À Roland Giguère
Dans nos yeux parfois un regard
échoué
qui ne comprend ni l'espace ni le temps
ni l'atrophie des bras de nos pères
dans nos yeux parfois
s'étend l’infini qui passe dans nos têtes
pour effacer nos souvenirs de nous-mêmes
dans nos yeux
en rêvant près du lit
elle vacille de plaisirs sur ses talons rouges
et dirige tout son coeur vers les parfums de son corps
dans nos yeux parfois
le coeur affleure à vif
et le silence gère
comme un geste qu'on fait sans avoir à le faire
dans nos yeux parfois un regard
sur la pointe des pieds
cherche d'autres regards
pour savoir où nous sommes
À vif
Suspendus par les lèves aux bouches du désir
la tête obstineuse
le coeur obstiné
le corps éclatant de sa bouche toute rouge
qui en veut à vie aux femmes vertiges
de l'avoir embrassé avec leur langue
et de lui avoir greffé un coeur de femme
comme pour l'empêcher de quitter le lit de la terre
où se trament les grandes choses de la vie
et où se parfument les femmes de sa vie
Parfois
souvent le dire avec des mots ne se dit pas
tellement le mal fait mal
tellement les mots ne disent rien
ou ne veulent rien dire de ce qu'ils ont à dire
parfois
souvent les mots miment mais
déchirent la gorge
percent coupent trouent font saigner étouffent
parfois
je suis l'espace, je suis l'espace
et je ne pense pas que je pense
Pendant quelques heures je répéterai
n'être rien
en gesticulant, en parlant
des cris de carton
nous libérer de notre première matière
inutile
et la tête désordonnée proclame
que le coeur n'est pas un organe noble
avec lequel on vit mieux
que l'esprit n'est qu'une mince pellicule de peau
facile à percer
entre l'abîme et mes mots renversés
personne ne veut qu'il n'y ait plus rien
il faudra que quelqu'un m'empêche de crier
Déraisonner
Elle est de fines mains comme des brindilles
un être en provenance de l'air du large d'un fleuve
lorsque la nuit large lisse ses plumes avec son bec
et il l'apprend dans ses bras
pour toute la vie, pour toute affection
les ailes de la poésie se referment
monarque immobile orange