L'équilibre plat du stoïcien ne suffit pas car la simple résignation ne possède ni la gigantesque légèreté du plaisir ni la superbe intolérance de la souffrance. On fera une objection fondamentale à ce conseil qu'on nous donne de simplement supporter l'existence avec le sourire. L'objection, c'est que, si vous ne faites que la supporter, vous n'aurez pas le sourire. Les héros grecs ne sourient pas ; mais les gargouilles, si, jusqu'aux oreilles, parce qu'elles sont chrétiennes.
Dans l'ombre d'Ibsen, une question a pris beaucoup d'importance : est-ce que le suicide ne serait pas une très bonne chose ? De graves auteurs modernes nous ont dit que nous ne devions même pas parler de "pauvre garçon" à propos d'un homme qui s'était fait sauter la cervelle. Ne s'agissait-il pas d'une personne enviable, et n'étais-ce pas la qualité exceptionnelle de sa cervelle qui l'avait amené à se la faire sauter ? M. William Archer a même avancé l'idée que dans l'âge d'or à venir il y aurait des distributeurs automatiques qui permettraient de se suicider pour deux sous.
Ce n'est pas l'Angleterre qu'aiment les pires chauvins, mais une théorie de l'Angleterre. Si nous aimons l'Angleterre en tant qu'empire, nous pouvons surestimer le succès avec lequel nous gouvernons les Indiens. Mais si nous l'aimons tout simplement en tant que nation, nous pouvons faire face à tous les événements : car elle serait une nation même si c'était les Indiens qui nous gouvernaient.
L'homme tout désigné pour causer la ruine de l'endroit qu'il aime est précisément l'homme qui l'aime pour une raison particulière. L'homme qui améliorera l'endroit est l'homme qui l'aime sans raison. Si un homme aime quelque particularité du quartier de Pimlico, il peut se retrouver à défendre cette particularité contre Pimlico même.
Tout homme appartient à ce monde, avant même de commencer à se demander s'il est agréable d'en faire partie. [...] Notre attitude envers la vie s'exprime mieux en termes de loyauté militaire qu'en termes de critique et d'approbation. Je n'accepte pas l'univers par optimisme mais plutôt par patriotisme. [...] Le monde n'est pas un hôtel à Brighton qu'il nous faut quitter parce que misérable : c'est la forteresse de notre famille. La question n'est pas de savoir si ce monde est trop triste pour qu'on l'aime ou trop gai pour qu'on ne l'aime pas ; la question est que, si vous aimez une chose, sa joie est une raison de l'aimer et sa tristesse une raison de l'aimer davantage.
Tous les chemins mènent à Rome ; c’est une des raisons pour lesquelles tant de gens n’y vont jamais.
Le monde n’est pas une pension de jeunes filles à Brighton que nous devons quitter parce qu’elle est misérable. C’est la forteresse de notre famille, avec le drapeau flottant sur la tour et plus elle est misérable, moins nous devons la quitter.
Les matérialistes et les fous n'ont jamais de doutes.
Pour nous Trinitaires (si je puis respectueusement m'exprimer ainsi) pour nous Dieu Lui-même est une société. C'est là vraiment un insondable mystère de théologie et si même j'étais assez théologien pour en parler ici d'une façon positive, il ne serait pas convenable de le faire. Qu'il suffise de dire que cette triple énigme est aussi réconfortante que le vin et aussi accueillante qu'un foyer anglais ; que cette chose qui bouleverse l'intelligence calme complètement le cœur, mais du désert, des lieux secs et des soleils terribles viennent les enfants cruels du Dieu solitaire, les vrais Unitariens qui le cimeterre en main ont dévasté le monde. Car il n'est pas bon que Dieu soit seul.
L'éternité des fatalistes matérialistes, l'éternité des pessimistes orientaux, l'éternité des théosophes dédaigneux et des grands scientifiques contemporains est en effet fort bien représentée par un serpent dévorant sa queue, un animal dégradé qui va jusqu'à s'autodétruire.