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sur 382 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Esternome un des premiers noirs affranchis de la Martinique, raconte son histoire, par la bouche de sa fille Anne-Sophie. Elle poursuivra ensuite par le récit de sa propre vie.
C'est ainsi que de 1820 à nos jours, Patrick Chamoiseau nous livre l'histoire de la Martinique.
Dès le début, on est pris dans un tourbillon coloré. C'est vivant et réaliste, parsemé d'expressions créoles
Extravagance et sagesse cohabitent chez les personnages hauts en couleur.
Les difficultés de la prise de liberté, la conquête de « l'En-ville », la misère qui succède à l'espoir, l'importance des traditions, la peine à trouver sa place,l'auteur dépeint tout cela magistralement.
C'est très riche, très fourni, tellement même qu'on s'y perd parfois ; j'avoue avoir survolé quelques pages. Mais c'est extrêmement bien raconté et on lit comme on écouterait.
On a à faire à une oeuvre majeure qui mérite amplement le prix Goncourt qui lui a été décerné.
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150 ans d'histoire de la Martinique racontée à Patrick Chamoiseau par Marie-Sophie Laborieux, descendante d'esclaves, fille d'Idoménée la mulâtresse, et d'Esternome Laborieux, esclave affranchi.

Texaco, quartier insalubre qui tient son nom d'une compagnie pétrolière qui a déserté les lieux depuis longtemps. Patrick Chamoiseau nous entraîne dans ce récit avec ce langage très imagé, plein de termes créoles de la Martinique. le dépaysement est là et il faut s'accrocher : "Un jour (je le suppose car nul n'a milané) il lui fit naître du doigt quinze frissons sur la nuque, puis une charge de douceries au mitan plein du ventre (mieux que celles d'un cul de pipe sucé en fin de soleil à l'écoute des crikettes)." Eh ben ça, je n'avais pas compris de quoi il s'agissait? MDR, tant le vocabulaire m'a échappé.
"Ce que mon Esternome entendait par Mentô, j'eus mauvais coeur à l'admettre. Il m'est toujours difficile d'imaginer la Force esclave sur une bitation ;"
Voilà donc le langage étrange auquel il a fallu que je m'habitue.
La langue est belle, mais le texte est difficile et j'ai rarement lu un livre aussi lentement. Ça a été pour moi comme de découvrir un idiome nouveau. Je l'ai néanmoins trouvé très imagé et incroyablement poétique quand il est question de désir charnel.

Békés, békés rouges, blancs-france, mulatres, nèg-de-terre, nèg-d'En-ville, nègres libres, nègres-marrons, nègres-kongo et tant d'autres encore… tous ceux qui vivent sur cette terre de Martinique appartiennent à des catégories différentes et nombreuses avec une sorte de mépris pour celles auxquelles ils n'appartiennent pas.

Alors j'ai mis environ 150 pages à m'habituer au parler de là-bas, mais même à partir de là, j'ai bien ramé pour ne pas perdre le fil. C'est très intéressant d'un point de vue historique et cette poésie à fleur de lignes, appuyée par le créole, est totalement enchanteresse. C'est beau et douloureux. La vie de douleur des martiniquais est racontée avec énormément de grâce et de gravité.
"Il me raconta tout, plusieurs fois, en créole, en français, en silences."
C'est aussi extrêmement révoltant, mais ça hélas, c'est le destin de l'humanité de devoir faire face à beaucoup trop d'injustices.

Les passages qui parlent des livres et de littérature, je les ai trouvés envoûtants, ils font tant de bien !
Et puis il y a des moments très drôles…

Texaco est un roman qui se mérite. Il faut s'accrocher pendant toute la première partie, en tout cas me concernant, mais ensuite j'ai trouvé que ça en valait la peine.
C'est intéressant et instructif de bout en bout, même si l'intérêt, dans mon cas, a souvent suivi une courbe sinusoïdale.
Ce que j'en retiendrai ? La beauté de ce qui est dit, la façon de le dire, plus tout ce que j'ai appris sur la Martinique et que trop souvent les femmes ont une croix bien lourde à porter.
Lien : https://mechantdobby.over-bl..
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Goncourt 1992. Projet ambitieux de Patrick Chamoiseau de vouloir expliquer la grande histoire de la Martinique par la petite histoire de la chronique de vie - ou même de survie - de trois générations qui vont passer de l'esclavage au monde moderne où tout n'est évidemment pas rose dans une île qui se construit. Prendre l'angle de l'urbanisation de Fort de France est assez orginal et permet d'avoir beaucoup d'empathie avec les personnages qui en se battant pour leur quartier bidonville, lutte en fait pour leur condition de vie et leur aspiration à une vie plus juste. le mélange de créole et de français peut déranger au début et il faut quand même batailler un peu pour ne pas lâcher le livre. Heureusement les personnages sont attachants et le propos n'est pas larmoyant... Intéressant pour donner une autre vision de la Martinique que l'image d'Epinal de l'ile paradisiaque...
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Que raconte Chamoiseau par le biais de ce bouquin? Cette histoire, c'est celle de la Martinique sur cent cinquante ans à travers le regard d'une femme Marie-Sophie. Durant les six parties du roman :

Annonciation
Temps de paille
Temps de bois-caisse
Temps de fibrociment
Temps de béton
Résurrection
Le lecteur suit la quête identitaire du peuple antillais marqué par l'esclavagisme et le colonialisme. Dès les premières pages du livre, le lecteur prend conscience de la lutte entre deux populations : les gens du quartier Texaco et ceux de l'En-ville. Texaco, c'est au départ un bidonville de Fort-de-France qui se transforme progressivement en quartier, c'est le symbole de la lutte, c'est un espace habité par des gens qui ont réussi à se libérer de leur état d'esclave, c'est la vie en communauté. Mais encore, dans les premières pages, le lecteur découvre le merveilleux personnage de Marie-Sophie Laborieux. Elle est le centre du quartier Texaco, elle est sa fondatrice. Ce dernier s'est construit autour d'elle et des réservoirs de pétrole de la célèbre compagnie. On apprend dans cette partie que la survie du quartier Texaco dépend de ce que Marie-Sophie a à raconter à un urbaniste qui souhaite voir le quartier détruit en raison, entre autres, de son insalubrité.

Alors, j'inspirai profond : j'avais soudain compris que c'était moi, autour de cette table et d'un pauvre rhum vieux, avec pour seule arme la persuasion de ma parole, qui devrais mener seule – à mon âge- la décisive bataille pour la survie de Texaco. (p. 19)

Il y a donc un profond enracinement dans l'oral qui est présenté (spécificité de la créolité dans le roman et de l'imaginaire antillais). La parole semble représenter la mémoire collective de ce peuple. En replongeant dans son passé, Marie-Sophie Laborieux (signifiant faisant référence à la mère, à la sagesse et au labeur) tente de démystifier l'idée que son quartier est primitif, qu'il ne possède aucune organisation sociale et qu'il est sans culture. La parole devient son arme. Par son discours, elle souhaite qu'il y ait une prise de conscience positive envers les siens.

De plus, par sa parole, Marie-Sophie amène l'urbaniste à changer sa position par rapport à Texaco. Elle lui fait prendre conscience de la dimension cachée de son quartier : l'harmonie.

En écoutant la Dame, j'eus soudain le sentiment qu'il n'y avait dans cet enchevêtrement, cette poétique de cases vouée au désir de vivre, aucun contresens majeur qui ferait de ce lieu, Texaco, une aberration. Au-delà des bouleversements insolites des cloisons, du béton, du fibrociment et des tôles […], il existait une cohérence à décoder, qui permettait à ces gens-là de vivre aussi parfaitement, et aussi harmonieusement qu'il était possible d'y vivre, à ce niveau de conditions. (p. 269)

Grâce à la force de sa parole, Marie-Sophie convainc l'urbaniste de la nécessité et de l'importance du quartier Texaco.

Mais encore, il est question d'une quête liée à la liberté à la fois individuelle et collective dans ce récit. Marie-Sophie aborde l'histoire de son grand-père et de son père qui ont dû vivre une prise de conscience par rapport à leur droit à l'égalité. Ils ont dû s'éveiller et lutter. À cet égard, le symbole de la liberté est associé à l'En-ville dans le roman. L'En-ville apparaît comme étant la lumière au bout du tunnel pour les noirs. Marie-Sophie ira elle-aussi y travailler afin de poursuivre le chemin amorcé par ses pères. Elle réalise que le milieu urbain n'est qu'un endroit de passage pour elle et ses semblables. Il est marqué par la solitude et le repliement sur soi. Les habitants du quartier Texaco partagent le même rêve : entrer dans l'En-ville. Ils souhaitent être enfin acceptés pour qui ils sont. En faisant annexer Texaco à l'En-ville, ils ne perdront pas leur créolité et leurs valeurs. En faisant partie de l'En-ville, les gens de Texaco auront la chance de bénéficier des biens élémentaires, ce qui constitue la base pour être dans le monde. de ce fait, ils deviendront libres et ils auront lutté ensemble tout en gardant leur identité.

Il est question aussi d'Aimé Césaire dans ce récit ce que j'ai beaucoup apprécié. Marie-Sophie aborde son importance. Elle mentionne que les noirs deviennent très sensibles, grâce à lui, à des mots comme autonomie et assimilation. Césaire devient le drapeau de l'espoir :

Il nous porta l'espoir d'être autre chose. (p. 275)

Césaire permet aux noirs de réaliser qu'ils peuvent conquérir l'En-ville. Il leur démontre qu'ils peuvent réussir en étant des personnes noires. Il leur fait réintégrer leur couleur, leur âme.

Le dernier désir de Marie-Sophie Laborieux est directement relié à la parole. Elle ne souhaite pas que le nom du quartier soit changé.

Je lui demandai une faveur, Oiseau de Cham, faveur que j'aimerais que tu notes et que tu lui rappelles : que jamais en aucun temps, dans les siècles, on n'enlève à ce lieu son nom de TEXACO, au nom de mon Esternome, au nom de nos souffrances, au nom de nos combats, dans la loi la plus intangible de nos plus hautes mémoires, et celle bien plus intime de mon cher nom secret qui – je te l'avoue enfin- n'est autre que celui-là. (417-418).

Le nom du quartier ne peut qu'évoquer le discours de l'endroit. le nom Texaco est en fait le véhicule de la mémoire et de la parole du coeur.

Dans la dernière partie du roman, les gens du quartier sont enfin libres et autonomes. le livre est d'ailleurs clôt sur cette vision :

Je voulais qu'il soit chanté quelque part, dans l'écoute des générations à venir, que nous nous étions battus avec l'En-ville, non pour le conquérir (lui qui nous gobait), mais pour nous conquérir nous-mêmes dans l'inédit créole qu'il nous fallait nommer-en nous-mêmes pour nous-mêmes- jusqu'à notre pleine autorité. (p. 427)

Marie-Sophie devait raconter la spécificité de l'histoire de la Martinique. Il fallait qu'elle refasse ce voyage dans le temps pour plonger dans l'identité antillaise, la nommer, l'affirmer et célébrer la créolité en reconnaissant l'existence d'un quartier : Texaco. C'est la réappropriation individuelle et collective de la créolité dans toute sa grandeur qui est exprimée.

Il y a également de nombreux référents à la religion dans ce récit. L'urbaniste semble associé au Christ et les différents temps relèvent d'une symphonie quasi-biblique débutant avec le sermon jusqu'à la résurrection symbolisant la renaissance du quartier.

https://madamelit.ca/2018/12/21/madame-lit-texaco-de-patrick-chamoiseau/
Lien : https://madamelit.ca/2018/12..
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Marie-Sophie Laborieux est la mémoire vivante, le point focal de Texaco. le quartier, tenant son nom du complexe pétrolifère niché dans la mangrove et qu'il surplombe en partie, est une sorte d'excroissance de "l'En-ville", Fort-de-France. Ensemble hétéroclite d'habitations faites de bric et de broc, il s'est développé, tel un madrépore, sous le regard hostile du béké propriétaire du terrain, qui n'a eu de cesse d'aller quérir les "céhêresses" pour mettre un terme à cette violation patente du droit de propriété. Aussitôt démantelé, aussitôt reconstruit. Sous l'impulsion de la câpresse - qui en a vu d'autres, et avec l'aide providentielle du maire charismatique et populaire Aimé Césaire, le quartier, phénix renaissant de ses cendres ou chancre incurable selon que vous en soyez l'habitant ou un représentant de la loi et des possédants, demeure, insubmersible.


Scandé par des extraits apocryphes des Cahiers de Marie-Sophie Laborieux ainsi que de Notes de l'urbaniste au Marqueur de paroles, traduisant la mise en abîme du récit et la valeur mémorielle et orale d'un patrimoine immatériel de la créolité, Texaco retrace les tribulations d'une famille depuis le XIXème siècle, chassée De Saint-Pierre par l'irruption de la montagne Pelée, ballottée par les remous de l'histoire, jusqu'à son installation dans le bidonville aux marges de la capitale martiniquaise. A travers cette famille, c'est la destinée du peuple antillais, son émancipation progressive de l'idéologie colonisatrice dominante de la France de la métropole qui est retracée. L'argument du roman tiens sa force dans le partit pris formel de l'auteur, dont la langue est un mélange savoureux de français et de créole. Très franchement, on ne comprend pas tout, à moins d'avoir recours continuellement aux moteurs de recherche, au risque de nuire au rythme du récit, pas spécialement ébouriffant en lui-même. En l'absence de notes de bas de page, qu'on aurait fort apprécié, le texte étant loin d'être dénué de qualités littéraires, on se laisse porter par la puissance évocatrice des vocables inusités du récit, ce qui crée un certain flou poétique que certains apprécieront ; je n'en suis pas. L'ensemble, assez inégal, requiert une lecture soutenue, sous peine de se perdre quelque peu dans cette masse narrative.
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C'est dans la belle et difficile aventure de la création d'un quartier et de l'histoire de l'île, que Patrick Chamoiseau nous emmène sous le soleil de la Martinique, sur les pas de Marie-Sophie Laborieux accompagnée de la mémoire de son père Esternome.
Le début peut paraître un peu ardu avec une langue qui est belle, teintée de créole (« des phrases emmêlées où je m'emprisonnais ») mais que l'on apprivoise au fur et à mesure des pages, jusqu'à se laisser envoûter et emporter. Une histoire pleine d'émotion avec des personnages épiques.


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Une très belle façon de raconter l'histoire du quartier Texaco, et au delà une partie de l'histoire des Antilles.
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Très bon livre. L'oiseau de Cham, comme on l'appelle là-bas, raconte avec une poésie extraordinaire l'histoire de la Martinique, à travers les souvenirs d'une « vieille femme câpresse ».
Marie-sophie Laborieux raconte d'abord l'histoire de son père, Esternome. Il vécut au temps de l'esclavage, dans les plantations de canne à sucre. Son père à lui mourut dans un cachot, après avoir empoisonné le bétail du maître, un béké...
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