Rythmes, variations sur un même t'aime.
Un battement d'elle, Andrée Chédid, qui offre dans un dernier envol ce magnifique recueil de poésie, le dernier paru avant que la nuit ne s'invite sous ses paupières.
Rythmes, entre berceuses et incantations, l'harmonie s'invite, s'impose tout au long des sept parties du recueil.
D'un corps accord torride se dégage une sérénité alliant la jeunesse d'un esprit au flétrissement d'une enveloppe.
Rythmes, ce sont les saisons du plaisir. Eaux rages, eaux des espoirs. Quand l'eau tonne, un fait divers n'a été que l'emprunt temps, celui qui passe, inlassablement, imperturbable, celui qui saura faire payer l'intérêt qu'on aurait du, qu'on aurait pu porter aux choses, celui qui triomphant nous ramène à notre condition de mortel.
Rythmes, ce sont les remous d'une vie, un sourire, un visage, un regard, un geste, une parole, cadencés par des doutes et des espérances, des questions sans réponses.
Rythmes, c'est le mouvement perpétuel, la complexité de l'Homme, ses nuits de pleine lune, ses ciels étoilés, ses éclipses, ses paradoxes.
Rythmes, c'est aussi et surtout un tempo envoutant qui balance entre Amour et liberté, un va et vient fougueux puis langoureux qui vous ancre l'échine, qui vous donne l'en vie.
Rythmes, comme le pouls du monde, ses marées hautes, ses marées basses et puis ses mystères.
Miss Terre, elle la vie et nous. Ce miracle permanant, ne tenant à rien, si… fragile.
Rythmes, j'ai eu une double émotion à la rencontre de ce recueil de poèmes d'Andrée Chedid.
Tout d'abord la beauté grandiose du monde et la beauté intime de nos battements de coeur se rejoignent dans ces vers magnifiques. Tout n'est que rythmes finalement dans nos vies éparses, éparpillées, nos chemins perdus, éperdus, nos escapades personnelles sont aussi importantes que les escapades des saisons. Ce qui est immense autour de nous, nous remplit de joies et de hasard, dans nos impatiences, dans nos désirs de l'autre et parfois un peu plus loin. le coeur et le corps n'ont pas toujours le même rythme, et c'est une douleur, et c'est une consolation, et c'est ainsi, et c'est tant mieux...
Du plus grand au plus lointain, Andrée Chedid tisse ses mots emplis de soleils et de chemins, dit l'incertitude de la vie qui a jailli sur cette terre, l'humanité qui a cheminé jusqu'à nos coeurs fragiles, nos corps flamboyants, nos peaux brûlantes, jusqu'à nos étreintes à quelques pas du vide, nos doutes, nos élans, nos chagrins, nos rivages...
Tout n'est que rythmes, sur terre et sur mer. Les océans et ceux qui sont livrés à leurs mouvements le savent. Les marées sont une manière pour la poétesse de dire le ressac, dans ce très beau poème qu'elle dédie au poète breton Yvon le Men que j'aime beaucoup.
J'adore la poésie d'Andrée Chedid. Ici, les mots qu'elle nous offre nous ramène à l'humilité, l'endroit d'où nous venons, ce qui nous forge, ce qui nous pousse parfois au-delà de ce que nous sommes, avec nous et malgré nous...
Et puis l'autre émotion fut une rencontre insolite avec le livre que j'ai entre les mains, acheté d'occasion chez un bouquiniste. Les livres vivent aussi des histoires, passant de mains en mains... Dans ce livre il y avait une carte postale visiblement revenue à son destinataire par la Poste... Sans doute n'y avait-il plus personne à l'adresse indiquée... Il y avait aussi une feuille blanche, remplie de quelques citations du recueil. Et puis à la page 52, sur le très beau poème intitulé « Au coeur du coeur », griffonnés dans la marge au crayon à papier, ces mots d'une écriture que je pense être féminine : « Toulouse, 19 mai 2006, prends mon coeur dans ton coeur »...
Je ne sais pas si cela vous est arrivé. Parfois les livres nous entraînent ainsi sur les marges des pages où d'autres chemins captent notre imaginaire...
Ce récit de poèmes est tout simplement un chant d'amour presque incantatoire, un hymne merveilleux à la vie si chère, plus que jamais...
Rythmes, quel joli mot thématique pour ce recueil ,qui en effet bat le tempo: celui du coeur, du corps, de la vie, de la mort...
" La Vie
se rythma
se nuança "
Les vers courts, les brisures mélodiques, scandent un chant profondément humain, une incantation douce et têtue, qui veut comprendre le sens de la vie, s'interroge:
"Que dire de l'instant
tantôt ami
tantôt ennemi?"
La générosité de l'auteure, son besoin de l'autre sont présents, comme dans tous ses livres."En cette fraternité / de nos fugaces vies", elle trace, malgré les doutes, un chemin d'espoir, et se sent "mutiple", ancrée au coeur des hommes. J'admire cette capacité à se fondre dans autrui, à laisser en route son ego:
" Mon semblable
Mon autre
Là où tu es
Je suis."
Ce qui me séduit aussi, à travers sa poésie, c'est ce sens si frais et vivace de l'émerveillement, d'ailleurs une des parties du recueil s'appelle ainsi.
"Jamais de terme
Aux arcanes de la vie
Jamais de fin
A nos émerveillements!"
Le rythme, c'est aussi celui du temps, des saisons, de la nature.Si l'angoisse est présente face au passé enfui, inaccessible, elle est transcendée par un désir intense d'avancer, de créer. L'auteure n'est cependant pas dupe:
" Je fonce vers l'horizon
Qui s'écarte
Je m'empare du temps
Qui me fuit"
Avec des mots simples, sobres mais profonds et si pleins d'énergie, de souffle , Andrée Chedid me touche, fait tressaillir en moi des vérités essentielles. Ses élans sincères, sa manière bien à elle de faire vibrer les mots me plaît.
Laissez-vous prendre par le rythme de son chant , aux accords riches et inspirés, entrez dans la danse émouvante du coeur, la seule qui vaille vraiment...
« Rythmes » d'Andrée Chedid est un cadeau que j'ai reçu de l'homme que j'aime, voilà huit ans, alors que notre histoire peinait à prendre son envol. Au milieu du livre, il avait glissé une carte, à la page d'un poème, dédicace et invitation à éprouver dans les mots de la poétesse ce qu'il avait à me dire, de lui, de moi, de nous.
C'est à travers le prisme de cette invitation que j'ai lu le livre entier, découvrant aussi la poétesse Andrée Chedid dont je n'avais lu, et apprécié que « L'Autre ».
« Rythmes » renvoie à la musique, aux battements du coeur, au temps qui passe, ce temps qui est le thème principal du recueil. Temps que l'on éprouve au quotidien, après lequel on court, que l'on voudrait retenir, qui nous abime mais nous façonne aussi. Il y a dans ces poèmes sérénité et peur mêlées, solitude et partage, une union de mélodies et tempi calmes mais vigilants.
En choisissant la poésie comme offrande, cet homme à qui je veux rendre hommage, a aussi signifié la part du mystère dans chaque relation comme à l'intérieur de chaque être, cette part de l'Autre qui nous échappera toujours et qui nous complète, et je mesure la chance que j'ai eue à croiser sur ma route un être si subtil, m'ayant épargnée un vague roman sentimental à la mode bourré de clichés pour m'inviter à la rêverie, à l'inconnu, au décryptage de l'énigme en lui qui continue encore aujourd'hui. Je lui sais gré d'avoir choisi Andrée Chedid comme messagère, méditerranéenne comme moi, ses mots comme échos à notre rencontre, ses vers dans lesquels il s'est reconnu et qu'il m'a tendus comme un miroir.
La poésie est simple, limpide, fleuve parfois tranquille et parfois tumultueux, aux méandres voluptueux et envoûtants. Les émotions affleurent dans la résonnance, la suggestion plutôt que le fracas. Les images défilent à nos yeux bienveillants, solaires mais jamais clinquantes, au parfum que j'aime infiniment du jasmin, léger mais entêtant, oriental.
« Rythmes » est un hommage à la beauté de la vie qui s'offre, à l'amour que l'on se donne, dont les senteurs, qu'il dure huit jours, huit ans ou toute une vie, navigueront dans la mer d'un ciel liquide bien après nous.
Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas lu un recueil de poésie, un recueil de poésie entier. Quelque chose s'était brisé entre la poésie et moi. Ou plutôt, entre les poètes et moi. Trop d'amours déçues avec beaucoup d'entre eux – avec Baudelaire, surtout –, déçues par leur faute, après de grands élans enthousiastes et naïfs. Trop de promiscuité imposée par les programmes scolaires et universitaires, qui m'ont fait lire tout de Villon, trop d'Apollinaire, trop de Ronsard, trop de Verlaine, Rimbaud et Mallarmé, trop de l'un ou de l'autre poète, sans jamais vouloir savoir si je le voulais ou non, si cela me plaisait ou non, si j'en tirais personnellement quelque chose ou non, si cela me blessait ou non ; ou plutôt, qui exigeaient unilatéralement que ce soit ce que je voulais, que cela forcément me plaise, que j'en tire de voir le monde à travers leurs yeux et sans critique qui viendrait de moi-même, et surtout, surtout, que je me taise et que je nie que cela me blesse d'être niée. Trop de gifles assenées par leurs mots, à eux, trop de soufflets assenés par ceux qui se réclament la fine fleur des hommes et qui au détour d'un vers, exigent, dénigrent, se moquent, menacent, exercent un chantage à l'éternité, ridiculisent, anéantissent, renversent les rôles et attribuent à la destinataire – à la lectrice dont le ressenti n'intéresse pas le critique, qui la rabaisse tout autant – leur propre cruauté. Et il fallait leur tresser des couronnes et leur composer des odes et des dissertations plus dithyrambiques les unes que les autres.
Je me suis lassée de tout cela. Les poètes sont peut-être plus fins que la moyenne des hommes, mais ils n'en sont pas nécessairement plus humains. Quant à divins, c'est avoir une bien piètre vision de la divinité que de la leur attribuer dans ces conditions tristes et vaseuses. J'ai arrêté de courber l'échine, de me forcer à les lire, à tout avaler malgré le mauvais goût et l'amertume. J'ai continué à picorer de-ci de-là un poème errant, à l'occasion, mais avec défiance et circonspection, en me donnant l'autorisation de battre en retraite dès que je sentais dans une tournure leur bouche se tordre du dédain et de l'injure, au nom d'une prétendue esthétique supérieure, traditionnelle ou provocatrice (puisque tous les prétextes, même les plus contradictoires, peuvent être invoqués successivement ou simultanément quand il s'agit de justifier le droit de nous fouler aux pieds dans les règles ou hors des règles de l'art). Avec ma relation aux poètes, ma relation à la poésie s'est refroidie et distendue, devenant épisodique et guère plus que vaguement cordiale.
Est-ce un hasard que ce soit une poétesse qui me réconcilie aujourd'hui avec la poésie ? Je ne le crois pas ; il y a là une forme d'évidence. Car peu à peu, grâce à ces mots, mon esprit s'est apaisé et a pu déposer le lourd bouclier nécessaire à ma protection.
C'est une amie, ma très chère Constance, qui a travaillé pour que voie le jour la nouvelle édition de Gallimard des Rythmes d'Andrée Chedid et que je remercie encore, qui m'a généreusement et chaleureusement offert ce recueil pour me souhaiter, en ce début d'année 2018, un merveilleux tour de soleil. Après quelques poèmes lus avec la curiosité toute simple qui ne m'a jamais quittée, je me suis laissée prendre au tempo de la poétesse. Je l'ai lu en sept fois, ce recueil, en sept jours, chaque jour successif d'une pleine semaine, respectant les sept parties, me laissant emporter par chacune des sept vagues et déposer en douceur après chaque creux, avant de me laisser reprendre le lendemain par la nouvelle onde.
Ce sont les poèmes cosmologiques qui m'ont le plus transportée. Ceux qui m'ont fait voir l'univers avec le plus de distance, mais sans s'en dissocier, et en me faisant sentir cette force de liaison formidable entre étoiles et planètes. Ceux qui m'ont remplie de paix, d'une paix qui n'est pas faite d'illusions, qui ne se fait pas dans le déni de la tristesse et du sentiment d'absurdité, mais faite d'une lucidité chaude, d'une beauté ronde et dont les distances ne sont pas néant. Ceux qui m'ont permise, pour quelques instants, de laisser mon coeur blessé scintiller parmi les astres.
LES ASTRES
Chétives sont nos voix
Parmi le chant des sphères
Vains sont nos cris
Précaires nos fables
Périssables nos corps
Liés au persistant univers
Face au monde sans confins
À la magie des astres
Que peuvent nos mots
En leur membrane singulière ?
L’escapade des saisons
Je t’aimais
Dans l’orage des sèves
Je t’aime
Sous l’ombrage des ans
Je t’aimais
Aux jardins de l’aube
Je t’aime
Au déclin des jours
Je t’aimais
Dans l’impatience solaire
Je t’aime
Dans la clémence du soir
Je t’aimais
Dans l’éclair du verbe
Je t’aime
Dans l’estuaire des mots
Je t’aimais
Dans les foucades du printemps
Je t’aime
Dans l’escapade des saisons
Je t’aimais
Aux entrailles de la vie
Je t’aime
Aux portails du temps.
Enclos
Dans le fruit délectable
De nos corps
Dans la pulpe savoureuse
De notre chair
Nous oublions le temps
Son harpon impitoyable
Qui peu à peu nous dégrade
Et nous entraîne
Dans les filets de la mort
Comment se soumettre
Au détissage de nos peaux
Aux flux de nos rides
Aux piétinements de l'âme
Au pourrissement des os.
Comment ignorer
La morosité de l'aube
Les pâleurs de la nuit
Les brisures de la flamme
Ou le chant appauvri
Comment redresser
La fourbe courbure
Comment se détourner
De l'avenir suspendu ?"
Nuages
Les nuages frôlent
Falaises et crêtes
Courtisent les vallées
Tracent sur plan d'azur
De brèves et blanches écritures
Détissées par le temps
Face aux montagnes
Qui surplombent nos saisons passagères
Nous sommes ces nuages
Entre gouffres et sommet.
Que dire ?
Que dire
Des trouées et de l'âme
De la glisse des pensées
Des dérapages du sens
Que dire
Du corps qui se rénove
Par la grâce d'une parole
Le secours d'une caresse
La saveur d'une malice
Que dire
Des jours si vivaces
Des heures si ténues
De la geôle des mots
De l'attrait du futur
Que dire
De l'instant
Tantôt ennemi
Tantôt ami ?
Le Temps
Je bouscule le Temps
Pour qu'il se hâte
Oublieuse de ses marques
Sur mon corps déjà piégé
Je défie le Temps
Souverain il me toise
Tandis que je m'effrite
Année après année
Je dynamite le Temps
Il explose
Je me moque de ses gouffres
J'invente des échappées
J'ai effacé le Temps
Je n'ai plus d'âge
Je suis au présent
Je vise l'inexploré !
Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?