Citations sur Orthodoxie (67)
Nous n'avons aucun besoin de nous rebeller contre l'Antiquité ; il faut nous rebeller contre la nouveauté. Ce sont les nouveaux dirigeants, le capitaliste ou le rédacteur en chef, qui exercent réellement leur emprise sur le monde moderne.
L'essence de tout panthéisme, de tout évolutionnisme et de toute religion cosmique moderne se trouve en réalité dans cette proposition : la Nature est notre mère. Malheureusement, si vous considérez la Nature comme une mère, vous découvrirez qu'elle est une belle-mère. Le principal argument du christianisme était le suivant : La Nature n'est pas notre mère ; elle est notre sœur. Nous pouvons être fiers de sa beauté, puisque nous avons le même père ; mais elle n'a sur nous aucune autorité.
On pourrait définir la tradition comme une extension du droit de vote au passé. Elle consiste à accorder le droit de suffrage à la plus obscure de toutes les classes, celle de nos ancêtres. C'est la démocratie des morts. La tradition refuse de se soumettre à la petite oligarchie arrogante de ceux qui ne font que se trouver par hasard sur terre.
Le fou n'est pas un homme qui a perdu la raison. Le fou est un homme qui a tout perdu sauf sa raison.
Le militant athée dit que le christianisme a été quelque chose de sombre et d'ascétique, et montre du doigt la procession de saints austères ou féroces ayant renoncé à leur maison et au bonheur, avant de répudier la santé et le sexe. Mais il ne semble jamais lui venir à l'esprit que l'étrangeté même et l'intégralité de l'abandon par ces hommes donnent l'impression qu'il y avait vraiment quelque chose de réel et de solide dans ce pour quoi ils se sont perdus. Ils ont renoncé à tous les palais pour le seul plaisir de l'extase spirituelle. Peut-être étaient ils fous, mais il semble que ce plaisir ait réellement existé. Ils ont renoncé à toutes les expériences humaines au profit d'une seule expérience surhumaine.
Des hommes qui commencent par combattre l'Église au nom de la liberté et de l'humanité finissent par liquider liberté et humanité s'ils peuvent ainsi combattre l'Église. [...] Je connais quelqu'un qui met tant de passion à prouver qu'il n'aura pas d'existence personnelle après la mort qu'il en vient à nier sa propre existence actuelle. J'ai connu des gens qui protestaient contre l'éducation religieuse avec des arguments visant toute forme d'éducation : l'esprit de l'enfant doit se développer librement, ou encore les adultes ne doivent pas enseigner aux jeunes. J'ai connu des gens qui établissaient qu'il ne saurait exister de jugement divin en démontrant qu'il ne peut y avoir de jugement humain, même à des fins pratiques. [...] Nous excusons à peine le fanatique qui détruit le monde d'ici-bas par amour de l'au-delà. Mais que dire du fanatique qui détruit le monde d'ici-bas par haine de l'au-delà ? Il sacrifie jusqu'à l'existence de l'humanité à la non-existence de Dieu. Ses victimes, il les sacrifie, non pas sur l'autel, mais tout simplement pour prouver que l'autel est vain et que le trône est vide. Il est prêt à détruire jusqu'à cette morale élémentaire qui permet à toute chose de vivre, au profit de son étrange et éternelle vengeance contre quelqu'un qui n'a jamais vécu.
C'est l'honneur particulier de l'Europe, depuis qu'elle est chrétienne, et alors qu'elle avait une aristocratie, d'avoir toujours, dans le fond de son cœur, considéré l'aristocratie comme une faiblesse - généralement comme une faiblesse qu'il fallait tolérer. [...] L'aristocratie anglaise constitue non seulement le type même, mais la couronne et la fleur de toutes les aristocraties actuelles ; elle possède toutes les vertus de l'oligarchie comme elle en a tous les défauts. Désinvolte, aimable, elle est courageuse dans les affaires simples ; mais elle possède un grand mérite qui surpasse tous les précédents : le grand, le très évident mérite de l'aristocratie anglaise, c'est que nul ne saurait la prendre au sérieux.
Les êtres qui agissent le plus promptement et le plus hardiment sont en même temps les êtres les plus fragiles ou les plus sensibles. Les plus rapides sont les plus doux. L'oiseau est actif, parce que l'oiseau est doux. La pierre est inerte, parce que la pierre est dure. De par sa nature même, la pierre tombe, parce que la dureté est faiblesse. De par sa nature, l'oiseau peut s'élever, parce que la fragilité est force. [...] Le rire est un bond. Il est facile d'être lourd, difficile d'être léger. Satan est tombé par la force de gravité.
Seul le surnaturel a jugé sainement de la nature. L'essentiel de tout panthéisme, évolutionnisme et religion cosmique moderne tient dans cette proposition : la nature est notre mère. Malheureusement, si vous considérez la nature comme une mère, vous vous rendez compte qu'il s'agit en fait d'une marâtre. Le point de vue essentiel du christianisme est le suivant : la nature n'est pas notre mère ; la nature est notre sœur. Nous pouvons être fiers de sa beauté, puisque nous avons le même père ; mais elle n'a pas autorité sur nous ; nous devons l'admirer, non l'imiter.
On pourrait concevoir que, de plus en plus, nous nous abstenions de toucher aux choses : ne pas grimper à cheval, ne pas cueillir de fleurs. Nous pourrions pour finir être contraints à ne pas troubler l'esprit d'un homme, ne fût-ce que par une discussion ; à ne pas troubler le sommeil des oiseaux, ne fût-ce qu'en éternuant. L'apothéose ultime serait alors l'attitude d'un homme assis scrupuleusement sans bouger, n'osant pas remuer, par crainte de déranger une mouche, ni manger, par crainte d'incommoder un microbe. Vers une fin aussi grossière, il se peut que nous soyons inconsciemment entraînés.