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4,26

sur 1679 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"C'est comme ça la vie."

Les Houillères, 1974. Un coup de grisou vient de tuer des dizaines de personnes et de laisser des familles entières dans le besoin et l'injustice.
Comme Michel Flavent, dont le frère est mort. "Venger son frère" deviendra son obsession, car "le coup de grisou avait des complices" : "les patrons appellent ça le profit".

D'une plume sensible et ciselée, une plongée dans le milieu des mineurs du Nord de la France, mais aussi dans celui de l'âme humaine.
Social, psychologique, parfaitement maîtrisé, le récit de Sorj Chalandon est un coup de maître ! Un incontournable de cette rentrée littéraire de septembre 2017.

Une histoire de fraternité, d'identité, de mémoire sociale et politique. Le tout, servi par une langue charnelle, dans laquelle l'émotion affleure à chaque page. Un grand livre !

Lu en juin 2017.

Mon article sur Fnac.com/Le conseil de libraires :
Lien : https://www.fnac.com/Le-Jour..
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Jusqu'où peut-on s'arranger avec la vérité ?
Jusqu'où peut-on vivre dans la culpabilité ? Ce sont les deux interrogations qu'il me reste après la lecture de ce foudroyant roman de Sorj Chalandon qui démontre, une fois encore, comment mêler réalité et fiction pour asseoir son humanité et sa sensibilité. C'est tellement plus qu'un coup de coeur !

Jojo Flavent et son petit frère Michel s'entendent comme larrons en foire. Jojo rêve de devenir pilote de course comme son idole Steve McQueen dans le film « le Mans ». Il sera mineur. Métier éprouvant, dangereux, où l'on ne retrouve jamais vraiment la couleur de sa peau tant la poussière de charbon s'incruste dans les pores, dans les yeux, sous les ongles. La mort rôde souvent, la silicose toujours.

Le 27 décembre 1974, à la fosse Saint-Amé de Liévin-Lens (Nord-Pas-de-Calais) un coup de grisou tue 42 mineurs et laisse des familles dévastées par le chagrin et la colère. Les veuves doivent rembourser au patron le prix des vêtements et des godillots détruits par l'incendie ! « Un jour un madrier s'écroule. le lendemain un bloc se détache. Une galerie s'affaisse. Un wagonnet s'emballe. Un câble cède. Une lampe explose. Ce ne sont pas des catastrophes, seulement des accidents dont on ne parle pas. C'est lorsque la mine les tue qu'on se souvient qu'il y avait des mineurs ».

40 ans plus tard, Michel Flavent n'a pas oublié. Il tente de combattre le mépris des autres, jusqu'à l'obsession. Depuis la catastrophe, il achète sur les brocantes ou sur Internet des habits de mineur, un casque en cuir bouilli, une lampe, garde le savon et le miroir de Jojo, découpe tous les articles de presse, les photos, les documents de commémoration. Tout et ses pensées sont contenus dans des carnets qu'il stocke dans un garage qui devient le mausolée de son frère, un lieu de secret et de respect. La perte du frère, le suicide de désespoir du père, le chagrin mortel de la mère.

Devenu chauffeur routier, il sillonne l'Europe aux commandes d'un poids lourd bâché d'une immense photo de Steve McQueen. A la mort de son épouse, il décide de quitter Paris et de retourner dans les corons. Il veut se venger, comme son père le lui a demandé. Mais comment retrouver le responsable du drame ? Les houillères sont fermées depuis longtemps, beaucoup d'anciens sont morts. Reste un café où, peut-être…

Le talent de Sorj Chalandon, toujours inspiré par du vécu, passe par la sidération tant les soubresauts sont inattendus, palpitants, dignes d'un excellent scénario de film dont le Steve McQueen d'emprunt tient la vedette. Ne manquez pas de découvrir le réquisitoire terrible de l'avocat général et la plaidoirie sobre et poignante de la défense. Car, un nouveau drame se joue tout aussi humain et bouleversant.

La catastrophe de Liévin-Lens de 1974 m'a immanquablement fait penser au drame du Bois du Cazier à Marcinelle (Belgique) en août 1956. 262 morts de douze nationalités dont une grande majorité d'Italiens. Je me souviens que des collectes étaient faites dans nos écoles et que nos institutrices nous avaient invitées à faire des élocutions sur la mine. Souvenir ravivé de ce désastre humain.

Ce livre est un magnifique hommage à cette région du bassin minier, désormais désaffecté depuis la fin du XXe siècle, mais dont l'intérêt patrimonial et historique a été reconnu par l'Unesco au début de ce XXIe siècle.
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5 ⋆ ce n'est pas assez, je voudrais en mettre une ligne entière ! Un vrai coup de ♡ !

En 1974, Michel Flavent est adolescent, son père Jean est cultivateur, son frère Joseph abandonne son métier de mécanicien pour celui de mineur. Joseph va travailler à la fosse Saint-Amé à Liévin, mine qui fera la Une le 27 décembre 1974 lorsque 42 mineurs périront à cause d'un coup de grisou. Michel Flavent se donnera aussi le nom de Michel Delanet, nom francisé par son frère Joseph, de Michael Delaney, pilote automobile qui a tenu le rôle de Steve McQueen dans le film Le Mans. Plus tard, Michel, devenu chauffeur routier, fera peindre Steve McQueen sur la bâche de son gros cube.
Sorj Chalandon rend hommage aux mineurs et, avec son humanité coutumière dépeint les sentiments de revanche et le remords de Michel toujours ressentis quarante ans après le mort de Joseph.
Le Jour d'avant, une oeuvre magistrale de Sorj Chalandon, une histoire qui emmène le lecteur de surprises en surprises.
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Si je devais imaginer une anthologie des livres qu'il faut avoir lus, "Le jour d'avant" y figurerait en bonne place, c'est une certitude.
Rarement un livre m'aura autant bousculé et surpris, ou encore captivé et sidéré, d'un point de vue scénaristique c'est assez bluffant, je me souviendrai longtemps de cette page 222 (format numérique) qui m'a littéralement coupé le souffle.
Après sept lectures, j'associais Sorj Chalandon à des thèmes axés sur la mélancolie, le drame, la colère ou la tristesse, le tout avec une profondeur de réflexion très au-dessus de la moyenne, j'avais souhaité faire un break avec l'auteur. Après plus d'un an et une série de lectures légères, le temps était venu de se retrouver à nouveau.
Parler de ce livre sans rien dévoiler est délicat et difficile, et pourtant j'ai vraiment envie de vous convaincre que cette lecture est à faire absolument pour une foule de raisons.
Pour l'Histoire d'abord, la mine et le quotidien des mineurs, leur monde, entre fierté et résignation mais toujours dans la dignité. Comme pour la duologie de "l'ami irlandais", Sorj Chalandon va nous instruire de choses que l'on ne peut pas appréhender de prime abord, la mine est un monde résolument à part.
Pour l'histoire de Michel Flavent ensuite qui raconte son frère mineur "tué par la mine", événement qui mettra sa vie entre parenthèses, une plongée dans la psyché d'un être dévoré par le chagrin et l'amertume, Michel qui, en perdant sa femme, sa dernière raison de vivre, va prendre une décision définitive, de celles qui sont écrites de longue date et qu'on ne met en oeuvre que lorsque que plus rien ne s'y oppose.
Et puis il y a cette page 222 et ce basculement dans l'irrationnel...
Il y a aussi ces deux plaidoiries tellement brillantes, contradictoires et pourtant toutes deux parfaites de cohérence et de justesse, c'est fascinant et perturbant que d'être convaincu tour à tour par deux opinions contraires...
Cette histoire c'est aussi une descente, non pas dans la mine cette fois, mais dans les méandres d'une réflexion ardue qui est celle du jugement de l'homme par l'homme, c'est troublant et instructif.
Pour toutes ces raisons croyez moi, ce livre vous apportera forcément quelque chose à différents niveaux, et rien que pour cette raison, il vaut d'être lu.
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Où Chalandon va au charbon.
Bien pourrie l'intro, Lolo.
C'est pas faux, pardon, je comptais juste détendre un peu l'atmosphère.

Parce qu'ici mon gars c'est la mine, les gueules noires, le labeur de bagnard et le grisou chafouin. Ambiance à furieuse dominante anthracite.

Parce que « Le jour d'avant » revisite une terrible réalité historique, la catastrophe de Liévin où périrent 42 mineurs, victimes de la négligence avérée du patronat des Houillères nationales.

C'était en 1974. Jeune journaliste à l'époque, Sorj Chalandon fut profondément révolté par ce drame trop complaisamment imputé à la fatalité. Une indignation qui ne l'a jamais quitté et qu'il exprime enfin à travers ce récit, insufflant sa propre colère à un personnage fictif, victime collatérale de la tragédie sus-citée.

« Le jour d'avant » serait donc l'histoire d'une vengeance, l'histoire d'un deuil qui crie justice, d'une détresse qui vient inscrire un humble destin dans le drame collectif, jusqu'à l'obsession, jusqu'à une vérité qui finalement s'avère bien plus subtile.

Instructif et bouleversant, porté par une écriture parfaite, épurée, précise et pénétrante, ce roman admirablement construit réhabilite les oubliés de la mine et leurs familles à travers, en outre, un surprenant suspense psychologique et judiciaire.

Magnifique et incontournable
(et c'est pas tous les jours que je dithyrambique à ce point)


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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"Je n'avais pas envie de parler. Pas envie de jouer. Mon frère était mort il y avait quarante ans, en ouvrier.Et cette terre n'était plus la sienne. Plus la mienne non plus.
Notre bassin n'avait plus rien de minier. Je ne reconnaissais ni les hommes ni leurs rêves. Je n'aimais pas les questions rances qui les souillaient. A mon retour, je m'étais enivré des couleurs, la lumière du ciel, l'odeur de terre mouillée, la beauté des terrils, la majesté du chevalement. (...) Je pensais retrouver des éclats d'enfance et j'en ramassais des lambeaux. "(p. 117)


Une éternité que je reporte ma curiosité pourtant bien réelle de lire
cet écrivain... Me voilà lancée avec son dernier roman, qui m'interpelle plus directement par son sujet...et son décor !

Mise en avant de ceux à qui on ne donne jamais la parole, sacrifiés sur l'autel des puissants et du profit : les hommes de la mine, les paysans,les gens de la terre, etc. Mais surtout, en noyau dur, central, LA MINE...

Le narrateur a été traumatisé , marqué au fer , tout jeune, par la mort prématurée de son frère aîné, Joseph, dit Jojo, au demeurant décédéen descendant dans la mine, le suicide peu après du père , qui n'a pu supporter la mort trop injuste de son fils...
Ne sont restés que la cadet et la mère esseulée...devant continuer la route, malgré le chagrin insupportable !

"Venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, mort en paysan. Venger ma mère,morte en esseulée; j'allais tous nous venger de la mine. Nous laver des Houillères, des crapules qui n'avaient jamais payé leurs crimes. (...)
Rendre justice aux veuves humiliées, condamnées à rembourser les habits de de travail que leurs maris avaient abîmés en mourant." (p. 130)

Je termine ce roman bouleversant , captivant, riche en suspens et en rebondissements déroutants...en fausses pistes, mais je ne m'attaquerai pas à rentrer dans les détails, car l'une des richesses de ce roman se trouve justement dans les nombreux effets de surprise !

Une histoire qui tourneboule...Un roman de la Mémoire et de la culpabilité, poussé aux confins de l'imaginable ...Un moment très , très fort de lecture... Ouvrage lu en 48 heures, tant j'étais accroché au destin du narrateur, ce petit frère, Michel... pris en tenailles entre son drame personnel et la mémoire collective...

Cette lecture à peine achevée, je vais poursuivre mon entrée dans l'univers de monsieur Chalandon, avec "Une promesse", et "Le Quatrième mur"... ces précisions pour confirmer mon enthousiasme et curiosité redoublée pour l'écriture de cet auteur, qui me touche infiniment !!
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« Au Nord, c'était les corons... »
Difficile de ne pas penser à la chanson de Pierre Bachelet en lisant ce roman. Les deux ont en commun de rendre hommage aux mineurs, ceux qui ont le charbon dans le sang, qui meurent brutalement d'un coup de grisou au fond de la fosse, ou ceux qui meurent à petit feu, les poumons silicosés. Chanson et roman ont en commun d'être beaux et poignants.
« Le jour d'avant », c'est le 26 décembre 1974, la veille d'un de ces coups de grisou meurtriers, qui tua cette fois-là 42 mineurs du puits de Saint-Amé à Liévin (un fait réel).
Le jour d'avant, c'est encore le temps de la joie pure et du bonheur pour Michel, 16 ans, et son grand frère adoré, Joseph (Jojo), qui s'amusent comme des fous à faire des tours de mobylette au coeur de la nuit, riant aux éclats.
Le lendemain, sur le coup de 6h19 du matin, la vie s'arrête. Joseph succombera à ses blessures, puis ce sera leur père, qui s'éteindra, un an après, non sans avoir laissé une lettre à son fils cadet : « Michel, venge-nous de la mine ».
Pendant 40 ans, Michel vivra dans cette idée de vengeance, imprégné jusqu'à l'os de la conviction que « la mine les a tous tués ». 40 ans d'obsession, à garder les coupures de journaux, à entretenir le souvenir d'un frère adulé à la limite du raisonnable, à refuser de croire à la fatalité et à chercher un coupable. Jusqu'au jour où, ayant déterminé le responsable, Michel met son plan à exécution. Lors de l'instruction de l'inévitable procès d'assises, un énorme coup de théâtre change la donne. Et ce qui devait être le procès de la « mine assassine » et de la recherche du rendement au détriment de la sécurité des mineurs révèle en réalité un drame bien plus intime et complexe. C'est alors une autre histoire qui se raconte, dans laquelle une mission de vengeance s'emmêle avec le traumatisme de la perte d'êtres chers, le déni et la culpabilité.
Le portrait psychologique de Michel est d'une grande finesse, on ne cesse d'osciller entre empathie et incompréhension. C'est magnifiquement écrit, profondément humain, tout sonne juste, la description du pays noir, de la mine tueuse, des mineurs exploités, le réquisitoire de l'avocat général et la plaidoirie de la défense, le drame d'un homme égaré dans sa douleur.
Un récit puissant et prenant, avec en fond sonore le bruit des chevalements et les notes de musique de « Jojo », la chanson de Brel.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, Liévin. Michel et Jojo sont deux frères inséparables. Jojo, l'aîné, rêve de devenir pilote automobile, s'imagine mécanicien de stand. Malheureusement, comme tant de jeunes, il finira, à 20 ans, au fond de la mine. Et ce, malgré la désapprobation de son père qui rêvait de le voir reprendre ses terres. Une mine qui le dévorera en ce 27 décembre 1974. Un coup de grisou survient dans la fosse n°3, la fosse de Jojo. L'on dénombrera pas moins de 42 morts, des dizaines d'orphelins et de veuves. Un drame pour Michel qui, 40 ans plus tard, n'aura rien oublié. N'aura jamais pardonné. N'aura pas omis la promesse faite à son père de les venger de la mine...

Partant d'un tragique fait divers pour tisser une fiction, Sorj Chalandon nous plonge dans la noirceur des mines de charbon mais aussi dans celle de l'âme humaine. Car Michel, plus que jamais traumatisé par la mort de son aîné, n'aura de cesse, tout au long de sa vie, de venger la mort de celui-ci. Le 43ième mort, celui qui n'aura pas reçu d'hommage national parce que non décédé au fond de la mine. Injustice aux yeux de Michel qui crie vengeance. Autour de ce thème de la vengeance mais aussi de la culpabilité, de l'honneur, de la mémoire, de la fraternité, de la solidarité, l'auteur nous offre, sur fond social passionnant et dramatique, un roman aussi terrible que captivant, au revirement inattendu qui donne une autre dimension au récit. L'auteur, alors journaliste en 1974, fortement marqué par la catastrophe de Liévin, rend ici hommage aux 42 mineurs morts. Il dépeint, avec justesse et un sens de l'observation aigu, la vie et le travail dans le bassin minier. Un récit fort, poignant, servi par une écriture tendre et sensible.
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« Ne fais jamais d'enfant. C'est trop de souffrances ».
Voilà ce que sa mère lui dit. Et puis elle s'en va. Et elle a raison, la mère : son fils ainé vient de mourir, quelques jours après la catastrophe de la mine de Liévin-Lens, le 27 décembre 1974.
Et puis le père s'en va. Suicide. Plus moyen d'encaisser ce malheur.
Démarre alors pour Michel une vie de deuil, de calvaire, de poids énorme. Cet enfant de Vaast-les-Mines se sent mal, il porte toute la douleur de sa famille, de son pays. Et surtout, il cache en lui une blessure profonde.
Il choisit la vengeance pour se débarrasser de ce fardeau, d'autant plus que Cécile, l'amour de sa vie, s'en est allée elle aussi rejoindre les étoiles.

« J'allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, mort en paysan. Venger ma mère, morte en esseulée. J'allais tous nous venger de la mine. Nous laver des Houillères, des crapules qui n'avaient jamais payé leurs crimes. J'allais rendre leur dignité aux sacrifiés de la fosse 3bis. Faire honneur aux martyrs de Courrières, aux assassinés de Blanzy, aux calcinés de Forbach, aux lacérés de Merlebach, aux déchiquetés d'Avion, aux gazés de Saint-Florent, aux brûlés de Roche-la-Molière. Aux huit de la Mûre, qu'une galerie du puits du Villeret avait ensevelis. J'allais rendre vérité aux grévistes de 1948, aux familles expulsées des corons, aux blessés, aux silicosés, à tous les hommes morts du charbon sans blessures apparentes. Rendre justice aux veuves humiliées, condamnées à rembourser les habits de travail que leurs maris avaient abimés en mourant ».

La première partie de ce roman m'a vivement intéressée, quoique agacée à certains moments par l'écriture trop « théâtralisée ». Oui, Michel, tu as mal. Oui, tu vas te venger. Oui, tu collectionnes tout ce que tu peux sur la mine, sur la catastrophe, sur les chefs – dont un en particulier. Oui, tu te rappelles, encore et encore, ton grand frère, son rire, ses cheveux blonds, son désir de vivre, sa bonté. le jour d'avant la catastrophe, aussi, lorsque vous êtes partis tous les 2 sur la même mobylette. Cela te taraude, t'envahit, te mobilise. T'enterre, aussi.

Et puis la vengeance approche, envahit tout ton être. Tu fonces. Tu t'enfonces dans l'acte maudit, mais tu te délivres. Et là, je frémis. Je t'accompagne. Je suis persuadée qu'il va se passer « quelque chose ».
Effectivement : un coup de théâtre magistral va remplacer les sempiternelles lamentations. La tension monte pour exploser lors du procès, notamment lors de l'intervention des protagonistes.
Et là, tout déborde, les tensions comme les émotions. le silence fait face à des phrases en lettres de feu.
Je tremble, je murmure, je pleure. Sorj Chalandon a réussi à me plonger dans l'atroce quotidien des mineurs en leur rendant hommage de la meilleure façon qui soit, mais il est parvenu aussi à me faire comprendre la culpabilité qui ronge le coeur de l'homme.

Un livre inoubliable !
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Que d'émotions dans ce roman !
Une fois de plus, Sorj Chalandon a écrit un texte profondément humain, et une fois de plus, il m'a régalée.
Il a vraiment un talent fou pour créer des personnages qu'il sait rendre tellement réels, tellement vivants, tellement émouvants, que le lecteur n'est pas un simple spectateur, et qu'il vit leurs histoires.
Intensément.
Il nous parle ici de mineurs. de ces fameuses "gueules noires" dont chacun a vu des photos.
De ces hommes qui descendaient chaque matin pour aller travailler au fond, dans des conditions terribles. Au péril de leur santé et de leur vie.
Il nous parle des familles de ces hommes : des femmes et des enfants qui, eux aussi, ne vivaient qu'à travers la mine.
Cette mine qui les dévore tous, qui les grignote physiquement et mentalement.

J'étais jeune enfant lorsque la catastrophe de Liévin eut lieu, je m'en souviens confusément.
Je me rappelle quelques images vues à la télévision et qui m'avaient frappée : des femmes et des enfants, des hommes qui pleuraient les disparus. Des maris, des pères, des frères, des camarades. Je me souviens avoir pensé que c'était affreux pour ces enfants, et que j'étais chanceuse parce que moi, mon papa était là, à la maison.
Ma lecture m'a donné envie de revoir ces images qui ont laissé ces traces un peu floues dans ma mémoire. J'y ai retrouvé cette tristesse et cette douleur insupportables qui m'avaient touchée.
Mais surtout, j'y ai découvert ce que je n'avais pas vu, n'ayant pas à l'époque la maturité pour le faire. J'y ai vu des politiciens de tous bords venir avec leurs mines compassées, des hommes dont on sent qu'ils auraient envie d'être n'importe où ailleurs, des hommes dont on devine qu'ils n'ont qu'une hâte : rentrer chez eux et reprendre tranquillement le cours de leur vie.

Alors, j'ai parfaitement compris la révolte de Michel.
J'en ai identifié les raisons, j'en ai saisi le but et j'en ai épousé la cause.
Quelle force dans ce texte !
Sorj Chaladon dénonce avec vigueur. À travers les tranches de vie quotidienne des mineurs, il nous montre leurs conditions de travail. Terribles, usantes, et ruinant petit à petit la santé de ces hommes fiers et courageux, quand elles ne les tuent pas directement lors d'un accident.
L'émotion monte petit à petit dans le roman, au fil du récit de Michel et l'on suit le coeur serré ce magnifique hommage rendu aux gueules noires.
Sorj Chaladon est plus humain que jamais dans ce livre intense et prenant. Surprenant aussi : quelle stupéfaction lorsque j'ai compris le titre !

Certains ouvrages me distraient, d'autres m'instruisent ; certains me surprennent, d'autres me font réfléchir. C'est ce que j'aime dans la lecture : varier les genres et les plaisirs.
Mais ce que j'attends avant tout, c'est que le texte me procure des émotions.
Dans ce domaine, Sorj Chalandon fait partie des auteurs qui savent diablement bien s'y prendre. Je le pensais déjà après avoir lu Mon traitre et Retour à Killybegs ; avec le jour d'avant, j'en suis plus que jamais convaincue.
Un livre fort, un livre terriblement émouvant. Qui vous habite encore longtemps une fois refermé et vous conduit à une réflexion passionnante sur la vérité.
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