Il est difficile de trouver un fil conducteur entre ses nouvelles - le recueil, après tout, est posthume, et je me demande même dans quelles éditions il est possible de les trouver en Angleterre. J'ai eu un peu l'impression d'un fourre-tout, qui aurait mérité au moins de voir les nouvelles classées par ordre chronologique, ou regroupées par enquêteurs. C'est ainsi que j'ai lu les nouvelles dans l'ordre de mon choix, et non dans l'ordre imposée par l'éditeur.
J'ai débuté par Nous deux mon chien (Next to a dog, 1929) à cause du thème, bien sûr. Ce n'est pas une nouvelle policière, plutôt une nouvelle réaliste, ou comment une jeune femme que sa famille croit riche (son mari, décédé, s'est ruiné) donne le change du mieux qu'elle peut et ne veut surtout pas sacrifier son fidèle compagnon, même pour un poste bien rémunéré. le dénouement est à la hauteur de son dévouement.
J'ai poursuivi avec le mot pour rire, (Strange jest, 1941) affaire d'héritage que débrouille Miss Marple avec brio. Plus douloureux est Miss Marple raconte une histoire (Miss Marple tells a story, 1935) récit qui aurait bien trouvé sa place dans le Club du mardi. Un homme, dans l'inespoir le plus complet, lui demande son aide : sa femme, le genre à vous raconter comment elle a frôlé la mort alors qu'elle a simplement glissé sur une peau de banane, a bel et bien été poignardée dans sa chambre d'hôtel. Seuls deux personnes avaient la possibilité de la tuer : son mari et la femme de chambre un peu simplette mais bien connue dans l'hôtel. En moins de temps qu'il ne m'en a fallu pour écrire cet article, Miss Marple a débrouillé les choses et a été justement récompensée pour ce qu'elle a fait.
Dans Vol de bijoux à l'hôtel métropole (Jewel robbery at the grand metropolitan, 1924), Hercule Poirot est en petite forme. Si, si, si, c'est Hastings qui vous le dit, Hastings qui se plaint que son ami ne reconnaît pas son intelligence à sa juste valeur. C'est néanmoins un Hercule Poirot égal à lui même qui résout l'affaire avec maestria.
Droit d'asile (sanctuary, 1954), nous ramène à Chipping Cleghorn, où s'est déroulé
La plume empoisonnée. Bunch, la filleule préférée de Miss Marple, ne s'attendait certainement pas à trouver un homme agonisant, réclamant le droit d'asile, en allant ouvrir l'église, comme tous les matins. Miss Marple montre dans cette enquête un allant et un sens de la mise en scène rarement exploitée dans les romans qui la mettent en scène. Cette nouvelle présente aussi quelques similitudes avec
Pourquoi pas Evans ? et exploite aussi la thématique du vol de bijoux, tout comme le mystère des régates (The regatta mystery, 1936) qui met en scène
Mr Parker Pyne. Il suffit qu'une gamine écervelée simule le vol d'un diamant pour que celui-ci soit véritablement volé. Il faudra la douceur et l'humilité de Parker Pyne pour sauver deux amoureux en détresse. Il espérait même prendre des vacances dans L'intrigante de Pollensa (Problem at Pollensa Bay, 1935) mais une mère en détresse réclame son secours. Il ne peut tout de même pas fuir à la mer, ou regagner illico ses pénates ? Non, il se montrera égal à sa réputation, fort heureusement.
L'esprit de
la plume empoisonnée n'est pas loin non plus dans la nouvelle La providence des amants (The love detectives, 1927), rempli, selon les personnages mêmes, de niaiseries chevaleresques, ou de représentations théâtrales, au choix. L'important, dans toutes ces nouvelles, est que l'innocent, quelles que soient les imprudences qu'il ait commises (et seuls les innocents commettent des imprudences puisqu'ils ne savent pas qu'un crime sera commis), soit toujours reconnu comme tel. Dans ses maisons feutrés, les domestiques passent et repassent sans que l'on fasse attention à eux. Coupables ? Victimes ? Ses oubliés sont partie prenantes de chaque enquête.
Ses trop courts récits m'ont laissée sur ma faim, et je pense débuter bientôt un roman d'
Agatha Christie.
Lien :
http://le.blog.de.sharon.ove..