Que d'émotions dans ce roman !
Une fois de plus,
Sorj Chalandon a écrit un texte profondément humain, et une fois de plus, il m'a régalée.
Il a vraiment un talent fou pour créer des personnages qu'il sait rendre tellement réels, tellement vivants, tellement émouvants, que le lecteur n'est pas un simple spectateur, et qu'il vit leurs histoires.
Intensément.
Il nous parle ici de mineurs. de ces fameuses "gueules noires" dont chacun a vu des photos.
De ces hommes qui descendaient chaque matin pour aller travailler au fond, dans des conditions terribles. Au péril de leur santé et de leur vie.
Il nous parle des familles de ces hommes : des femmes et des enfants qui, eux aussi, ne vivaient qu'à travers la mine.
Cette mine qui les dévore tous, qui les grignote physiquement et mentalement.
J'étais jeune enfant lorsque la catastrophe de Liévin eut lieu, je m'en souviens confusément.
Je me rappelle quelques images vues à la télévision et qui m'avaient frappée : des femmes et des enfants, des hommes qui pleuraient les disparus. Des maris, des pères, des frères, des camarades. Je me souviens avoir pensé que c'était affreux pour ces enfants, et que j'étais chanceuse parce que moi, mon papa était là, à la maison.
Ma lecture m'a donné envie de revoir ces images qui ont laissé ces traces un peu floues dans ma mémoire. J'y ai retrouvé cette tristesse et cette douleur insupportables qui m'avaient touchée.
Mais surtout, j'y ai découvert ce que je n'avais pas vu, n'ayant pas à l'époque la maturité pour le faire. J'y ai vu des politiciens de tous bords venir avec leurs mines compassées, des hommes dont on sent qu'ils auraient envie d'être n'importe où ailleurs, des hommes dont on devine qu'ils n'ont qu'une hâte : rentrer chez eux et reprendre tranquillement le cours de leur vie.
Alors, j'ai parfaitement compris la révolte de Michel.
J'en ai identifié les raisons, j'en ai saisi le but et j'en ai épousé la cause.
Quelle force dans ce texte !
Sorj Chaladon dénonce avec vigueur. À travers les tranches de vie quotidienne des mineurs, il nous montre leurs conditions de travail. Terribles, usantes, et ruinant petit à petit la santé de ces hommes fiers et courageux, quand elles ne les tuent pas directement lors d'un accident.
L'émotion monte petit à petit dans le roman, au fil du récit de Michel et l'on suit le coeur serré ce magnifique hommage rendu aux gueules noires.
Sorj Chaladon est plus humain que jamais dans ce livre intense et prenant. Surprenant aussi : quelle stupéfaction lorsque j'ai compris le titre !
Certains ouvrages me distraient, d'autres m'instruisent ; certains me surprennent, d'autres me font réfléchir. C'est ce que j'aime dans la lecture : varier les genres et les plaisirs.
Mais ce que j'attends avant tout, c'est que le texte me procure des émotions.
Dans ce domaine,
Sorj Chalandon fait partie des auteurs qui savent diablement bien s'y prendre. Je le pensais déjà après avoir lu
Mon traitre et
Retour à Killybegs ; avec
le jour d'avant, j'en suis plus que jamais convaincue.
Un livre fort, un livre terriblement émouvant. Qui vous habite encore longtemps une fois refermé et vous conduit à une réflexion passionnante sur la vérité.