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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La tragédie qui ouvre le récit est un fait divers comme tant d'autres, c'est peut-être la conséquence, la déflagration d'une tragédie plus grande encore, abyssale, celle des femmes recluses à perpétuité au nom de la tradition, de la loi des hommes et des sociétés fabriquées par les hommes et pour les hommes, du droit que peut s'octroyer un seul homme tout simplement et du silence complice des autres qui vient s'enrober dans ce fait divers comme dans tant d'autres faits divers, hélas.
Le sommeil délivré, c'est l'histoire de Samya, une jeune femme égyptienne, c'est l'histoire de son mariage arrangé par son père avec un homme de quarante-cinq ans alors qu'elle n'a que quinze ans.
L'homme s'appelle Boutros, c'est un bey. Nous sommes dans un petit village au bord du Nil, dans les années cinquante...
Les premières pages avancent de manière implacable vers le drame qui va se jouer d'ici peu. C'est Rachida la belle-soeur de Samya, c'est-à-dire la soeur de Boutros, qui nous parle tout d'abord.
Plus tard, Samya reprendra la parole, elle dira les choses à sa manière... D'une autre manière que sa belle-soeur. Elle dira tout d'abord les choses comme elle les a vécues, dans sa chair. Elle dira les choses comme d'autres femmes auraient pu le dire à sa place... À la manière des femmes qui souffrent, oppressées, à qui l'on donne la parole le temps d'un récit écrit par Andrée Chedid.
Ce qui est terrible dans ce texte, bien sûr c'est l'oppression de cet homme qui révèle peu à peu sa dimension tortionnaire, mais ce qui rajoute à ce drame c'est la complicité malveillante de sa soeur, Rachida. Dans un précédent billet, je vous évoquais la complicité terrible des belles-familles dans un contexte si proche... Ici, elle s'incarne dans ce personnage de Rachida.
Le sommeil délivré, c'est le rêve impossible de Samya à devenir femme, devenir mère, être libre enfin libre, exister tout simplement.
D'une écriture belle, poétique, ciselée à merveille, d'une écriture qui vient capter la lumière d'un matin s'éveillant et glissant sur les eaux du Nil, l'autrice s'éprend du destin douloureux d'une femme qui s'appelle Samya et elle le dit sans concession.
C'est le silence de l'obéissance et de la soumission, c'est la soumission et la résignation...
Samya n'est pas seulement enfermée dans une maison... Elle est recluse à jamais dans une vie qui est la sienne, ou plutôt qui ne devrait pas être la sienne.
Le sommeil délivré, c'est donc à la fois le silence et la tragédie.
Quel geste pourrait délivrer cet enfermement ?
Samya, condamnée au silence, se retrouve là debout à devoir emplir le silence des pages qui se déroulent plus tard et leur donner de la lumière à sa manière, tâtonnant comme une femme peut essayer de tâtonner dans un monde verrouillé par les hommes.
Un jour, Samya, ne peut plus se lever, c'est arrivé comme cela un matin, elle a perdu définitivement l'usage de ses jambes. D'ailleurs, à quoi lui serviraient désormais ses jambes ? Pour s'échapper ? Mais pour aller où ? Pour aller jusqu'où ? Vers quel horizon ? Vers quels autres hommes ? le village d'à côté qui lui est interdit d'accès ? Retourner chez son père, chez ses quatre frères ?
Ici ce n'est pas la barbarie d'un seul homme, c'est celle d'un pan de l'humanité, cette humanité qui regarde en arrière, s'accroche aux vestiges de la tradition, aux zones les plus sombres des religions censées rassembler, mais au nom de qui, de quoi ?
On voudrait tant lire ce livre aussi comme une promesse à venir qui changerait le monde.
En contrepoint d'une noirceur qui pourrait dessiner la fatalité d'un monde sans retour, Andrée Chedid parle d'amour, l'amour de la vie plus que jamais, désolé moi j'y crois un peu encore.
Elle pose aussi cette question lancinante : est-il possible de se rebeller, quand on n'a connu que la soumission, sans participer à sa propre destruction ?
Ce n'est pas un récit qui dit la défaite et l'abandon, c'est un récit qui parle de la vie, les personnages secondaires sont beaux, résonnent en dissidence au drame qui va venir, ils sont beaux comme la vie qui s'exprime et se glisse dans les interstices d'une histoire écrite par avance, cette enfant qui chante sous la fenêtre une nuit et qui agace le mari et qui sera battue à cause de cela, cet aveugle du village voisin « sorte de divinité silencieuse qui régnait sur le village, au moment où les hommes étaient absents », la petite Ammal qui sculpte des figurines que son père va détruire parce que ses créations vont contre l'ordre des choses... Ce sont ces multiples personnages, malgré leur détresse respective, qui apportent de l'espoir au récit...
Être condamnée au malheur, ce n'est peut-être pas être résignée...
Ne prenez pas ce texte comme un chant désespéré, il faut s'en saisir pour changer le monde... Espérer...
C'est un texte beau et puissant, peut-être celui qui, venant d'Andrée Chedid, m'a le plus touché jusqu'à présent...
Ce livre, qui fut le premier publié par Andrée Chedid en 1952, est un cri qui rappelle ô combien que la cause des femmes est universelle et intemporelle.
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- Librairie de Paris-24 août 1985/// 19 mai 2022 !!

Un éblouissement absolu que ce roman d'Andrée Chedid...que j'ai près de moi,à ma grande honte, depuis si longtemps...

Ce livre publié par Flammarion en 1976, je l'avais de plus, commandé en 1985, dans la première librairie où je faisais mes 1ères armes dans ce métier. Cette librairie toujours existante, et aujourd'hui propriété des éditions Gallimard était La Librairie de Paris (Place de Clichy)....

Cette parenthèse à ses raisons d'être,car en dépit de sa publication, il y a près de 50 ans, l'histoire reste dramatiquement d'actualité, lorsqu'on entend proclamer les interdictions féroces des talibans à l'encontre des toutes jeunes filles et femmes: refus de leur instruction à partir du secondaire , retour à la burka intégrale,à l'extérieur.,etc. Plus d'accès aux études, soumission totale au père, aux frères, oncles, futur mari...et on se retrouve dans l'histoire de Samya qu'Andrée Chedid,nous fait vivre avec une intensité, un suspens et une poésie fulgurante !

Le destin tragique d'une petite fille,Samya, malheureusement née dans un pays, l'Égypte,où les filles ne sont que des objets encombrants, qui
"coûtent ",que l'on vend au plus offrant,dans des mariages arrangés entre des hommes d'âge mûr ou carrément "âgés", pour arranger les hommes de la famille, pour une raison ou une autre...Dans le cas de Samya, son mariage forcé doit renflouer les affaires, et effacer les dettes du Père,commerçant...

Le destin de Samya, seule fille d'une fratrie de 4 garçons, élevée par un père veuf, indifférent et traditionaliste dans ses rapports avec sa fille unique...
Samya a eu la malchance de perdre sa mère, très, très jeune. Pas la moindre affection ni de son "Paternel", ni de ses frères ; seule, la vieille nourrice,Zharifa, lui témoigne de la gentillesse, en dépit de son côté " bourru"...

"-Bientôt, il faudra songer à te marier, disait mon père.
Il s'en inquiétait bien plus que de mes études. Une fille,quel problème ! Encore heureux de n'en avoir qu'une seule ! Il était tranquille de me savoir ici où on m'inculquait des principes,et je serais plus facile à caser.Mais l'instruction ? Il estimait déjà que j'en savais trop.
"Tant que tu pourras rédiger une lettre à ton vieux père pour lui annoncer la naissance d'un garçon, cela suffira", disait-il. (Flammarion, 1976, p.50)"

Même si Samya n'est pas d'accord avec ce mariage, qu'elle tente de se révolter "faiblement", la pression paternelle et sociale est telle qu'elle plie, se mure dans une fausse docilité...
Elle espère au début que ce mari non choisi, ne sera peut-être pas si terrible, elle essaye de s'adapter à sa nouvelle maison, essaye de l'embellir, va rencontrer les femmes du village...mais chaque fois, c'est la Violence du mari, une suite ininterrompue d'interdictions...Samya se retrouve dans une véritable toile d'araignée effroyable,; elle étouffe...Son mari est dans la haine et la colère ,en permanence ( sauf avec sa soeur, Rachida, vieille fille acariâtre ,jalousant Samya), traitant très mal son personnel, et ses "domestiques", allant jusqu'à faire battre une petite fille qui chantait sous ses fenêtres !!

Autre malchance....: les années passent et pas d'enfant à l'horizon!... Évidemment, lorsque Samya excédée des reproches de Boutros à son égard, pour cette stérilité...lui renvoie la question, comme quoi, c'est peut-être lui qui en est la cause. Suprême insulte pour Boutros, qui,en guise de réponse, la frappera...

Naîtra finalement plus tard une petite fille, Mia, qui apportera une parenthèse merveilleuse de légèreté, de bonheur à la maman, Samya, en même temps que l'affection d'Amnmal, petite fille de berger, qui apporte le fromage à Samya.
Cette petite Ammal est un véritable soleil...et elle a un talent et une passion qu'elle doit cacher: elle sculpte des figurines, que son père a,une fois,découvert et détruit !!
Samya l'aide, et la protège comme elle peut, l'encourage, lui coud une jolie robe, lui raconte mille histoires ainsi qu' à sa petite fille, Mia....

D'autres malheurs terribles surviendront...que je ne dévoilerai en rien.( même si la narration est au début déstabilisante, car elle commence par le dénouement !)

Incroyable d'apprendre que ce roman,à l'intensité dramatique savamment dosée, à la poésie certaine, aux images, métaphores simples et intenses...était son premier livre....

Le cri de Samya contre sa vie "imposée et bafouée "....nous prend à la gorge, aux tripes...."D'autres, comme moi,ont dû sentir leur vie s'effriter au long d'une existence sans amour.Si je crie,je crie un peu pour elles...Mais nos filles, nos filles peut-être ne seront plus semblables à ces mousses qui végètent autour de troncs morts.Nos filles seront différentes. Elles surgiront de l'engourdissement..."

Et ce dernier extrait choisi , réveille, réactive des réalités malheureusement revenues empoisonner, paralyser, terrifier l'existence des femmes dans certains pays....

"Je détestais Boutros.Ma haine s'ajoutait à mon dégoût. Je le voyais,lui, et tous les Boutros du monde,compassés dans leur demi- autorité .Ils réglaient les destinées, ils écrasaient les plantes, les chansons,les couleurs, la vie elle-même ; et ils réduisaient tout à la mesure rabougrie de leur coeur.(Flammarion,1976,p.122)"

*** 28 juillet 2022; ayant involontairement " confiné " et oublié ce magnifique roman trop longtemps, je tente de réparer un peu, en l'offrant aujourd'hui à une amie, qui repart dans 48h aux États-unis, où elle vit....Un livre - voyageur qui va rattraper dans une maison-amie une mise à l'écart injuste !...
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Ce livre est fantastique ! Je n'avais jamais rien lu de cet auteur et je n'ai qu'une hâte, c'est de renouveler l'expérience à travers une autre histoire.

Le Sommeil délivré m'a ébloui de par sa qualité, son histoire et surtout sa façon de l'engager. C'est un récit qui commence par la fin. Lorsqu'on débute la lecture, le personnage principal n'est pas celui qu'on croit et on nous en fait un piètre tableau. Puis on fait un bond dans le passé et on se retrouve nez à nez, seul à seul, avec cette femme qu'on imaginait mauvaise puisque c'est ainsi qu'on nous l'avait décrite. le ressenti change au fur et à mesure et on s'étonne à apprécier ce personnage et à le soutenir dans ses démarches.

L'histoire est incroyablement bien menée car au delà de l'intrigue, l'auteur traite de sujets graves tels que le mariage forcé, la place de la femme et sans grand discours, fait réfléchir sur l'importance de l'instruction autant que sur les conséquences des jugements faciles. Ce qu'il y a d'extraordinaire dans ce livre, c'est que tout y est dit, mais seulement à celui qui voudra bien le voir.

Histoire magnifiquement épurée pour n'en garder que le meilleur, un livre plein d'intelligence et un auteur doté d'un talent incommensurable !
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Une très bonne surprise que ce livre !
Cela fait un moment que je me dis que je devrais lire du Andrée Chedid. Mais, freinée par une vision scolaire de son écriture, j'ai toujours repoussé. Et là, pour raison professionnelle, j'ai dû m'y coller. Et j'en suis ravie !
L'écriture est simple, effectivement, je comprends pourquoi c'est abordable en milieu scolaire. Mais il y a aussi tellement d'autres choses.
La construction d'abord : le récit commence par la fin, par une narratrice qui n'est pas la narratrice principale. Et puis, nous remontons le temps, pour comprendre les événements, ce qui a conduit au geste fatal. J'ai beaucoup aimé cette manière de procéder.
L'Egypte, ses odeurs, son mode de vie, son époque, les coutumes, les habitudes, la société... tout ce contexte est un personnage à part entière. Andrée Chedid donne la parole aux plus humbles et aux plus faibles. le destin de Samya est triste, mais lumineux finalement, elle se sort de ce joug qui la maintenait prisonnière. Son enfance volée, ses rêves brisés, son enfant perdue, sa vie confisquée...mais elle a finalement pris le dessus sur son "bourreau", le mari mais aussi l'époque, la société de ses contemporains.
Je lirai sans aucun doute d'autres livres de cette auteure.
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Andrée Chédid raconte une vie tragique, un destin de femme brimée, obligée au silence et à l'obéissance aveugle aux hommes : père, frères ou mari. C'est terrible parce qu'on sent que Samya a de nombreuses envies, beaucoup de rêves et des capacités à les réaliser, mais rien ne pourra lui permettre de passer outre les choix de son père d'abord et de son mari ensuite. Ce roman écrit en 1952 a de cruels retentissements en ce début de XXIème siècle !

Lien : http://lyvres.over-blog.com/..
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Voici un roman lent, au rythme du Nil et de ses habitants. L'histoire se dévoile peu à peu, au fil des jours qui s'étirent, des années qui passent comme un souffle, une brise légère.

C'est l'histoire de Sit Samya, seule fille d'une famille de riche marchand dont la mère est morte. Elevée en institution religieuse, car sa famille est catholique dans un pays musulman, elle se meure d'ennui et de ne pas être entendue et encore moins comprise.

Son mariage se fait à la va-vite lors d'un revers de fortune du père, qui ne veut plus entendre parler de sa fille, lui préférant ses fils. Comme tout un chacun dans ce pays dont il n'est jamais prononcé le nom.

Un mari encore moins à l'écoute de sa femme, et qui n'attend que des fils, bien sûr. Samya ne trouvera une oreille attentive qu'auprès des femmes du village, sans oser toutefois se compromettre.

Elle prendra même en amitié Amma, qui façonne de ses doigts des statuettes pleines de vie.

Elle voudrait pourtant s'enfuir, Samya, elle en a souvent le désir, mais c'est à travers Amma qu'elle réalisera son rêve.

L'image que je retiendrai :

Celle de Samya enfant, rentrant à midi de son école et devant enfiler à la hâte une robe devenue trop petite pour elle, avant de repartir dans sa pension.
Lien : http://motamots.canalblog.co..
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Petit classique coup de coeur. Avant de lire ce livre, je ne connaissais pas Andrée Chedid (je pensais même qu'il s'agissait d'un homme, honte à moi). Cette première rencontre avec cette autrice fut un franc succès. J'ai beaucoup aimé sa plume loin d'être trop dense ou trop complexe. La thématique est claire et le message que l'autrice voulait passer m'a atteint droit au coeur. Ici, on parle de mariage forcé, de vie emprisonnée, d'enfance et d'enfant détruit. Toutes ces problématiques qui sont encore de notre temps et qu'on aimerait voir disparaître. Je recommande chaudement, on a besoin de lire ce genre d'ouvrage.
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Je découvre tardivement cette autrice...
Cette oeuvre regroupe beaucoup de sentiments, humain, poétique, colère, résignation, révolte...
A redécouvrir en ces temps couverts, où l'oscurentisme, et le poids ethniques des traductions refont surface....
Pourtant écrit en 1952....
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