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3,5

sur 404 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dès les premières page du livre, Ma part de Gaulois, je suis remué par l'énergie débridée, qui s 'écoule le long de la rue Raphaël, à Toulouse, ébloui par ces défis lancés à mettre le feu par les mots, je me suis laissé emporter.

Ce premier défi : "Magyd,  écris nous la légende des quartiers," scandé par toutes les filles, résonne, s'amplifie depuis la page 9 jusqu'à la page 259, une dernière page qui lui offre le titre de son livre.

" Être leur pyromane avec des mots me chauffait les neurones" p9, cette intention exprimée d'une façon si insolite, et si spontanée comme un souffle vital a retenu l'attention du Goncourt.

Aurait-il été mérité, ce prix ?

Je préfère ce slogan dédié aux gamins de ces quartiers nord de Toulouse, je préfère ces mots appris avec l'aveuglement du sourd dans les plis de Madame Bovary, je préfère l'émotion de sa maman quand elle lui dit enfin en français mon chéri (avec son r roulé),
oui je préfère ce livre à ce Goncourt offert à celui qui, de la Villa Médicis, puis dans les bibliothèques de Damas, puis dans celles de Barcelone, fait le portrait d'un viennois qui a peur d'affronter sa vérité et qui réclame de l'opium.

Redresser la tête, se tenir droit debout, en affrontant son histoire tels se dessinent, les contours du livre de Magyd Cherfi ; "j'ai fait de mon fardeau des ailes, de mes blessures un bouclier, de mes fêlures identitaires deux richesses dans lesquelles s'est engouffrée la seule idée qui vaille, l'universel."

Tiraillé, un peu schizo, "habité par deux histoires qui se faisaient la guerre, deux familles hostiles, deux langues irrémédiablement opposées", le Kabyle et le Français, Magyd jongle pantin « bancal », fait rire les filles, leur envoie même des poèmes, et se fait arroser d'insultes par les garçons, dont la seule ambition est le ballon, le ballon de foot.

Magyd sait rire et faire rire, tout est prétexte à dérision, alors les mots s'envolent, flirtent avec l'essence de notre langue, devenir "la plume de béton et des cages d'escaliers," ou exprimer l'émotion "elle était belle à s'en mutiler les yeux, l'incarnation du soin, rebouteuse de mon âme bosselée."

Le livre raconte la vie, leur vie, la vraie, les peurs, les angoisses, les illusions comme les désillusions, faire changer un quartier par le théâtre, réaliser du soutient scolaire et pire avoir son Bac, le 1er du quartier nord , c'est susciter la haine, la jalousie mais aussi des moments de folie, des moments de pur bonheur quand "une jeune fille enquillée de lunettes larges et ovales
qui ouvre le bal avec un extrait de Richard III.
D'une voix calme et profonde à la fois, elle a balancé des braises tout autour d'elle.
Elle vivait si bien son rôle qu'il nous semblait que des flammes sortaient de sa bouche, j'ai grande ouvert la mienne, étourdi.p182"

Ce livre est un cadeau, un espace d'humanité au sens de François Cheng, où l'âme d'un quartier est rendu perceptible, elle n'est pas noire, comme le corbeau, dans la lumière on retrouve toutes les nuances de la vie, toutes les couleurs de l'espoir.

Oui on sort malmené , secoué d'un tel livre, c'est peut être ce que l'on demande le plus à un livre, trouver les mots pour rire, pleurer, se dresser, se lever, se mettre "en mouvement"p210.

Non je n'oublierais pas Samia, Hyacinthe, Momo, Samir, Driss, Hélène, Agnès, Hakima, Hasnia, Bija, et tous les autres.












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Livre écouté en version audio, et il faut avouer que cela doit avoir une bonne part dans le plaisir que j'ai pris dans cette "lecture". le texte est lu par l'auteur lui-même, et sa voix (et surtout son accent) donne une saveur toute particulière à celui-ci. Les mots, les expressions, les émotions prennent tout leur sel dans la voix de Magyd Cherfi.
J'ai beaucoup aimé suivre ce jeune de banlieue nord-toulousaine dans sa course au bac, son amour de la langue et du théâtre, sa quête d'identité entre France, banlieue et Kabylie. Cela donne une vision différente de ce qu'on peut trouver parfois en littérature sur la banlieue. Une vision plus honnête peut-être, moins caricatural sûrement. Les personnages étaient vivants à mes oreilles, les scènes, les dialogues se déroulaient sous mon crâne avec beaucoup de réalisme.
Un très bon moment !
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Je l'avoue, c'est au hasard de la rentrée Actes sud que j'ai découvert cet ouvrage, qui n'aurait pas spécialement retenu mon attention en d'autres circonstances. Mais lorsque Magyd Cherfi a commencé à parler de sa Part de Gaulois, avec humour, force et nostalgie en même temps, son livre s'est retrouvé tout en haut de ma PAL (Pile A Lire). Et j'ai bien fait !

Ma part de Gaulois a été une lecture spéciale pour moi, d'abord parce que j'y ai retrouvé beaucoup de vécu. Même si je ne suis pas fille d'immigrés, j'ai été Magyd, enfant des banlieues qui ne se sentait à sa place ni parmi les siens, ni dans l'univers intellectuel qu'il convoitait pourtant. Plus tard, j'ai été Hélène, au coeur de l'éducation populaire j'ai tenté de comprendre ce que Magyd Cherfi décrit bien mieux que moi, cette douleur résumée en une phrase qu'on ne devrait pas avoir à prononcer : "vous êtes chez vous".

Le hasard a voulu que ma chronique tombe en même temps qu'une autre (sombre) histoire de Gaulois, je ne peux que vous inviter à lire plutôt celle de Magyd Cherfi, qui m'a beaucoup émue, fait réfléchir aussi, bref, qui ne peut pas laisser indifférent. En dire plus serait raconter un livre qui ne peut être raconté que par son auteur, avec une grande délicatesse emplreinte pourtant de lucidité sur ses jeunes années.

Au final, voilà une autobiographie qui n'en est pas tout à fait une, passionnante et belle, même si elle appuie là où ça fait mal...sans savoir où se trouve la guérison.
Lien : http://oxybeurresale.canalbl..
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Je suis heureuse de savoir que le récit de Magyd Cherfi a été retenu dans la sélection du prix Goncourt 2016 car "Ma part de gaulois" est un livre important et si ça ne tenait qu'à moi je lui donnerai volontiers ce prix.
Il est important pour plusieurs raisons. D'abord parce que c'est un vécu qui me rappelle ma jeunesse dans les cités et Magyd aurait pu être un de mes copains de lycée. Ensuite parce que c'est un témoignage de la réalité sociale des quartiers de banlieues et on voit bien qu'elle n'est pas homogène ou unique. Enfin c'est un élan d'espoir contre le déterminisme social et la violence faite aux filles.
Début des années 1980.
Magyd Cherfi est arabe et vit dans le quartier nord de Toulouse. Il raconte sa jeunesse entre le lycée et la cité, deux mondes bien différents. Il se sent français au lycée et algérien dans la cité.
Magyd c'est un de ceux qu'à l'époque on appelait "Les grands frères ", animateur de quartier, organisateur du soutien scolaire et d'un atelier théâtre. Il aime Brassens et n'est jamais bien loin de ses potes Samir, le militant, et Momo, le comédien.
Quelle émotion quand Momo passe une audition pour le conservatoire de théâtre. Soutenu par les siens, il va échouer car il n'est pas dans son monde et n'a pas les codes. J'ai vécu ce genre de situation en tant que Française mais vivant dans une cité de banlieue.
Magyd Cherfi parle aussi très bien des filles qui doivent se soumettre à l'autorité masculine et raconte l'histoire de Bija, hospitalisée après avoir été rouée de coups par son père et son frère qui veulent lui arracher les yeux parce qu'elle lit un livre. Magyd Cherfi montre sa colère face à cette violence mais aussi son impuissance.
Il comprend qu'il ne peut pas être un sauveur mais il va devenir un modèle sans le vouloir. Son amour de la littérature va lui permettre d'assumer sa part de gaulois, son côté français qui va le mener jusqu'au bac littéraire. Et c'est le premier de la cité à l'obtenir. Il faut dire que sa mère ne l'a pas lâché car elle était convaincue que le bac est une façon de s'élever socialement. L'ambition c'est donc elle qui la porte.
Et puis 1981 c'est l'arrivée de la gauche au pouvoir et l'élection de Mitterrand. Les algériens sont paniqués car ils se souviennent des condamnés à morts durant la guerre d'Algérie quand Mitterrand était garde des sceaux (ce qui rappelle une période pas très glorieuse, c'est le moins que l'on puisse dire).
Enfin, ce récit autobiographique a une dimension socio-politique toujours d'actualité.


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J'ai lu ce livre dans ma voiture..... en écoutant la voix de Magyd Sherfi me raconter son enfance dans les quartier Nord, mais surtout l'année de son bac....
Et j'ai adoré.
Je ne suis pas sûre que j'aurais eu le même avis si le texte n'avais pas été lu par l'auteur lui même.... qui est pour moi un conteur formidable.... Ni si je l'avais lu sur papier !
J'ai été surprise par l'optimisme de ces histoires : parce qu'il n'y a pas que la sienne, il y a aussi ses amis ou même ses ennemis. Et d'ailleurs, une fois le CD remis dans sa jaquette, j'ai un peu envie de demander "et alors ? que sont devenus les autres ?"
J'ai aussi été assez impressionnée par le "méchant" du quartier, décrit comme un mollusque décérébré, mais qui finalement est loin d'être con et à bien compris toute les ficelles de la politique locale.... Ficelles qui me semblent-ils échappaient aux "gentils".

Et en même temps, ces histoires m'ont un peu rappelé mes années de collèges... pas dans un quartier difficile, mais où il y avait tout de même une forte proportion d'ado d'origine nord africaine. Et je me souviens bien de ceux dont la mère surveillait les résultats scolaires... Et il y avait aussi les autres.... Et au final, je me rend compte que moi avec mes origines bien française et bien blanche, j'ai fini par arrivée dans un quotidien qui n'a plus du tout les mêmes couleurs qu'à l'époque où j'étais au collège....
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Un récit poignant mais pas larmoyant d'une quête d'identité écrit avec force, fougue et sensibilité.
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Magyd Cherfi raconte son adolescence dans une banlieue toulousaine. La langue est belle, chantante naturellement ! la question identitaire est le fil rouge du récit. A lire !
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Magyd Cherfi produit là un livre explosif, dans un style qui fait penser parfois à Boris Vian ("D'une voix calme et profonde à la fois, elle a balancé des braises tout autour d'elle"), parfois à Céline ("Habité par deux histoires qui se faisaient la guerre, deux familles hostiles, deux langues irrémédiablement opposées") qui auraient écrit tous deux au retour d'une immersion prolongée en banlieue. C'est dur, cru et tellement proche du langage parlé que le relecteur a laissé passer parfois des fautes typographiques, ce qui est rarissime chez Actes Sud (mais --qui sait ?-- peut-être volontaire en l'occurrence).
Une fois de plus, on vérifie dans ce livre-coup-de-poing l'adage selon lequel seule la littérature peut nous faire comprendre "de l'intérieur" ce qui se passe dans un milieu qui n'est pas le nôtre. Ce n'est pas là un reportage, mais bien le récit peut-être parfois un peu caricatural de la vie de jeunes beurs des années quatre-vingt. Avec "L'art de perdre", nous sont ainsi offerts deux tessons d'un miroir reflétant chacun à sa manière le monde des banlieues où de jeunes beurs d'origine arabe et kabyle partagent leur cité avec d'autres jeunes qui, d'après leurs papiers, sont tout aussi français qu'eux.
Les références à Ulysse, Antigone, Flaubert et Hugo, apparemment incongrues, servent à renforcer les contrastes du tableau. Certes, nous ne sommes pas chez Khadra, Daoud ni Sansal, mais qu'il est réconfortant de voir l'auteur faire faire à la langue française un bel exploit.
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Lire c'est Comprendre l'autre

Ma part de gauloisMagyd Cherfi
Il ne faut pas avoir une mère qui vous colle aux basques quand on habite la banlieue et qu' on ne veut pas se faire insulter et même être battu.
Ce fils d'immigré ne connaît pas l'Algérie , il est né en France.
Le temps de sa petite enfance, molletonné par une mère inquiète, il aime les rois de France, Jésus, Noël et Pâques. Sorti de chez lui, c'est une autre histoire, tout est féroce,
C'est un jeune passionné par les jolis mots comme -éventuellement- qu'il glisse dans ses phrases. -Oh merde, c'est oui ou c'est non- rétorquent les copains.
Des jolis mots dont les autres se moquent.
-On s'en fout de l'école, on n 'est pas pédé- Tarlouze et le con de ta mère fusent régulièrement, il y a les caïds, les grands frères qui veillent sur leurs soeurs.
Il faut fermer sa braguette ou viser les françaises. Bigea et Momo ne veulent pas plier.
Le père du fils d'immigré râle après son patron, la société mais la mère ne voit pas d'autre issue pour son fils que d'avoir le baccalauréat, ensuite, il pourra lui demander tout ce qu'il veut.
Ils craignent l'arrivée de Mitterrand qui risque de les renvoyer au pays.
Magyd Cherfi est le premier bachelier de sa cité, chanteur, écrivain, acteur et membre du groupe Zebda.
Lien : https://annemariequintard.fr
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Beaucoup d'humour et de recul de la part de Magyd Cherfi dans ce petit récit de sa banlieue des années 80, et des difficultés d'intégration de jeunes qui considèrent que bien parler, ou bien travailler est une forme de renoncement aux codes de leur communauté émigrée.
On comprend ainsi mieux, toute la difficulté de ceux qui décident, malgré tout, de "s'en sortir" et de quitter la condition de "travailleurs manuels illettrés" de leurs parents, pour l'immense fierté de ceux-ci, au risque d'être rejetés par certains;
Un tranche de vie dans une France mosaïque, racontée avec humour et d'autodérision.
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