Ce roman risque de partager le commun des lecteurs. Certains s'écrieront « Mortel ! », comme le font les jeunes qui veulent faire passer leur enthousiasme. D'autres le trouveront peut-être d'un ennui mortel parce qu'il diffère tant des thrillers de l'auteur.
Je me place clairement dans la première catégorie. J'ai trouvé cet étonnant roman tout autant passionnant que séduisant.
On aime tant tout classer dans des (petites) boites en France. Eh bien justement, avant de lire ce nouveau
Maxime Chattam, rangez soigneusement vos préjugés dans un carton et oubliez-le dans un coin (le carton, pas
Chattam).
Que j'aime ces auteurs qui savent se remettre en question et qui montrent leur envie de se frotter à de nouvelles expériences. J'avais déjà été ébloui par la noirceur de son magnifique précédent roman,
Que ta volonté soit faite. Dans un style très différent,
le coma des mortels m'aura fait puissamment vibrer.
Loin de l'univers des thrillers donc, l'auteur nous narre l'histoire de Pierre, un homme singulier qui a décidé de tout lâcher pour recommencer sa vie. Une histoire sombre, un roman noir à l'écriture très travaillée, qui raconte l'imprécation qui touche un homme qui voit tomber ses proches comme des mouches. Une sorte de Mal et Diction pour cet homme neuf, comme le dit si bien l'écrivain.
Roman noir certes, mais surtout roman plein d'auto-dérision, qui nous balade à travers des tranches de vie de ce personnage étonnant. Un récit bourré jusqu'à la moelle de bons mots, d'ironie, de sensualité, d'émotions, de cynisme et d'envolées philosophiques.
Un texte inattendu, très travaillé dans sa forme, qui fourmille d'excellentes idées et de créativité. Une inventivité de tous les instants dédiée exclusivement aux relations humaines (ou à la solitude). Des trouvailles jouissives, drôles ou touchantes, mises en valeur par une plume volontairement emphatique.
Maxime Chattam en fait parfois des tonnes et, si on adhère à cette manière de raconter, on en redemande ! Quel talent pour nous offrir tant d'astuces stylistiques et tant d'inventivité dans la construction du récit (à l'image de son final, du
Chattam tout craché). A ne pas prendre uniquement au premier degré, vraiment.
Une auto-dérision qui m'aura fait rire et frapper dans les mains de contentement. Un exemple, où l'auteur fait dire à son personnage principal dès la page 11 : « La vérité viendra, mais n'attendez pas que je la pointe du doigt, elle ne brillera pas comme l'entrée d'un casino de Las Vegas, oubliez les néons crépitant autour d'elle, vous n'êtes pas dans un des ces thrillers de gare où le héros balance la purée en fin de roman, juste avant le discours du grand méchant ». J'adore ça 😉.
Mais
le coma des mortels n'est pas qu'une farce, même si l'auteur y manie l'humour noir plus souvent qu'à son tour. C'est une histoire pleine d'allégories, lunaire et chimérique, qui parle de la vie et de la place qu'on y trouve, du mal-être… de l'amour aussi, à travers des passages sensuels et gothiques, tout autant créatifs que le reste du récit.
Maxime Chattam m'aura touché en plein coeur parfois, entre ses pitreries et ses traits d'esprit.
Car il sait manier autant sa prose que les saillies verbales, pour les mettre au service de personnages profondément complexes et attachants :
- Vous avez souffert dans la vie, non ?
- Je vis donc je souffre, comme nous tous.
- C'est votre devise philosophique ? du
Descartes mâtiné de
Sade ?
- Mâtiné de
Marilyn Manson. Avec les clous et tout.
Le coma des mortels est une oeuvre à part dans la biographie de
Maxime Chattam. Il convient, à mon sens, de s'y jeter corps et âme, et vierge de toute attente. le voyage n'en sera que plus mémorable si on est sensible à ce genre de roman enlevé, dérangeant et différent. Me concernant, ce fut une magnifique expérience de lecture, un vrai festin.
Lien :
https://gruznamur.wordpress...