Dans ce roman,
Sorj Chalandon rend hommage aux mineurs, notamment à ceux décédés lors de la catastrophe du 27 décembre 1974 à Liévin (la fosse 3bis dite Saint Amé) où quarante-deux mineurs ont trouvé la mort.
Le thème de ce roman est double : la catastrophe qui aurait pu être évitée, et le poids de la perte d'un proche, en l'occurrence le frère aîné de Michel, Jojo qui ne figure pas sur la plaque commémorative car il est mort à l'hôpital et non au fond de la mine. En fait, ce n'est pas aussi simple…
La famille de Michel est dévastée par la mort de Jojo qui n'avait que trente ans et qui était allé « au charbon » contre l'avis de son père, paysan vivant dans des conditions. le père qui se suicide un an après la mort de Jojo, laissant un message : « venge-nous de la mine ».
On voit s'installer cette obsession de la vengeance, Michel accumulant dans son box les articles de journaux sur la tragédie, achetant tout ce qui se rapporte à la vie des mineurs : taillette, casque, lampe, habits… En fait, il cherche un coupable à tout prix, car dans sa tête, il y a les bons d'un côté et les méchants de l'autre.
Il n'avait que seize ans à la mort de Jojo alors que s'est-il passé réellement ? A-t-il refait l'histoire dans sa tête pour pouvoir survivre, empêchant la culpabilité de s'installer ? Derrière la rage de la vengeance, on sent très vite que c'est beaucoup plus compliqué.
Sorj Chalandon dénonce aussi les conditions de travail précaires, le rendement, les pressions des Houillères pour que les mineurs travaillent un peu plus, un peu plus vite, oublient de ses protéger pour gagner du temps, au nom de la sacro-sainte rentabilité ! mais aussi la fraternité entre mineurs, la solidarité des familles.
On retient aussi le cynisme de la direction qui n'hésite pas à retenir trois jours de salaire (la catastrophe ayant eu lieu le 27 décembre) et « Au bas de la fiche de salaire, en plus des trois jours dérobés, la direction avait retenu le prix du bleu de travail et des bottes que l'ouvrier mort avaient endommagés. » P 83
Et il aborde aussi la silicose, les poumons remplis de poussière de charbon, la maladie qu'on ne veut pas reconnaître en haut lieu, il faudrait l'indemniser !
Toute la partie consacrée à la mine m'a beaucoup plu, de même que la construction de la personnalité de Michel autour des deuils successifs : son frère, son père, sa femme.
Les souffrances et la mort de Céline, vont rompre le fragile équilibre qu'il avait trouvé, dans son couple, son travail, loin de la mine, faisant certainement exploser les digues qu'il avait tenté d'ériger : il replonge dans son obsession et trouve un responsable, en la personne d'un contremaître atteint de silicose à un stade avancé, sous oxygène, avec des tuyaux partout, qui est étrangement passif, « victime consentante » en quelque sorte et sur lequel il va s'acharner.
Seulement, il y a un mais : le comportement de Michel, notamment lors du procès, avec son refus de parler, m'a déconcertée, voire irritée. le procès, qui devait être celui des Houillères, va apporter des surprises sur la personnalité de Michel qui va perdre le capital de sympathie que je lui avais octroyé.
Alors que l'histoire m'intéressait, ainsi que les protagonistes, l'évolution de Michel dans la suite du roman m'a un peu déçue. Je pense que l'auteur aurait pu approfondir davantage les mécanismes psychologiques qui ont conduit à son acte et mieux éclairer la personnalité.
Le style de
Sorj Chalandon est toujours aussi percutant, mais la magie a moins bien fonctionné qu'avec «
le quatrième mur » et «
La légende de nos pères ».
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