l'humain qui justifie tout, les interdits et même les meurtres.
On ajoute une plongée dans l' histoire de cette fin des années trente en filigrane de ce roman ou encore l'immersion dans la vie des pêcheurs et l'on obtient un roman qui mérite incontestablement toutes les louanges qui lui ont été dressées.
Enfin comment ne pas voir dans la montée des extrémistes de ces années là une sérieuse piqûre de rappel quant à notre époque...
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Sorj Chalandon , c'est Sorj Chalandon et , en le voyant revenir vers ses lecteurs avec un titre , "l'enragé ", un titre bref , se suffisant à lui même pour donner le ton , on s'attend à trouver force , violence , rage de vivre , soif de justice , vengeance .Bref , il y a de " l'insurgé "de Vallés dans ce titre .
Deux grands temps dans ce roman , la description de la vie scandaleuse de jeunes et innocents colons dans ces lieux dignes du bagne .Rien ne nous est épargné dans ce monde clos , secret ,dont on se demande si les murs sont ceux , infranchissables d'une prison ou une protection par rapport à la vindicte d' une population propre à se fabriquer en toutes circonstances des boucs émissaires contre toutes les misères du monde .
Tout l'art de Chalandon est de nous mêler à tous ces jeunes infortunés dont le principal tort et de ne pas avoir pu " choisir " leur famille .Ca secoue ,ça tangue , ça remue , ça révolte et lorsque Jules , dit " La Teigne ", s'évade , c'est nous mêmes qui nous évadons , prêts à tout , même au pire , pour ne plus retourner dans l'enfer .
La seconde partie verra Jules tenter de survivre en milieu hostile , grâce à des mains tendues , face à des hypocrisies , des chantages , des trahisons ...Ce deuxième acte sera le reflet de la lutte intérieure perpétuelle " entre " Jules et La Teigne , un combat sans fin et sans concession .Des personnages magnifiques ou odieux qui nous happent , nous émeuvent ou nous donnent la nausée .
Le récit est remarquablement écrit , fluide , scotchant ,les dialogues sont courts , économie de mots chez les taiseux , durs au mal comme les granits de la région .
Ce roman ne se lit pas , il se dévore tant l'auteur vous tient et vous mène au gré de sa plume du début à la fin .
Sujet difficile bien conduit , je me suis demandé comment l'auteur allait s'en tirer au fur et à mesure que les dernières pages approchaient ... "Bon Dieu , mais c'est bien sûr " , j'avais oublié que l'auteur , c'était monsieur Chalandon . Et bien , le dénouement , je vous le laisse découvrir , il est " sublime " au point qu'on peut le dire et le repêter : " On ne va jamais chez Chalandon par hasard ." ( Oui , bon , c'était juste pour un sourire , il n'y en a pas beaucoup dans ce magnifique ouvrage ) .
Allez , le week end approche .Demain , librairie ." l'enragé " et dimanche ...direction Belle île .Non , pas celle des touristes , celle de Jules Bonneau , vous savez , " la bande à B ....".Ah , moins d'enthousiasme ? Comme je vous comprends , bien entendu , vous savez ce qui s'est passé là-bas , maintenant ...
Amitiés et à bientôt .
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Pour un maigre larcin, Jules Bonneau, à 13 ans, intègre, en mai 1927, la Colonie pénitentiaire maritime et agricole de Haute-Boulogne, à Belle-Île-en-Mer. Une situation qui accommode ses grands-parents qui ont peu faire de lui et de son père qui n'a jamais réussi à l'élever depuis que sa mère l'a abandonné. le voilà enfermé sur cette île, au moins jusqu'à sa majorité, trimant tout le jour à la corderie, quand d'autres s'échinent aux ateliers de timonerie ou de voilerie ou dans les champs, devant supporter les coups, les humiliations et les punitions des gaffes, les maigres rations alimentaires, les règlements de compte entre détenus. Si, parmi ces détenus, certains étaient de vrais délinquants, beaucoup se retrouvaient ici seulement pour de petits vols ou parce qu'ils étaient orphelins, vagabonds ou abandonnés de l'Assistance Publique. Et si certains ont tenté de s'enfuir, ils ont bien vite été rattrapés. Jules, lui, en cet été 1934, ne perd pas espoir de quitter cette île...

C'est en 1880 que fut construit la maison d'éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer, au large de Quiberon. Un mot pompeux et plutôt inapproprié pour désigner tout simplement cette Colonie pénitentiaire, ce bagne pour enfants. Des enfants soumis à de durs labeurs, quel que soit le temps, et à de mauvais traitements. Seule distraction : la fanfare qui parade dans les rues de Palais. le 27 août 1934, un colon commence à manger son gruyère avant de boire sa soupe. Sacrilège pour les gaffes ! À partir de là, c'est la cohue, l'affolement, les cris, les ruades... 56 enfants s'échappent. Toute l'île se met à leur recherche. À partir de ce tragique fait divers, Sorj Chalandon imagine que l'un d'entre eux, Jules Bonneau, surnommé La Teigne, échappe aux griffes des îliens et des gaffes. L'auteur se glisse alors dans la peau de ce personnage et relate ses conditions de (sur)vie au sein du centre, ses amitiés ou inimitiés, son fol espoir de pouvoir s'enfuir de l'île, cette nuit du mois d'août et ses années passées sur l'île. À travers ce récit, l'auteur nous plonge au coeur de cette vie insulaire où se côtoient aussi bien des âmes charitables ou courageuses que mesquines ou détestables. En arrière-plan, l'on devine la montée du fascisme et la résistance bretonne. de son personnage, plus vrai que nature, l'on ressent combien l'auteur y a mis de ses tripes, de sa rage et de ses blessures. Un personnage que l'on ne peut oublier, de même que Louise ou Ronan et cet invité-surprise, Jacques Prévert, qui écrira un poème sur ces enfants du bagne.
Un roman fort, à la fois sombre et lumineux, empreint de rédemption et de rage...

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Gros coup de coeur pour le nouveau récit de Sorj Chalandon inspiré d'une histoire vraie .

Après avoir emprisonné les communards, le bagne de Haute Boulogne à Belle-Ile-en-Mer est devenue à partir de 1880 une colonie pénitentiaire pour enfants.
Y échouaient les garçons de 12 à 20 ans , les auteurs de larcins, les enfants errants, les orphelins et ceux dont personne ne voulait .
Les maltraitances sont le lot quotidien des colons que ce soit par les matons , souvent anciens combattants de la Première Guerre , vicieux , brutaux , alcooliques souvent ou les plus grands détenus , les caïds qui terrorisent les autres.
Châtiments corporels , agressions sexuelles, chantages ... Les cachots ou le "grand bal " pour les récalcitrants !

Dans la journée, les enfants travaillent dans un domaine agricole et les revenus sont perçus par le directeur ou sont employés comme apprentis-marins sur un bateau à terre ou dans la corderie.

"Éducation correctionnelle , comme ils disent. Ils veulent nous instruire, nous ramener au bien. Pour nous inculquer le sens de l'honneur ils nous redressent à coups de trique et de talons boueux. Ils nous insultent, ils nous maltraitent , ils nous punissent du cachot, une pièce noire, un placard étroit , une tombe."

Pas moyen de s'évader quand on est sur une île, Les rares qui l'ont tenté sont repris rapidement ou se sont noyés .

En 1934, l'ambiance est tendue et sur un incident qui nous semble si banal, une mutinerie se déclenche et 56 colons se retrouvent hors des murs .
La "chasse à l'enfant" , immortalisé par Jacques Prévert présent lors de cet événement et choqué par ce qui s'est passé , débute.
Chaque évadé repris valant sa pièce de 20 francs , tout le monde , touristes compris , s'improvise chasseur .

55 sont ramenés à Haute Boulogne , en reste un en liberté, jamais repris : Jules Bonneau est ce cinquante sixième. C'est dans sa peau que l'écrivain raconte ce qui pourrait être son histoire ...

Jules Bonneau , 20 ans au moment où commence ce récit est enfermé dans cette colonie depuis 7 ans pour avoir volé 3 oeufs parce qu'il avait faim, délaissé par ses grands parents , paysans mayennais pour qui il avait le même statut qu'un chien et encore...
Dès son arrivée , il est surnommé La Teigne, un enragé, habitué à ne pas baisser les yeux ni à se laisser faire , un enfant qui semble avoir effacé toute émotion, seul le petit Camille Loiseau lui soutire quelques sentiments amicaux et de grand frère .

Difficile , contrairement à Sorj Chalandon , de se mettre dans la tête de ce jeune homme , un écorché vif, où son surnom de la Teigne est toujours à l'affut, prêt à bondir toutes griffes dehors avec une enfance qui n'a jamais connu la tendresse ou l'amour et qui se méfie de toute main tendue .

Sorj Chalandon , en plus de faire connaitre ce lieu aberrant qui a fermé ses portes en 1977 , évoque la dure vie des marins , ici pécheurs de sardines, mais où la solidarité n'est pas un vain mot , la montée du nazisme , la guerre d'Espagne , les communistes et les Croix de feu ...

La présence de Sophie, l'infirmière qui travaille régulièrement au centre est une figure féminine forte, également engagée , elle a toute sa place au milieu de ces visages graves d'enfants martyrisés et ces gueules de marins .

Comment finir une telle histoire, c'est la question que je me suis posée au cours de ma plongée dans cet univers de cruauté adouci par quelques belles personnes , celle proposée par l'auteur apparait évidente.

Encore un témoignage poignant , cette fois-ci en France , sur des maltraitances d'enfants qui n'ont pas eu la chance d'être aimés , à qui personne n'avait tendu la main , enfermés loin des yeux du monde, dans un système éducatif dit de redressement ou de rééducation qui avait pour effet de les casser un peu plus.
"Dormez en paix braves gens , il est minuit et jusque là tout va bien ".
Les mêmes braves gens se regroupant dans la nuit pour attraper la vermine , la mauvaise engeance, les nuisibles pour une pièce de monnaie .

Autant vous dire que j'ai été bouleversée .
Un immense merci aux Éditions Grasset et à NetGalley

#LEnragé #NetGalleyFrance
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Sorj Chalandon en fait la preuve, les faits les plus sinistres peuvent nourrir les plus beaux romans ! J'ignorais que Belle-Île avait abrité un bagne pour enfants. Un lieu effroyable où échouaient les mineurs qui n'entraient pas dans le droit chemin ou même ceux dont on ne savait que faire.

L'horreur des lieux et la rage toujours sur le point d'éclater placent d'entrée ce roman sous tension. J'ai lu presque en apnée le quotidien du jeune Jules Bonneau, alias « la teigne », entre les murs de la colonie, appris à connaître les détenus et à craindre les geôliers, redoutant le drame au détour de chaque page. Puis un jour de 1934, tout dérape et une soixantaine de prisonniers prennent le large – enfin le large, c'est vite dit puisque le bagne se trouve sur une île. Les autorités en sont convaincues, les fuyards n'iront pas loin…

Quelle lecture intense ! Les enjeux de la fuite sont maximaux, les péripéties rocambolesques, le danger omniprésent. le personnage de Jules est irrésistiblement attachant malgré la rage accumulée, la teigne qui sourd en lui. L'auteur a bien fait de ne pas faire de son protagoniste un personnage vulnérable cantonné au statut de victime. Jules est un naufragé de la vie, il a fini par s'approprier la haine qu'on n'a cessé de lui prêter, il la porte rageusement de ses petits poings serrés qu'il montre à qui veut les voir. Évidemment, on espère qu'il finira par parvenir à les desserrer et à s'ouvrir, mais l'image de « la teigne » lui colle à la peau…

Ce qui est fascinant, c'est la manière dont l'évasion de la colonie permet de brosser une fresque humaine à l'orée des années 1930. L'affaire fait la une des journaux et agite l'île entière, poussant chacun à se positionner – faire la chasse à l'enfant pour une pièce d'argent ou entrer en résistance contre un système inhumain. C'est toute la montée des clivages sociaux et politiques de l'époque qui se condense dans cette histoire. La société est à la croisée des chemins et les différentes voies possibles sont incarnées par des personnages inoubliables parmi lesquels Jules tente de se frayer un chemin vers une existence vivable.

Comment ne pas être bouleversée en apprenant que lors de l'évasion de 1934, un prisonnier – un seul ! – ne fut jamais retrouvé ?

Un roman incandescent, captivant et rayonnant d'humanité.
Lien : http://ileauxtresors.blog/20..
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Depuis quelque temps je vois sans arrêt ce livre passer devant mes yeux.
Comme j'adore les écrits de Sorj Chalandon, je me devais de le lire.

Ce n'est pas un enragé, c'est un cri, une fureur, une rage et un combat.

Pendant la lecture de l'ouvrage, Jules Bonneau (le personnage principal du livre) rencontre Jacques Prévert, qui fait un poème de son histoire. Tout y est dit (ou presque).

Je vous laisse déguster chaque mot et…
Bonne lecture !


La Chasse à l'enfant

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île
On voit des oiseaux
Tout autour de l'île
Il y a de l'eau

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Il avait dit « J'en ai assez de la maison de redressement »
Et les gardiens, à coup de clefs, lui avaient brisé les dents
Et puis, ils l'avaient laissé étendu sur le ciment

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant, il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes, les touristes, les rentiers, les artistes

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis
Qui est-ce qui nage dans la nuit ?
Quels sont ces éclairs, ces bruits ?
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil Bandit !

Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent ? Rejoindras-tu le continent ?

Au-dessus de l'île
On voit des oiseaux
Tout autour de l'île
Il y a de l'eau

Jacques Prévert
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Belle-Île en Mer… le nom fait rêver. Pourtant, Sorj Chalandon nous livre ici un roman glaçant. En effet, il s'appuie sur une histoire particulière : à la fin du XIXe siècle, le bagne a été transformé en colonie pénitentiaire pour enfants. Bien évidemment, il recevait les petits délinquants mais également les orphelins… bref, tous ceux dont on ne savait que faire.

Je le disais, le récit est glaçant. L'auteur se met à la place d'un des personnages, Jules Bonneau, dit La Teigne, alias l'enragé. Coups, violence, rébellion, évasion… tout un programme !

C'est le deuxième livre que je lis de Sorj Chalandon. Je n'avais pas accroché à "Profession du père", mais ce n'était peut-être pas le bon moment pour le lire. J'avais abandonné au bout d'une cinquantaine de pages. Mais là, j'ai vraiment été emportée dans son tourbillon. L'écriture est âpre, servant avec excellence le récit. Cela me réconcilie avec ce romancier. Je vais certainement tenter de lire ses autres romans.

Un grand merci à Netgalley et aux Éditions Grasset pour cette très belle découverte.
Lien : https://promenadesculturelle..
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16 mai 1927, Jules Bonneau dit la Teigne, 13 ans, est enfermé à la colonie pénitentiaire de Haute-Boulogne à Belle-Île-en-mer. À sept ans, tiraillé par la faim, il avait volé trois oeufs, le début d'un engrenage.
Ses compagnons de bagne s'appellent, Moisan, L'Abeille, Petit Malo, Soudars le Caïd, Brillat L'Andouille, Loiseau surnommé Mademoiselle. Ce sont des oisillons tombés trop tôt du nid, des déchets d'orphelinat, des raclures de l'Assistance publique, des bouches en trop à nourrir, des gamins difficiles dont on se débarrasse comme on abandonne un chien.
Ici, les cogneurs en uniforme, veulent les instruire, ramener au bien cette mauvaise herbe, cette vermine, le pire de l'humanité, avec des insultes, des maltraitances et des coups de triques et de talons.
On ne s'évade pas d'une île même si certains ont tenté le coup. Et pourtant la Teigne et 55 de ses camarades vont profiter d'une émeute pour se faire la belle.

Une fois de plus l'écriture de Sorj Chalandon m'a emporté. Dans ce récit basé sur la mutinerie des enfants emprisonnés dans le bagne de Belle-Île-en-Mer, tous les sentiments se mélangent. La Teigne c'est l'histoire de la violence, les corvées, les punitions, les corrections, la crasse, la faim ; l'histoire de ceux qui tombent malades ou deviennent fous, des matons qui visitent les petits dans leur lit. Des enfants loués aux fermes alentours au bénéfice de la colonie qui touche leurs salaires. Sorj Chalandon nous entraine dans une effroyable battue, où matons, habitants de l'île et touristes espèrent percevoir la prime de 20 francs or pour chaque évadé capturé. Comme si ces enfants étaient des nuisibles. Une battue immortalisée par le poème de Jacques Prévert « Chasse à l'enfant ».
Et quand La Teigne redevient Jules Bonneau, Sorj Chalandon nous raconte la vie d'un port de pêche, la difficulté de survivre, les secrets de famille, les forts caractères qui parfois s'opposent mais la solidarité sans faille des marins.
Ce récit est ancré dans l'Histoire ; la guerre civile espagnole, la montée du nazisme et des croix-de-feu en France.
Un roman où le pire côtoie le meilleur. Les personnages secondaires sont saisissants de vérité : Ronan, le patron de pêche et sa femme Sophie et Camille Loiseau.
Sorj Chalandon trouve les mots justes qui percutent ou nuancent, une écriture sensible faite de courtes phrases, une plongée dans l'âme humaine, dans ce qu'elle a de plus noble et aussi de plus sombre. Vous l'aurez compris ce roman est un gros coup de coeur, j'espère que les fées des prix littéraires se poseront sur « l'enragé » il le mérite vraiment.
Merci aux éditions Grasset de leur confiance.
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