Citations sur Orthodoxie (67)
Un enfant frappe ses jambes en cadence, par excès de vie, et non par manque de vie. Parce que les enfants ont une vitalité débordante, parce qu'ils ont un esprit ardent et libre, ils veulent que les choses se répètent et ne changent pas.
Ils disent toujours : « Fais-le encore! » ; et l'adulte le fait encore, jusqu'à ce qu'il soit presque mort. Car les adultes ne sont pas assez vigoureux pour exulter dans la monotonie. Dieu, lui, est peut-être assez vigoureux pour exulter dans la monotonie. Il est possible que Dieu chaque matin dise au soleil : « Fais-le encore! » , et chaque soir à la lune : « Fais-le encore! »
Ce n'est peut-être pas une nécessité automatique qui fait semblables toutes les
marguerites; c'est peut-être que Dieu fait chaque marguerite séparément, sans être jamais fatigué de les faire. C'est peut-être qu'il a l'éternel appétit de l'enfance; car nous, nous avons péché et nous sommes devenus vieux, mais notre Père est plus jeune que nous ...
Il est indéniable que l'autorité religieuse a souvent été oppressive ou déraisonnable, de même que tout système légal (en en particulier le système actuel) a été insensible et empreint d'une cruelle apathie. Il est rationnel de s'en prendre à la police, et c'est même honorable. Mais les critiques modernes de l'autorité religieuse ressemblent à des hommes qui s'en prendraient à la police sans jamais avoir entendu parler de cambrioleurs. Car l'esprit humain s'expose à un grand péril, un péril aussi concret qu'un cambriolage. L'autorité religieuse a été dressée contre lui à tord ou à raison, comme une barrière. Et il faut certainement dresser quelque barrière contre lui si on veut que notre race ne coure pas à sa perte.
Ce péril, c'est que l'intelligence humaine est libre de s'autodétruire.
Telle est l'histoire véritable de l'humanité, c'est ainsi que les cités sont devenues grandes. Remontez jusqu'aux racines les plus obscures de la civilisation, et vous les trouverez enlacées autour de quelque pierre ou puits sacrés. Les hommes ont commencé par honorer un lieu, ensuite ils ont conquis pour lui la gloire. Les hommes n'ont pas aimé Rome parce qu'elle était grande : elle fut grande parce qu'ils l'avaient aimée.
Le libre arbitre est l'objection réelle à ce torrent de bavardage moderne qui traite le crime comme une maladie, voudrait faire de la prison un simple environnement hygiénique semblable à un hôpital, guérir le péché par de longues méthodes scientifiques. Ce qui est faux dans tout cela, c'est que le mal est une question de choix actif, alors que la maladie ne l'est pas. Si l'on me dit vouloir soigner un débauché comme on traite un asthmatique, voici ma réponse simple et directe : "Montrez-moi ces gens qui veulent être asthmatiques comme tant d'autres veulent être débauchés."
De même, nous nous sommes fiés, presque jusqu'au dernier moment, aux journaux en les considérant comme des organes de l'opinion publique. Ce n'est que tout récemment que quelques-uns d'entre nous ont compris, non pas peu à peu, mais brusquement, qu'ils ne sont manifestement rien de tel. Il s'agit, par leur nature même, du passe-temps de quelques riches. [...] Nul besoin d'une censure de la presse : nous avons une censure par la presse.
Le courage est presque une contradiction dans les termes : c'est un violent désir de vivre, mais sous la forme d'un empressement à mourir. « Celui qui perdra sa vie la sauvera » n'est pas une tranche de mysticisme à l'usage des saints et des héros : c'est un conseil pratique à l'usage des marins et des alpinistes.
La théorie selon laquelle tout est bon est devenue orgie de tout ce qui est mauvais.
Ainsi nous aurions tort de nous presser de dire qu'il n'y a pas d'humilité propre à notre temps. La vérité est qu'il en existe une, très réelle, mais pratiquement plus morbide que les plus farouches humiliations de l'ascète. L'ancienne humilité était l'aiguillon qui empêche l'homme de s'arrêter, et non pas un clou dans son soulier qui l'empêche d'avancer. Car l'ancienne humilité faisait qu'un homme doute de son effort et cela même le poussait à travailler avec plus d'ardeur. Mais la nouvelle humilité fait que l'homme doute de son but, ce qui l'arrête tout à fait.
La poésie est saine parce qu'elle flotte avec aisance sur une mer infinie ; la raison s’évertue à traverser cette mère infinie, et dès lors à la délimiter. Il en résulte un épuisement mental, pareil à l'épuisement mental de M. Hollbein. Tout accepter est un exercice ; tout comprendre est une rude épreuve. Le poète n'aspire qu'à l'exaltation et à l'expansion, à un monde où il puisse s'étendre. Le poète ne demande qu'à lever sa tête jusqu'aux cieux. C'est le logicien qui cherche à faire entrer le ciel dans sa tête. Et c'est sa tête qui se fend.
La science admettra même l'Ascension, si on l'appelle lévitation ; elle admettra très probablement la résurrection, quand elle aura pensé à lui donner un autre nom.