Passionné d'histoire antique et tout particulièrement par Carthage, émerveillé par la plume d'
Emmanuel Chastellière avec
Célestopol et
Célestopol 1922, j'attendais
Himilce avec impatience.
Et je n'ai vraiment pas été déçu du voyage.
Himilce, princesse Ibère est donnée en mariage à Hannibal pour assurer la paix entre Ibères et Carthaginois. Hannibal se dirigeant vers Rome, il envoie son épouse à Carthage, où elle va découvrir la ville, sa belle-famille et les intrigues, accompagnée d'un garde numide, Aspar.
Face à l'indifférence, voire l'hostilité de sa belle-famille,
Himilce va tenter de trouver sa place.
Il ne nous sera ainsi montré ni grande bataille, ni la relation entre la princesse et le grand général carthaginois. Mais c'est justement par ses partis pris que le roman fait mouche et se démarque de ce qu'on peut lire habituellement en fantasy historique (peut-on vraiment parler de Fantasy ici? ) :
Emmanuel Chastellière préfère ici nous montrer l'envers du décor et les répercussions de la guerre sur la cité punique et ses habitants.
La grande force de ce livre réside dans ses personnages. Beaucoup sont marquants, tous sont nuancés et terriblement humains, à commencer par
Himilce. La princesse est sans doute une des héroïnes les plus fortes et les plus touchantes de la littérature. Luttant contre un destin dont elle ne voulait pas, elle refuse de se conformer aux attentes, et cherche jusqu'au bout sa voie, sa liberté, tout en restant bienveillante et pleine d'empathie.
Les autres personnages, d'Aspar à Bathsillem, permettent à l'auteur d'évoquer de nombreux sujets de société : religion, place des femmes dans la société, politique, sororité, amour, piété filiale, le poids de la guerre pour les plus démunis, les traumatismes des anciens soldats... cette transposition se fait avec délicatesse, jamais moralisatrice, toujours dans l'intérêt du récit.
L'autre grande réussite du roman est la reconstitution de Carthage. L'auteur parvient à nous plonger en pleine Antiquité, au milieu de la cité punique, avec un travail de recherche qu'on sent conséquent. Les descriptions, détaillées sans jamais perturber le rythme du récit, nous permettent de voir et même sentir Carthage, des somptueux jardins barcides aux quartiers moins reluisants, sans oublier la campagne environnante.
Choisir Carthage, la cité vaincue, comme cadre principale et une princesse dont on ne sait presque rien pour héroïne étaient des choix risqués mais qui s'avèrent au final payants, conférant une originalité certaine à un récit toujours très nuancé et juste. Avec une très belle plume, de superbes descriptions et des personnages forts,
Emmanuel Chastellière nous propose une (très) belle oeuvre historique et féministe.