J'étais adolescente quand je découvris le père Brown; je m'étais délectée de ses enquêtes. Quelques "masse critique" plus tard, j'apprends que sa sagesse m'échoit, gloria in excelsis deo.
Le père Brown est prêtre ET détective amateur, entre
Simenon pour la connaissance de l'âme humaine (apprise dans
le confessionnal) et
Roland Barthes (parce qu'il y a un sémiologue qui s'ignore dans tout exégète biblique). Mais Brown n'est pas Poirot, il n'a nul besoin de 300 pages pour activer ses petites cellules grises. Puisque le monde est rationnel, que tout y fait signe et sens, la scène du crime se laisse lire complaisamment pour qui est capable de rassembler les indices.
Un exemple? Il faut trouver pourquoi un homme à la voix de fausset se retrouve maladroitement ligoté près de verres cassés et d'un poignard ensanglanté, alors qu'il ne porte sur lui aucune blessure apparente et que la pièce où il se trouve était fermée de l'intérieur. Facile, non? (La solution se trouve à la fin de la première nouvelle...)
Pourtant, deux bémols m'ont empêchée de succomber totalement à la jouissance interprétative:
- Je gardais le souvenir d'un style délicieusement surranné. Cette nouvelle traduction fait d'autres choix, sans doute très pertinents, mais qui me heurtent. "Cette binette lui disait quelque chose" ne me dit personnellement rien qui vaille.
- D'autant plus que le texte fleure bon (ou pas, justement) son XIX° siècle vieillissant. La question de la race y est omniprésente, des lors qu'un personnage a le mauvais goût de ne pas ressembler à un Anglais bon teint. Et si Chesterton était sur ce plan en avance sur son temps, il n'en est pas moins en retard sur le nôtre.